Rome… pour tous les goûts

Publié par Sophie-seronet le 20.07.2011
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IAS 2011
Il faut bien l’avouer, les journées sont longues, les nuits courtes et entre les deux, ben, y’a rien, enfin, juste un peu de pizza et un rien de chianti. Donc, c’est pas pour dire… on commence à fatiguer, mais heureusement que la conférence ne dure pas 15 jours ! Aujourd’hui, il y en a pour tous les goûts : des ARV, des complications, des (Miss) Promesses, de la drogue et même l’Europe qui se (re)cherche !
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VIH dans les pays à ressources limitées : les défis de la prise en charge
La décennie passée a montré que la prise en charge du VIH incluant le traitement antirétroviral était possible dans des pays à ressources limitées, notamment en Afrique Subsaharienne. Pourtant, les défis sont encore nombreux pour atteindre l’objectif de l’accès universel au traitement dans ces pays-là. Serge Eholié, professeur dans le service des maladies infectieuses de l’Université d’Abidjan (Côté d’Ivoire) l’a rappelé en session plénière le 19 juillet. La couverture en antirétroviraux reste limitée dans un grand nombre de pays, notamment si on raisonne à partir des nouvelles recommandations de l’Organisation mondiale de la santé qui prévoient la mise sous traitement anti-VIH à partir de 350 T4/mm3 (au lieu de 200 T4/mm3 dans les recommandations précédentes). La question du financement à moyen et long terme se pose également puisque 80 à 95% des fonds dédiés à la provision du traitement proviennent de l’aide internationale. Alors que les Etats africains s’étaient engagés dans la déclaration d’Abidjan en 2001 à consacrer 15% de leurs budgets au financement de la santé dans leurs pays, ces engagements n’ont pas été tenus. La mortalité même sous antirétroviraux reste élevée, les principales raisons étant l’accès tardif à la prise en charge, les co-infections comme la tuberculose et les hépatites B et C, mais aussi le manque d’une approche globale de la prise en charge. La mise en œuvre des nouvelles recommandations nécessitera une approche proactive en matière de dépistage puisque les personnes qui sont actuellement dépistées positives dans les centres de dépistage sont en très grande majorité déjà avec des symptômes et avec des T4 très bas. Il est également nécessaire de continuer à plaider pour une réduction des coûts des traitements de deuxième et de troisième ligne, mais aussi une baisse des coûts des examens de mesure de la charge virale. Le patent pool (une mise en commun des brevets de médicaments pour faciliter la réalisation de génériques) est l’une des pistes. Il est urgent que l’ensemble des compagnies pharmaceutiques rejoignent cette initiative. Alors que l’enthousiasme autour des récentes données scientifiques sur l’intérêt du traitement comme outil de prévention est au cœur de la conférence de Rome, Serge Eholié nous a rappelés, mardi 19 juillet, que beaucoup reste à faire en matière d’accès au traitement des personnes séropositives dans de nombreux pays à ressources limitées.

Vous reprendrez bien un peu de TasP ?
En plénière, mardi 19 juillet, Susan Kippax, papesse des sciences sociales en matière de VIH, a formalisé ce que presque tout le monde à la conférence dit : la prévention biomédicale (TASP, Prep orale ou topique…), c’est aussi du comportemental. La chercheuse australienne a insisté sur les facteurs facilitant (ou pas) l’utilisation des différents outils préventifs : leur disponibilité, leur coût, mais aussi la façon dont les personnes les interprètent et les intègrent à leurs pratiques. Une intervention qui rejoint celle de Mitchel Warren d’AVAC ( Global Advocacy for HIV Prevention)  et ses quatre questions : "Qui en a besoin ? Qui le veut ? Qui les aura ? Qui paye ? " Avec une question subsidiaire : "Qui décide de tout ça ?" Mitchel Warren a également insisté sur la nécessaire acceptation de l’idée que toutes les stratégies ne vaudront pas pour tout le monde. Lors de son intervention, Susan Kippax a aussi rendu un hommage aux pratiques et stratégies des personnes (ce qu’à AIDES on appelle les savoirs profanes) telles que les méthodes de réduction des risques sexuels, en rappelant que bien souvent elles précèdent les stratégies de santé publique et les essais cliniques. Et de fait, l’essai star HPTN 052, sur la réduction du risque de transmission par le traitement antirétroviral, ne fait qu’entériner les pratiques de nombreux couples séro-différents depuis des années. Une sorte de label "Prouvé scientifiquement" par lequel il semble nécessaire de passer pour faire accepter et reconnaitre ce que vivent les gens.

