Rapport Drogues 2016 : une question de développement durable (3/3)

Publié par jfl-seronet le 03.11.2016
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Produitsdrogues

Fin juin 2016, L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (Onudc) a présenté son rapport annuel mondial sur les drogues. Il livre des informations intéressantes permettant d’avoir un aperçu global de l’offre en matière de drogues et de la demande. Vaste et ambitieux, il apporte aussi de nombreuses informations sur les "mécanismes d’interaction entre le problème mondial de la drogue" et les différents aspects du développement durable.

Le rapport de l’Onudc se réfère assez largement au document final de la session extraordinaire de l’Ungass sur les drogues. "Le problème mondial de la drogue est étroitement lié à tous les aspects du développement durable", expliquent les experts qui ont choisi de détailler "les mécanismes de cette interaction". Pour eux, tous les domaines du développement durable, tels qu’ils sont répertoriés dans les dix-sept objectifs de développement durable, influent sur la nature et la dynamique du problème de la drogue. Pas question ici de les passer tous en revue, mais plutôt d’en pointer certains.

En matière de développement social

L’objectif numéro dix du développement durable est de : "Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre". Quelles conséquences en matière de politique des drogues ? Pour les experts de l’Onudc : "Ne pas accepter ou comprendre que la toxicomanie est un problème de santé alimente le cycle de la marginalisation dont sont souvent victimes les personnes souffrant de troubles liés à l’usage de drogues et rend ainsi leur rétablissement et leur insertion sociale plus difficiles". Et d’ajouter : "La stigmatisation envers les toxicomanes, notamment de la part du personnel des services de santé, peut nuire à l’efficacité des traitements prodigués à ceux qui en ont le plus besoin".

Autre exemple. L’objectif numéro trois du développement durable est de : "Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge". Les experts de l’Onudc expliquent que, selon une étude sur la charge mondiale de morbidité, en 2013, les opioïdes, la cocaïne, les amphétamines et le cannabis étaient "ensemble la cause de près de douze millions d’années de vie perdues en raison de décès prématurés ou de handicaps, dont plus de huit millions en raison de troubles liés à l’usage d’opioïdes. Pour les experts, les "conséquences néfastes des drogues sur la santé dépendent entre autres de leur mode d’administration. Les personnes qui pratiquent l’injection (…) sont beaucoup plus exposées au risque d’overdose ou d’infection (VIH, VHC) que celles qui fument, avalent, sniffent ou inhalent des drogues".

Par ailleurs, "la consommation de drogues peut avoir des répercussions sur la santé de la société en général étant donné que les usagers de drogues injectables peuvent transmettre des maladies sexuellement transmissibles à d’autres sous-groupes et à la population dans son ensemble", expliquent les experts de l’Onudc.

Parmi ses cibles, l’objectif trois de développement durable prévoit le renforcement de la prévention et du traitement de l’abus de substances psychoactives. "La mise en place de politiques antidrogue fondées sur des données scientifiques peut, grâce à des mesures de prévention et de traitement par exemple, atténuer les conséquences néfastes que la consommation de drogues a pour la santé".

Quelles sont les conséquences des mesures antidrogues sur le développement durable ?

Les experts y répondent dans le rapport. "Les interventions visant à réduire la demande de drogues donnent de bons résultats lorsqu’elles s’appuient sur des mesures fondées sur des données factuelles, visant notamment à réduire au minimum les conséquences néfastes de l’abus de drogues sur la santé publique et la société, telles que des programmes d’échange d’aiguilles et de seringues adaptés, des traitements de substitution aux opiacés, des traitements antirétroviraux et d’autres interventions propres à prévenir la transmission du VIH, de l’hépatite virale et d’autres maladies à diffusion hématogène associées à l’usage de drogues", indiquent-ils. "Le placement en centre de traitement fermé des usagers de drogues et des toxicomanes, surtout des plus jeunes et des plus vulnérables, ne fait souvent qu’empirer la situation – déjà difficile – dans laquelle ils se trouvent".

Le rapport s’est aussi intéressé à la question de la répression et du coût des politiques antidrogues. Il ressort des données limitées disponibles que "plus des trois quarts des personnes détenues pour des infractions liées à la drogue dans le monde sont condamnées pour trafic, et moins d’un quart pour des infractions liées à la consommation personnelle". Si certains pays conduisent des politiques fondées sur le tout répressif, d’autres ont décidé de limiter les peines en adoptant des mesures de substitution à l’incarcération ou aux sanctions (amendes, avertissements, mises à l’épreuve ou soutien, par exemple) en cas de consommation personnelle de caractère mineur sans circonstances aggravantes. Plusieurs études économiques ont été menées sur la question des coûts des politiques antidrogues. Leurs résultats révèlent que ce coût variait entre 0,07 % et 1,7 % du PIB des pays considérés.

Conclusion… provisoire

La répartition géographique de la consommation de certaines drogues, telles que la cocaïne et les drogues synthétiques, est moins concentrée aujourd’hui que par le passé, tandis que l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Océanie sont de plus en plus touchées par l’usage de nouvelles substances psychoactives (NPS). Dans le même temps, on assiste en de nombreux endroits du monde, où certaines drogues sont encore pratiquement inconnues, à une croissance économique rapide. C’est pourquoi il est essentiel de garder à l’esprit les répercussions que le développement est susceptible d’avoir sur la consommation de drogues, et l’expérience des pays développés peut être instructive à cet égard, concluent les experts.

Lire partie 1 et partie 2