Ruptures d’ARV : vos témoignages au TRT-5

Publié par jfl-seronet le 18.01.2011
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trt-5ARV
Depuis son lancement en mai 2010, l’Observatoire des ruptures d'approvisionnement des pharmacies en médicaments antirétroviraux du TRT-5 reçoit de nombreux témoignages de personnes confrontées à de réelles difficultés. Des difficultés telles qu’elles ont parfois eu pour conséquence des interruptions de traitements. Extraits.
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“Jeudi 23 décembre, dernier jour de Norvir. Toujours rien. Abbott [le laboratoire qui fabrique ce médicament] dit que le camion devant livrer la région parisienne est bloqué à Rouen, les poids lourds ayant interdiction de rouler… C’est la faute à la neige ! On croit rêver ! Panique à bord. Mon pharmacien et un de ses collaborateurs passent une heure au téléphone à appeler d’autres pharmacies : rien. Puis le miracle, une boîte reste chez un confrère et il veut bien la donner. Mon pharmacien fonce en voiture la chercher. J’ai acheté des chocolats pour toute la pharmacie que nous avons mangés à la mauvaise santé d’Abbott en attendant que mon pharmacien revienne, et j’ai eu mon Norvir ! Abbott se moque de nous, incapable de faire un stock-tampon pour sa molécule, peu après avoir changé pour la formule sèche. Là, ce n’est pas le grossiste qui est en faute, mais bien le labo, déjà bien connu pour ce genre d’inadmissible mépris. Je suis sous antirétroviraux depuis 1991 et c’est la première fois qu’une telle chose m’arrive”, explique une personne à l’Observatoire des ruptures du TRT-5.

Autre cas. La personne s’est présentée dans une pharmacie de Pantin (Seine-Saint-Denis) où elle n’a pas pu obtenir son traitement. “En fin de compte, n’ayant pas les moyens matériels pour me rendre à la pharmacie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière [Paris], j’ai renouvelé ma demande auprès d’autres pharmacies à Paris car apparemment à Pantin, c’était la pénurie ou ils ne voulaient pas se donner la peine de chercher... Je n’irai plus jamais dans cette pharmacie à Pantin”, explique cette personne dans le questionnaire du TRT-5. Le résultat pour elle, c’est cinq jours d’interruption de traitement !
“La pharmacie a obtenu le médicament à une date ultérieure à la livraison normale”, indique une autre personne. Pour elle, l’interruption de traitement sera d’un jour. Sur un autre questionnaire, c’est un professionnel qui signale, cette fois, des dysfonctionnements : “La personne a contacté une volontaire de l’association AIDES. La volontaire s’est rapprochée du laboratoire Tibotec [dont une spécialité était concernée] pour connaître les causes de rupture. Après enquête, les trois grossistes [répartiteurs des médicaments, ceux qui livrent les pharmacies de ville] n’avaient pas passé de commande. La personne a été dépannée par le service hospitalier où elle est suivie. Le labo a fait le nécessaire pour approvisionner la pharmacie, mais ceci a pris cinq jours. Une autre rupture a été signalée au même laboratoire par le professeur Ragnault du Centre hospitalier universitaire de Bordeaux quelques jours après”. Dans ce cas, pas d’interruption de traitement.


C’est une solution différente qu’a trouvée une autre personne confrontée à une rupture : elle a obtenu le médicament auprès d’un proche. Dans son questionnaire, elle affirme : “Les ruptures d’approvisionnement de pharmacies en antirétroviraux deviennent systématiques et chroniques depuis plusieurs mois. Le principe des quotas imposés aux laboratoires mettent en péril le système de distribution des médicaments remboursés et celui du traitement des malades. J’espère que les associations conscientes du problème alertent fermement les instances publiques concernées !”
“INCIDENT ? Non. Homicide volontaire ou pas ? Ça… je ne sais pas ! Bref, sur six mois, ils ont interrompu mon traitement deux fois cinq à six jours. Je suis séro depuis 26 ans. La France m’a toujours fourni mon traitement en temps et en heure. Maintenant, j’ai peur qu’on m’assassine. Je pense quitter la France. Je veux bien combattre la maladie, mais pas contre un Etat qui m’abandonne à mon sort. Je remplis [ce] formulaire pour venir en aide à tous les séropositifs de France”. C’est une situation différente que décrit une autre personne : “La pharmacie a obtenu le médicament auprès du laboratoire fabricant. La pharmacie l’a obtenu à une date ultérieure à la livraison normale. La pharmacienne a vraiment fait tout son possible pour résoudre le problème. Mais il est inadmissible que de telles ruptures se produisent aussi souvent”. Pas d’interruption de traitement pour cette personne.
“Première visite à la pharmacie le 25 juin, la pharmacie propose à la personne de repasser le 28. Le 28, le médicament n’est toujours pas là. Le pharmacien appelle le grossiste habituel en proposant à la personne de repasser le 30. Le 30, produit toujours pas dispo, à nouveau appel au même fournisseur qui répond que, normalement, le produit devrait être dispo le 2 juillet, mais sans assurance.... La personne vient d’être dépannée par une autre personne qui a un stock d’avance chez elle. Nous attendons le 2 juillet», peut-on lire sur un des questionnaires de l’Observatoire du TRT-5. Pour cette personne non plus, il n’y a pas d’interruption de traitement. Il en va différemment (deux jours d’interruption) pour une autre personne : “Le pharmacien m’a juste dit de chercher une autre pharmacie pour voir si je trouve… sachant que nous sommes un samedi et qu’il est 18 h50… A Paris, pas évident de trouver et surtout d’être sûr d’aller dans une pharmacie qui a du stock”.


Dans un contexte d’augmentation des ruptures, certaines personnes trouvent d’autres solutions : “Je me suis fait envoyer un colis par une pharmacie à l'étranger”, explique ainsi une personne. Cela lui a évité une rupture d’approvisionnement. “Je tiens à la disposition du TRT-5 le bordereau de la pharmacie que j’ai pu obtenir concernant la rupture de Kivexa (…) qui n’est pas disponible au moment où je vous écris. La pharmacie a contacté directement le fabriquant qui ne l’a pas très bien reçue. La pharmacie a contacté un autre grossiste, en vain : pas de disponibilité de Kivexa. Trois autres malades rencontrent le même problème de [rupture de] Kivexa ainsi que de Reyataz dans le 92 (Hauts de Seine), 93 (Seine-Saint-Denis) et Paris (…) J’espère qu’ils vont remplir ce questionnaire. Cette pharmacie m’a fait part de problèmes réguliers de disponibilité de Truvada et reste à notre disposition pour nous fournir toutes les informations dont nous avons besoin.  Je reste à votre disposition pour de plus amples informations”, explique une autre personne.
“Je connais quelques personnes qui ont vécu les mêmes difficultés que moi, que ce soit en pharmacie de ville ou d’hôpital… Certains m'ont rapporté que les raisons invoquées étaient purement économiques (traitement trop onéreux). Du coup, les pharmacies ne prévoient pas de stocks. Toutes demandent à ce qu'on leur passe un coup de fil avant ou que l'on s'organise de façon à ne pas être en rupture, ce qui me révolte, mais je subis. Je ne comprends pas que l'on puisse demander à des personnes d'appeler avant (certains n'ont même pas le téléphone) et j'apprécie encore moins que l'on me tienne pour responsable parce que je ne prévois pas à l'avance. Après tout mon boucher n'est jamais en rupture de viande”, explique un autre interlocuteur du TRT-5. Le résultat pour lui, c’est deux jours d'arrêt de traitement.