Rome 2011 : dernière moisson !

Publié par Sophie-seronet le 21.07.2011
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IAS 2011
Bon, une dernière et on rentre parce que là tout le monde commence à ressembler à des zombies, on se prend les portes et en plus hier soir il a plu. L’IAS Roma 2011 sera sans aucun doute une de ces conférences qui fera date, mais en attendant un bilan "à froid", voici les dernières infos des sessions du mercredi 20 juillet. Andiamo !
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Le plaidoyer ça marche, mais ça vous change pas immédiatement l’image d’un homme
C’est un peu ce que doit se dire le maire de Rome, Giovanni Alemanno, qui a publié une lettre ouverte, lue en séance plénière, pour demander au Cavaliere Silvio Berlusconi (y a toujours pire ailleurs, hein, ça rassure…) de changer de politique. En effet, comme on vous l’expliquait en début de semaine, l’Italie a cessé de contribuer au Fonds mondial de lutte contre le sida depuis 2009. Le maire de Rome, qui n’avait pas jusque ici la réputation d’être un homme d’une grande sensibilité, voire plutôt sensiblement homophobe, a visiblement été secoué par les tirs croisés du directeur général de l’ONUSIDA, Michel Sidibé, des autres responsables présents, mais aussi des nombreuses associations qui ont bruyamment manifesté leur indignation (oui là, c’est nous sur la photo avec nos petites pancartes) en clamant "Berlusconi paga !" (Berlusconi paie !). Giovanni Alemanno demande donc au Premier ministre, malgré la crise financière (sic !), de revoir sa décision et de contribuer à nouveau au Fonds mondial, car, selon ses mots : "La situation présente montre que tous les efforts faits par les gouvernements et les scientifiques [NB : il oublie au passage les personnes touchées et les associations, mais Rome ne s’est pas faite en un jour] ont réussi à contrôler l’épidémie et qu’abandonner maintenant risquerait de causer la reprise de l’épidémie et des millions de morts". C’est aussi inattendu que bienvenu, mais ça n’a pas pour autant empêché le ministre de la Santé italien, invité ce mercredi matin, de recueillir les huées de la salle. Il faut dire qu’il n’avait rien à annoncer malgré l’initiative de Giovanni Allemano. On verra bien si la position de l’Italie évolue dans les prochains mois.

Le VIH part en cure
La recherche d’un traitement curatif est définitivement un des points forts de cette conférence. En février dernier, lors de la CROI à Boston, Françoise Barré-Sinoussi (qui présidera l’IAS de 2012 à 2014 à la suite d'Elly Katabira) avait officiellement lancé cette initiative d’alliance scientifique internationale, pour rédiger une stratégie. A Rome, le Prix Nobel enfonce le clou avec une "Déclaration de Rome pour un traitement curatif contre le VIH" publiée lundi 18 juillet, mais qui reste très sommaire et vague à ce stade. Mais l’intérêt est là, et de fait, la conférence de Rome est émaillée de très nombreuses présentations scientifiques sur les réservoirs. S’y dessine une meilleure compréhension des mécanismes de latence (dormance) ou réactivation des réservoirs. De nombreuses pistes thérapeutiques ont été évoquées. Carine Van Lint, de l’Université libre de Bruxelles, présentait, mercredi 20 juillet, des effets synergiques de cocktails de molécules, lesquelles données une par une n’avaient qu’un faible effet, mais qui, combinées, réactivaient fortement les réservoirs. Des essais préliminaires sont d’ores et déjà menés à travers le monde.

