Refus de soins : le Défenseur des droits au rapport

Publié par jfl-seronet le 14.04.2014
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Droit et socialrefus de soinsCMU-CAMEACS

Commandé par le Premier ministre [Jean-Marc Ayrault, alors] afin de prendre la mesure du phénomène des refus de soins illégaux, le rapport du Défenseur des droits (4 avril 2014) dresse un état des lieux des pratiques et formule douze recommandations pour une meilleure accessibilité des patients les plus précaires à l’accès aux soins. Explications.

"Pour se soigner en France aujourd’hui, plusieurs millions de personnes bénéficient de dispositifs d’aide : 4,5 millions de personnes bénéficient de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), plus d’un million de l’Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (l’ACS) et l’Aide médicale d’Etat (AME) bénéficie à plus de 200 000 bénéficiaires", rappelle le Défenseur des droits. Néanmoins, et malgré l’obligation qui leur est faite, certains professionnels de la santé refusent de soigner les usagers qui en sont bénéficiaires.

En mars 2013, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a sollicité un avis du Défenseur des droits sur ce sujet. Un groupe de travail a été mis en place. Il a réuni des représentants institutionnels et des associations. Par ailleurs, explique le communiqué du Défenseur des droits, des entretiens ont été réalisés auprès de différents acteurs et une opération de testing a été réalisée par les agents du Défenseur des droits. Des fonctionnaires assermentés testent pour de vrai les professionnels de santé. Par exemple, ils appellent un cabinet médical, demandent un rendez-vous en indiquant qu’ils sont bénéficiaires de l’AME et voient s’ils obtiennent ou pas un rendez-vous. C’est une excellente façon de voir l’effectivité des droits dans la vraie vie. C’est généralement édifiant.

Dans son communiqué, le Défenseur des droits explique qu’à "l’issue de ces travaux, il ne peut que constater : "l’accès au droit à la santé des personnes en situation de précarité n’est pas encore acquis". Et pourtant, il "constitue (…) une exigence fondamentale à laquelle doivent s’attacher l’ensemble des acteurs du dispositif et, de façon plus générale, les pouvoirs publics, garants de l’égalité de tous". Dans son rapport, le Défenseur des droits indique avoir "observer que le faible taux de recours après un refus de soin illégaux confirme la difficulté des usagers à faire valoir leurs droits et le manque de mobilisation des acteurs chargés de traiter les signalements". Du coup, il a fait douze recommandations.

Refus de soin : 12 recommandations pour lutter contre

Pour le Défenseur des droits, un meilleur accès aux soins des patients les plus précaires passe par une simplification du droit. Par exemple avec la possibilité d’ouvrir systématiquement les droits à la CMU-C aux bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active). Cela passe aussi par la promotion des droits, avec des "propositions visant à organiser des campagnes d’information ou intégrer dans la formation des professionnels de santé des modules sur les problématiques d’accès aux soins". Il s’agit aussi de "susciter l’engagement des acteurs" avec l’organisation par ces derniers d’opération de testing. Autre axe : "Mieux prévenir et détecter les refus de soin". Pour le Défenseur des droits, ce sont les Agences régionales de santé qui ont un rôle à jouer. Il s’agirait de leur confier la "fonction de guichet unique pour les plaintes liées aux refus de soins". Dernier axe : "Renforcer les droits des victimes de refus de soin", avec par exemple la mise en œuvre d’un aménagement de la charge de la preuve en faveur des victimes. On peut noter que cette dernière idée avait, un temps, fait partie du projet de loi HPST, mais que sur pression des lobbies médicaux elle était finalement passée à la trappe lors des débats parlementaires. Et pourtant, elle aurait permis une nette avancée des droits puisque ce serait aux auteurs présumés des refus de soins de prouver qu’ils n’ont pas discriminé des patients bénéficiaires de la CMU-C, ou de l’AME, plutôt qu’à ces derniers d’apporter la preuve que c’est sur ces motifs-là qu’on leur a refusé un soin. Ce qui est quasiment impossible à faire.

Accès aux soins et CMU complémentaire : pour l’exemple

Dans son rapport donc, le Défenseur des droits révèle la "persistance de pratiques discriminatoires à l’égard des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle complémentaire". En décembre 2013, le Défenseur des droits a fait appeler 150 médecins (généralistes, gynécologues) et chirurgiens-dentistes à Paris et à Nantes, pour des demandes de rendez-vous "test" afin de mieux cerner les difficultés d’accès aux soins rencontrées par les bénéficiaires de la CMU complémentaire (CMU-C). Ce n’est un mystère pour personne, mais, trop souvent, les "pratiques de certains professionnels de santé tendent (…) à entraver l’accès aux soins de patients particulièrement précaires qui, dès lors, ne reçoivent pas les soins auxquels ils ont normalement droit. Les bénéficiaires de la CMU-C y sont particulièrement exposés". "Les agents du Défenseur des droits ont ainsi sollicité, par téléphone, un rendez-vous médical. Ils ont expressément mentionné leur qualité de bénéficiaire de la CMU-C, hors contexte d’urgence, afin de ne pas occasionner de refus liés à l’incapacité matérielle du praticien, d’offrir un délai de rendez-vous raisonnable, compte tenu du contexte clinique", explique le Défenseur des droits dans un communiqué (3 avril 2014). "Les réponses obtenues auprès de certains praticiens font ressortir la persistance de refus de soins sur un motif lié à la qualité de bénéficiaire de la CMU-C. Par ailleurs, des refus de soins indirects ont été observés à travers plusieurs pratiques récurrentes : refus d’appliquer la dispense d’avance de frais ; non-respect de l’interdiction de dépassement d’honoraires ; proposition de délais abusivement tardifs pour les rendez-vous ; demande d’envoi préalable d’un chèque de caution, ce qui constitue une pratique illégale", indique le Défenseur des droits. "Le taux de refus est presque 2,5 fois plus élevé à Paris qu’à Nantes, et concerne essentiellement les spécialistes que sont les gynécologues et les chirurgiens-dentistes".

Télécharger le rapport du Défenseur des droits "Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME"