Rideau de fer sur la RDR

Publié par Mathieu Brancourt le 25.11.2012
932 lectures
Notez l'article : 
0
 
RDR
Reporter pour Seronet, Mathieu Brancourt est à l’invitation du Fonds mondial de lutte contre le sida en voyage en Ukraine du 19 au 23 novembre pour voir quels sont les enjeux de la lutte contre le VIH/sida, les hépatites et la tuberculose dans ce pays aux frontières de l’Europe. L’Ukraine est le pays d’Europe de l’est le plus touché par le VIH. Mathieu nous propose chaque jour de son périple un billet de voyage… Première étape.
kiev2.jpg

"Que cette première journée fut longue ! Un marathon ukrainien riche en enseignements. La vision de l'épidémie dans l'Etat d'Europe de l'est le plus touché par le VIH n'en est que plus précise. La conférence au siège de l'Alliance (la plus grosse organisation non gouvernementale du pays) fut le miroir du double discours ambiant.

D'un côté, la société civile sous perfusion du Fonds mondial qui tente de structurer et de mettre en place une réponse efficace à l'épidémie. De l'autre, un Etat peinant à prendre la relève des financements. La bureaucratie maladive et la corruption institutionnelle freinent la transition vers une prise en charge gouvernementale pleine et entière. Pire encore, les pouvoirs publics ne financent que les traitements antirétroviraux et le dépistage du sida. Traitement de substitution et matériel propre pour les injecteurs, prévention des IST, du VIH et de la tuberculose auprès des populations les plus vulnérables — et elles le sont ! — ou encore l'équipement médical : RIEN ! Pas un sou pour la réduction des risques de la part du ministère de la Santé, déplorent Alliance et Network, les principales associations de personnes vivant avec le VIH.

Entre le nouveau Plan national sida et la réalité, il y a un gouffre. Un gouffre que le Fonds mondial, en fléchant ses financements vers une société civile mobilisée et organisée, tente de combler. La représentante du ministère, Alla Scherbynska, s'empourpre et veut convaincre de la volonté de Kiev de prendre le leadership de la lutte contre l'épidémie. Les ONG restent sceptiques. Car malgré tous les efforts fournis par les activistes locaux, les avancées réalisées depuis le début de l'aide internationale en 2004 sont contrecarrées par une législation d'un autre âge. Aujourd'hui en Ukraine, un travailleur social peut être condamné à trois ans de prison pour participer à un programme d'échange de seringues. Alors que les hommes ayant des relations avec des hommes (HSH) sont loin d'avoir accès à un soutien et une réponse spécifique, le Parlement discute en ce moment même d'une loi contre la "propagande de l'homosexualité", punissant pénalement toute mobilisation ou discours de prévention à destination des gays.

Entre un gouvernement peu crédible, mais fanfaronnant sa légitimité et des associations, soutenues par la communauté internationale, travaillant dans l'illégalité, la logique de santé publique semble s'être fracassée sur un mur invisible. Les rangées de cités dortoirs de la périphérie de Kiev, vestiges de l'Union soviétique, auraient dû nous mettre sur la voie : putes, pédés, drogués, circulez !