Rapport d'experts 2008 : points forts et engagements ministériels

Publié par olivier-seronet le 18.09.2008
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charge viralerapportcoinfectionaccès aux traitementsprévention
Une conférence de presse au ministère de la Santé en présence de la ministre Roselyne Bachelot…Le signe est clair : la publication du Rapport d'experts 2008 (ou Rapport Yeni) est un événement !
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Il faut dire que ce Rapport, dirigé par le professeur Patrick Yeni, présentent les recommandations de prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH pour les années 2008-2010. Une somme sur laquelle des experts français, médecins et représentants associatifs, ont planché pendant des mois. La conférence de presse, le 11 septembre, a été l'occasion de revenir sur quelques grands axes de la dernière édition. Seronet fait le point.

Le Rapport : un exemple à suivre
Maîtresse de cérémonie, la ministre de la Santé a évidemment salué le travail fait par le groupe d’experts qui a travaillé de janvier à juin 2008 sur cette nouvelle édition. Elle a surtout profité de son intervention pour citer ce Rapport en exemple afin de pouvoir mettre en œuvre une "inflexion" de la politique de prévention en France. Roselyne Bachelot a annoncé qu'un Rapport et des recommandations sur la prévention seront bientôt mis en œuvre. Dans l'esprit de la ministre, il s’agit de reprendre la méthode utilisée pour produire le Rapport Yeni, et de l'appliquer à la seule question de la prévention. On ne sait pas encore à qui la ministre choisira de confier la coordination de ce nouveau document. Le Rapport Yeni consacre déjà quelques pages et des recommandations à la prévention, comme dans les chapitres "Dépistage et nouvelles méthodes de prévention de l’infection par le VIH", "Suivi de l’adulte infecté par le VIH", "Infection par le VIH et procréation", "Prise en charge des situations d’exposition au risque viral". Mais, avec ce nouveau Rapport, il s'agirait carrément de changer d'échelle !

Le dépistage
Patrick Yeni a insisté sur le besoin de "dépister plus et plus précocement". En présentant le graphique ci-dessous, il a souligné que d’énormes progrès avaient été faits depuis dix ans pour réduire la "charge virale", puisque aujourd’hui plus de 80 % des personnes suivies ont une charge virale au dessous de 500 copies/mL. Malheureusement, la "remontée des T4" plafonne puisque, depuis le début des années 2000, seulement 40 % des personnes dépassent les 500 T4/mm3, seuil au dessus duquel il serait souhaitable de se maintenir, comme l’indiquent les recommandations. Au dessus de 500 T4, certaines complications sont moins fréquentes et des études laissent penser que l’espérance de vie rejoindrait celle des personnes séronégatives. Ainsi, dépister plus tôt permettrait d’éviter bon nombre de prises en charge tardives et augmenterait les chances de voir les personnes recevoir un traitement plus tôt, leur permettant de mieux récupérer les T4.

Patrick Yeni n’a pas évoqué, lors de la conférence de presse, un autre champ de la science et de la médecine qui permettrait d’agir sur la remontée des T4 : l’immunothérapie. Cependant, on pourra retrouver dans le chapitre "Immunothérapie de l’infection par le VIH" du Rapport les informations que l’on souhaite, concernant notamment deux produits qui permettraient d’agir sur le nombre de T4: l’Interleukine 2 (Macrolin) et l’interleukine 7.

Le risque cardiovasculaire
Le VIH ou les traitements peuvent parfois faire baisser le bon cholestérol (HDL), augmenter le mauvais cholestérol (LDL), les triglycérides, et avoir une certaine "activité négative" sur les vaisseaux ou au niveau du cœur. Tout ceci, on l’a constaté depuis longtemps. La nouveauté du dernier Rapport est de considérer maintenant l’infection à VIH comme un facteur de risque cardio-vasculaire, en soi. Cette conclusion, sur laquelle les experts sont tombés d’accord, devrait permettre une attention plus soutenue de la part des médecins et favoriser des mesures de prévention. Avec le vieillissement, qui fragilise également le système cardiovasculaire, cela fait au moins deux bonnes raisons d’insister sur les facteurs contre lesquels, pour le coup, on peut avoir une certaine action, comme le précisent les recommandations du chapitre "Complications associées au VIH et aux traitements antirétroviraux" :
« Le groupe d’experts recommande :
– dans le cadre de la prise en charge des complications métaboliques :
a) le suivi des règles hygiénodiététiques et l’arrêt du tabac ;
b) la modification du traitement antirétroviral avec l’utilisation des molécules les moins toxiques ;
c) avant d’envisager, si nécessaire, un traitement spécifique de ces anomalies métaboliques ;

– d’inscrire dans le bilan annuel de synthèse l’évaluation des différents risques métaboliques ; »


Les troubles cognitifs légers
Si les atteintes graves des fonctions cérébrales sont moins fréquentes aujourd’hui, à cause de la baisse de certaines maladies opportunistes sévères atteignant le cerveau, les troubles cognitifs légers sont plus fréquents (25 % des personnes). Il convient de mieux les dépister et les prendre en charge, car ils peuvent avoir un impact négatif sur l’observance ou la qualité de vie. Un dépistage régulier après 50 ans est recommandé notamment en cas de plainte des personnes (voir chapitre "Complications associées au VIH et aux traitements antirétroviraux"). De son côté, Roselyne Bachelot a fait référence aux "consultations mémoire" actuellement mises en place (dans le cadre du plan Alzheimer), dont on pourrait s’inspirer, sur cette question des troubles cognitifs.