Parlons un peu de drogues…
Au niveau international, les enjeux de l’accès universel ne concernent malheureusement pas que les traitements anti-VIH : l’accès aux seringues propres et aux produits de substitution rencontre également de nombreux obstacles, qui sont – contrairement aux blocages concernant les antirétroviraux – plus d’ordre politique et idéologique que véritablement économique. Sur le plan mondial, seuls 82 pays ont mis en place des programmes d’échanges de seringues ; ce qui ne veut pas dire que la couverture est effective et suffisante dans ces pays, loin de là. Un chiffre qui laisse songeur : 22 seringues sont distribuées en moyenne par personne injectrice par an ! Quant aux traitements de substitution, ils n’existent que dans 75 pays sur 151 où la pratique de l’injection est constatée. Or, les programmes d’échanges de seringues (y compris en prisons, n’est-ce pas la France ?), d’accès aux médicaments de  substitution, mais aussi les salles d'injection supervisée (vous ne lisez pas la littérature scientifique monsieur Apaire ?) sont "evidence based" ("prouvés scientifiquement"). C'est-à-dire qu’ils ont montré leur efficacité en matière de réduction des overdoses, des contaminations par le VIH et – dans une moindre mesure il est vrai – par le VHC, qu’ils améliorent l’accès aux soins et – cerise, très tendance, sur le gâteau – sont coût/efficaces ! Autrement dit : la dépense produit de bons résultats !
Et même si les programmes les plus performants n’éliminent pas tous les risques, ce qui restreint le plus leur efficacité, ce sont les limites qu’on leur impose, comme, par exemple, la limitation du nombre de seringues distribuées. Le message est clair : "Plus d’accès = plus d’efficacité". Et puisque nous parlions hier de la prévention combinée, les études menées à Vancouver (Canada) montrent que la mise en place des programmes de réduction des risques a pour effet la baisse de la fameuse "charge virale communautaire" (la quantité de virus en circulation dans une population donnée) et de l’incidence. Alors pourquoi de tels programmes ne sont-ils pas mis en place universellement ? Question idéologique pure et simple. C’est bel et bien ce qu’ont rappelé les intervenants de la session dédiée aux programmes à destination des usagers de drogues. Après la présentation de la situation en Ukraine, où la naxolone (un médicament de substitution) pose de graves problèmes de surdose pour des usagers qui n’osent pas appeler les secours de peur de la répression, des résultats plus encourageants ont été montrés dans le développement des programmes, notamment en Malaisie. En revanche, s’il y a bien un pays au sein duquel la situation ne s’améliore pas c’est la Russie. Insensible à la déclaration de Vienne sur la dépénalisation de l’usage des drogues, le gouvernement continue à bloquer l’accès aux produits de substitution et aux seringues et… aux traitements antirétroviraux alors que les personnes injectrices sont les premières touchées par le VIH dans le pays. IL FAUT VRAIMENT QUE CA CHANGE !

La recherche sur le VIH en Europe : une construction en cours
L’Europe a commencé à se structurer en matière de lutte contre le VIH/sida et la co-infection avec les hépatites, il s’agit pour l’Union européenne de mieux coordonner la lutte et d’être plus efficace entre pays européens… Bref d’assurer une meilleure synergie des efforts et des moyens. 53 milliards d’euros sont attribués à cet effet sur un plan de plusieurs années appelé FP7. Une session entière, mardi 19 juillet, y était consacrée. L’objectif est de booster et renforcer la compétitivité européenne en matière de recherche scientifique et de soins ainsi que de trouver des solutions aux problèmes de société induits par l’épidémie à VIH (discriminations, difficultés d’accès aux soins, etc.). Les réseaux scientifiques de coordination européenne sont NEAT (European AIDS Treatment Network), pour des essais européens en coopération entre plusieurs pays à grande échelle sur les traitements ; EUROPRISE, pour la recherche sur les vaccins et les microbicides (ainsi que les très excitantes combinaisons microbicide/vaccination dans un seul gel, commentées ; EUROCOORD, qui coordonne les cohortes sur le VIH sur le vieux continent…  Le cohortes sont des groupes de personnes séropositives suivies sur plusieurs années, pour mieux comprendre l’épidémie et ce que vivent les personnes au long cours. On trouve également parmi les réseaux européens : ERA-NET, pour établir des priorités de recherche dans des domaines précis qui méritent une priorité pour les années à venir, et qui vient de démarrer. AIDES sera présente dans le comité d’ERA-NET (HIVERA). En 2012, il y aura notamment le développement et la validation des tests d’orientation diagnostique du VIH.