Consommation de produits et prises de risques
Si les risques d’infection au VIH liés à la consommation de produits par injection sont bien connus, le recours à des produits tels que les opiacés ou encore l’alcool sur les risques de transmission sont moins souvent débattus. C’était l’un des points traités lors d’une présentation en plénière donnée, mercredi 20 juillet, par Nora Volkow, directrice du National Institute on Drug Abuse (NIDA, Etats-Unis). Nora Volkow a expliqué comment la consommation de ces produits était liée à la production de dopamine, une neurohormone impliquée dans la stimulation du plaisir, que celui-ci passe par le recours à la consommation de produits ou/et la sexualité. Schématiquement, notre cerveau est divisé en plusieurs zones dont certaines sont responsables de comportements impulsifs et d’autres qui permettent de contrôler cette impulsivité. Des études ont ainsi montré comment l’alcool diminue l’activité des zones du cerveau qui sont impliquées dans le contrôle de l’impulsivité, amenant potentiellement les personnes à prendre des risques qu’elles n’auraient pas forcément pris. La consommation chronique de produits est susceptible d’affecter à long terme cette habilité à contrôler certains comportements. Ces données sont importantes à prendre en compte dans le cadre des volets comportementaux des essais de prévention combinée à venir.

Traitement comme prévention : le seul cas de transmission a eu lieu au moment de la mise sous traitement
Les résultats détaillés de l’essai américain HPTN 052 ont été précisés à Rome. Il s’avère que l’unique personne qui s’est infectée dans le groupe prenant le traitement s’est contaminée au moment de la mise sous traitement. Le traitement n’avait donc pas eu le temps de réduire la charge virale. Les trois autres cas de contamination non-encore prises en compte dans les analyses ont toutes eu lieu dans le bras qui ne recevait pas le traitement, mais le placebo. Les résultats sont donc encore plus spectaculaires qu’annoncés initialement. C’est peu dire que les résultats détaillés de l’essai HPTN 052 étaient attendus, et ils ont été accueillis par une standing ovation dans la salle plénière. Souriant et détendu – sauf quand il se perdait dans ses notes –, l’investigateur principal, Myron Cohen, dont l’image était projetée sur les écrans géants suspendus au dessus de l’assemblée de chercheurs, cliniciens et activistes, était le maitre de cérémonie de cette session de présentation des résultats. Seul, le tacle de Pietro Vernazza, un des artisans de l’avis suisse de 2008, a dépareillé dans la mécanique bien huilée de Myron Cohen, professeur de médecine et de santé publique à l’Université de Chapel Hill en Caroline du Nord (Etats-Unis) : "A Mexico [conférence internationale sur le VIH en 2008], vous étiez très anxieux [NB : voir farouchement opposé] à propos du traitement comme prévention, je constate que vous avez radicalement changé d’avis."

Prévention de la transmission mère-enfant : AGISSONS MAINTENANT !

Décevante intervention, mercredi 20 juillet, sur le thème de la transmission de la mère à l’enfant (PTME). Philippa Musoke, professeure à l’Université Makerere de Kampala (Ouganda) n’a fait que rappeler ce que tout le monde sait déjà : alors que nous avons les clefs pour réduire la transmission de la mère à l’enfant, la couverture des programmes est toujours limitée dans un grand nombre de pays. Quels sont les obstacles à la mise en œuvre des stratégies de PTME ? Quelles sont les pistes pour avancer ? Nous attendions une intervention se basant sur des résultats de programmes mis en œuvre qui permettraient de passer outre les freins. Il est urgent de ne plus attendre pour agir ! D’autant que, comme l’indiquait Philippa Musoke, les programmes de PTME pourraient avoir un impact plus global sur la santé reproductive.