La coinfection avec une hépatite
Si les atteintes du foie sont mieux évaluées qu’avant (70 %), il faut développer les alternatives à la biopsie (prélèvement d’un petit bout du foie), avec les techniques dites "non invasives". Le ministère a annoncé que les évaluations des différentes techniques en cours devraient permettre d’avancer prochainement dans ce domaine.
Concernant la demande (notamment associative, ce depuis longtemps) de remboursement du vaccin contre l’hépatite A, le ministère a pris note des recommandations pour les personnes séropositives, et particulièrement celles qui sont co-infectées par l’hépatite B ou C, et met en place un groupe de travail pour définir les conditions de mise en place de ce remboursement (pour qui ? dans quel cadre ?..)

Assistance médicale à la procréation
Roselyne Bachelot a souligné son accord avec le fait qu’être étranger ne soit pas une cause, en soi, d’exclusion de l’accès aux techniques d’aide à la procréation en France.

Education et accompagnement thérapeutique
La ministre a reconnu le rôle pilote des soignants et des associations VIH dans le développement de l’éducation thérapeutique en France. Aujourd’hui, particulièrement dans le champ des maladies chroniques, ce besoin d’accompagnement aux traitements, à la connaissance de la pathologie et à la santé globale mérite une meilleure reconnaissance et une valorisation. En présentant sa future loi "Hôpital, Patients, Santé, Territoires" et le cadrage de l’éducation thérapeutique pour les professionnels, elle a un peu laissé les associations sur leur faim. Le mouvement des malades s’est lui-même organisé, il y a bien longtemps déjà, pour l’accompagnement, l’auto-support et les actions de santé entre personnes concernées. Ce travail a fait la preuve de son intérêt et de son utilité, avec, aujourd’hui, une approche parfois reprise par les professionnels eux-mêmes. A une question sur la place et la reconnaissance de l’accompagnement et des actions associatives, Roselyne Bachelot a finalement déclaré que "le mouvement associatif aurait toute sa place dans l’accompagnement". C'est toujours bon à savoir.

Conditions de vie pour un succès thérapeutique
La question, très actuelle, du pouvoir d’achat s’est glissée dans le Rapport. Pour bien se soigner, actuellement, cela peut être dur quand on n’est pas très riche. Le président du groupe d’experts, Patrick Yeni, a rappelé l’importance de ce chapitre et notamment "la question de l’évaluation et de la prise en compte du reste à charge des personnes séropositives" qui figure dans les points forts et recommandations du chapitre. Comme cette recommandation figure dans le chapitre "Conditions de vie pour un succès thérapeutique", c’est aussi une manière, pour les auteurs du Rapport, de dire que les restes à charge importants ont bien un rôle négatif sur la santé et la capacité à bien se soigner..

Et après le Rapport ?
Produire des recommandations, c’est bien, les faire vivre, c’est mieux. Dans ce but, un certain nombre de demandes associatives ont trouvé écho. Ainsi, une traduction du Rapport en anglais a été annoncée, une autre en espagnol est prévue. L'objectif est de renforcer la diffusion de ce Rapport et surtout de l'approche plus globale de la santé des personnes séropositives dont il est porteur. Le message, c'est que pour les personnes suivies et leurs médecins, il y a mieux à faire que de simplement publier des documents sur "Quel traitement anti-VIH utiliser ?" La ministre, et le directeur général de la Santé, ont promis un suivi des recommandations et la mise en place d’un cadre permettant de trouver des solutions (notamment règlementaires) à ce que les experts proposent. Un engament donc à ce que les recommandations soient appliquées.Un calendrier et des mesures prioritaires à définir sont les prochaines étapes. A suivre…

Crédit Photo : Chaparral [Kendra]

Commentaires

Portrait de sonia

Le groupe d’experts recommande : – dans le cadre de la prise en charge des complications métaboliques : a) le suivi des règles hygiénodiététiques et l’arrêt du tabac ; ils n'ont rien inventé on le savait que le tabac et la mal bouffe nuisaient à notre santé

 b) la modification du traitement antirétroviral avec l’utilisation des molécules les moins toxiques ; ah bon? il y a une échelle de toxicité? ben donnez les moins toxiques alors!

 c) avant d’envisager, si nécessaire, un traitement spécifique de ces anomalies métaboliques ; et si on est encore vivant alors on soigne le mal... hors vih?!! –

 d’inscrire dans le bilan annuel de synthèse l’évaluation des différents risques métaboliques ; » ben venez synthétiser les différents témoignages du vécu de la seropositivité et du traitement...avec nous sur seronet ;-)

Portrait de Gigilamoroso

viendez synthétiser

gigilamoroso

a kipouh