Activation immunitaire et inflammation : un enjeu de long terme sur les complications, même sous traitement efficace
C’est un panel des meilleurs spécialistes mondiaux de la question qui était invité à faire l’état des lieux sur ce qui reste, malgré les antirétroviraux très efficaces et de plus en plus de personnes en succès thérapeutique, un point noir sur la progression lente de la maladie à VIH, y compris chez les personnes qui "vont bien". Même en cas de charge virale indétectable, une sur-activation immunitaire persiste. Elle est associée à une inflammation de l’organisme, qui augmente les risques de maladies cardiaques, de survenue de certains cancers ou de vieillissement prématuré. Il reste encore beaucoup d’inconnues pour comprendre les mécanismes exacts de cette inflammation persistante. L’activation immunitaire est maximale chez les personnes séropositives non traitées, elle est moindre chez les personnes séropositives traitées, mais reste plus élevée que chez la moyenne des personnes séronégatives. Le Turn-over (prolifération, mort et de nouveau prolifération, etc.) des cellules T reste important chez les personnes séropositives, amenant à une fatigue du système immunitaire.
Pourquoi cette activation ? A cela plusieurs causes , la réplication du VIH (même lorsqu’elle est très faible), la rencontre de microbes comme le CMV (cytomégalovirus), une muqueuse intestinale plus abîmée, qui laisse passer plus de microbes, un mauvais fonctionnement de la glande appelée le thymus (qui fabrique les cellules T, comme les T4), une fibrose du tissu lymphoïde (l’ensemble des organes où résident les lymphocytes, et le syndrome métabolique (mauvais cholestérol –LDL- élevé, "gros ventre" de la lipodystophie, diabète, résistance à l’insuline, etc.) générés par le VIH ou les traitements anti-VIH. Un des intervenants, Steven Deeks, professeur de médecine à l’université de Californie, pense que la fibrose du tissu lymphoïde pourrait être un élément central de l’inflammation, et que mieux la comprendre pourrait faire avancer les solutions pour mieux lutter contre.
On connaît mieux les marqueurs sanguins de l’inflammation (ces molécules qui reflètent une situation dans le corps), comme les D-Dimer, l’IL-6, la CRP (protéine C réactive), mais le problème est que si certains sont de très bons pronostiqueurs de l’évolution de la maladie et des problèmes à venir, on ne sait pas encore les utiliser et les manier pour intervenir sur eux. On ne sait pas non plus bien caractériser des sous groupes de personnes qui possèdent ces marqueurs d’inflammation plus élevés et donc les facteurs de risque. On a pensé à la co-infection VIH/VHC, mais pour l’instant, cela n’a pas pu être établi. Il reste un énorme champ de recherche pour mieux comprendre et surtout pour trouver des solutions sur ce qui sera un enjeu de santé de plus en plus important pour les personnes séropositives qui vieillissent. Des médicaments sont actuellement en évaluation pour montrer un effet anti-activation ou anti-inflammation dans le VIH et on en attend les résultats avec impatience !

Les + de Seronet
On veut pas trop la ramener, mais c’est qui les mieux informés de la conf’ ? Eh oui, nos informations étaient exactes et Miss Promesses était bien là, dans ses habits de lumière.


Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites (ANRS), a annoncé, en conférence de presse, qu’existerait un deuxième "patient de Berlin", qui a reçu le même protocole de greffe de moelle d’un donneur séronégatif sans CCR5. On attend les résultats et en attendant on vous a rien dit.

On ne résiste pas à vous montrer le visuel de la campagne de promotion du gel rectal qui n’existe pas encore. On vous dispense de toutes nos blagues sur le sujet et, par pitié, faites de même… Bon, après, on peut aussi discuter du fait qu’il existe une campagne pour promouvoir un produit qui n’existe pas, mais bon, on va dire que nos collègues anglais ont une longueur d’avance.


BEAUCOUP MIEUX et quelque part dans le même registre : Le prix du slogan du jour est attribué aux activistes du réseau des femmes séropositives : "Where the hell is the gel ? ".

Commentaires

Portrait de jeanlouis

Il s'agit d'une nouvelle catégorie qui remplace la vieille notion de pays sous développés ou en voie de développement"????????? Cela sent le "propre sur soi" et le "politiquement correct".....mais bon.... cela doit, je suppose, être moins stigmatisant, pour les pays concernés (?)et surtout pour les pays développés qui deviennent moins concernés.......par le développement des autres?????????
Portrait de Amar

Donc peut être y aurait il un deuxième patient de Berlin... J’espère qu'on aura plus d'infos sur ce sujet. Et qu'en est il aujourd'hui du 1er 'patient de Berlin'? Va t il être définitivement considéré comme séronégatif...?