Ça coupe toujours à Orange Farm !
Les "Late Breaker", ce sont les sessions de dernière minute où sont généralement présentés des résultats TOP ou FLOP, ça dépend. Nous avons donc assisté à la session des "Late Breaker" où l’on parlait de PrEP (on n'a pas fini d’en parler…) et de circoncision.
Bertran Auvert (Inserm), le "Mr Circoncision" de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS)  présentait les résultats de la nouvelle étude menée à Orange Farm, le township d’Afrique du Sud où les premières études d’efficacité de la circoncision ont été conduites. Il s’agissait donc de démontrer si la circoncision continuait à fonctionner en dehors du cadre de l’essai, mais aussi si elle devenait "socialement intégrée", à savoir si les hommes l’acceptaient, voire la demandaient. Pour mémoire, la circoncision avait permis de réduire le risque d’acquisition du VIH de 60% pour les hommes dans les précédentes études. Et les résultats sont là : les hommes étant volontaires pour être circoncis sont plus jeunes, plus éduqués, plus au fait de leur statut sérologique et moins souvent mariés, ce qui fait dire à Bertran Auvert que leur intervention est en train de changer les normes sociales (NB : c’est peut-être un peu tôt pour le dire). Pas de différence concernant les prises de risques : les hommes circoncis ou pas ont un niveau d’utilisation du préservatif équivalent. Et pour la protection contre le VIH, ça marche aussi, à peu près dans les mêmes proportions que dans les premiers essais, même si l’étude présente certaines limites : les effets sont constatés sur un relatif court terme et il est possible qu’elle comporte des biais de recrutement. Cependant, il s’agit quand même des premiers résultats de l’effet de la circoncision "dans la vraie vie" : encore un outil de plus dans les approches de prévention combinée.

Mais et les gays au fait ?
Avec tout ça, finalement peu de présentations portaient précisément sur les gays. Si les scientifiques s’accordent à dire que l’intérêt préventif du traitement chez les gays ne fait aucun doute, les résultats des différentes études, notamment HPTN 052 ne sont pas transposables en l’état. Différences dans les styles de vie (les études chez les hétéros portent beaucoup sur des couples exclusifs), différences dans les pratiques sexuelles… Selon Myron Cohen, la superstar de l’essai HPTN 052, nous ne pourrons jamais avoir d’étude comparable pour des raisons de faisabilité. Il y aura sans doute quelques résultats intéressants dans une étude européenne d'observation appelée "Partners", mais celle-ci restera tout de même limitée. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a rien. Toujours en "late breaker", des résultats complémentaires de l’étude I-Prex ont été présentés. Pour mémoire, I-Prex c’est cet essai de prophylaxie pré-exposition (la PrEP) qui a montré un niveau de protection de 44% en moyenne pour les gays qui prenaient du ténofovir en préventif. La PrEP proposée dans l’essai était continue, c'est-à-dire que les participants prenaient le traitement tous les jours : les résultats ont été considérablement corrélés à l’observance, ce qui plaide pour des formats plus souples (comme pour le projet français Ipergay de PrEP "à la demande") et/ou pour un accompagnement hyper renforcé en termes d’observance.
Les résultats présentés ici concernaient une enquête en ligne fondée sur les résultats de l’essai : le but était de demander aux gays recrutés en ligne via facebook… s’ils connaissaient les résultats de l’essai et si ces résultats changeaient potentiellement leur comportement en matière de prévention. Pratiquement la moitié des répondants déclare être intéressée par l’utilisation de la PrEP, sans que cela change forcément leurs comportements de prévention. En revanche, un répondant sur trois pense que la diffusion des résultats et l’éventuelle mise à disposition de la PrEP risque d’augmenter la pression pour avoir des rapports sexuels non protégés. Enfin, les répondants qui se déclarent les plus intéressés par la PrEP sont également ceux qui déclarent avoir le plus de plaisir au sexe anal non protégé, le plus de pression pour avoir des rapports non protégés et sont le plus confiants dans son efficacité. Au-delà de ces résultats, le constat est bien qu’une éventuelle mise à disposition de la PrEP devra s’accompagner d’un dispositif très structuré d’accompagnement de ses utilisateurs.

Le + de SEronet
La palme de la bizarrerie du jour est attribuée à cette scientifique qui a présenté des pistes de recherche sur un vaccin contre la consommation d’héroïne… Vous avez bien lu, on a bien entendu, mais ça fait un peu flipper quand même. Moi perso je veux bien être vacciné contre TF1 si jamais quelqu’un a une piste…