Saint-Joseph : Histoire d’une fermeture annoncée

Publié par Costa le 05.12.2008
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Personnel extrêmement remonté face à la menace de voir leurs postes supprimés, direction ne sachant plus quoi faire face à une situation financière exsangue : la fermeture pour cause de « non-rentabilité » du service VIH de l’hôpital Saint-Joseph à Paris augure-t-elle d’une série de restructurations dont les malades seraient les premières victimes ?
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“C’est un dossier très compliqué”, explique Olivier Benoît, le coordinateur d’Aides Paris. “Alertés en juin/juillet par les volontaires qui interviennent dans le service que l’information d’une prochaine fermeture circulait parmi le personnel, nous avons demandé à être reçus par la direction pour savoir ce qu’il en était”, poursuit-il. Ce qu’elle finit par faire en septembre/octobre pour confirmer la fermeture – avec d’autres – du service VIH pour cause de non-rentabilité. Mais sans donner de date officielle, en raison des négociations en cours avec les partenaires sociaux et des échéances imposées par le plan social, si ce n’est une échéance rapide ne permettant pas une annonce et  accompagnement garantissant les meilleures conditions de continuité du suivi et d’évitement de rupture de soin ou de « perdus de vue », avec des conséquences potentielles sur la santé même des personnes.

Aides s’attache alors au devenir des patients suivis dans le service et dont le nombre oscillerait, selon les sources, entre 250 et 500. “Mais même si 450 d’entre eux sont effectivement repris par leur médecin ou suivis ailleurs, s’il en reste 50 sur le carreau, c’est inacceptable. Il est hors de question que certains soient perdus de vue, sans plus aucun accès à une prise en charge médicale”, s’emporte Olivier Benoît. Pour Aides, l’objectif était donc avant tout d’obtenir l’assurance que les patients pourraient suivre leur médecin ou, le cas échéant, être bien suivis ailleurs. Mais aussi de profiter de cette première affaire pour faire du plaidoyer sur les risques que fait naître la tarification à l’activité (T2A). Des risques menaçant tous les porteurs de maladies chroniques, également dénoncés par le Corevih IDF dont dépend Saint-Joseph, qui demande que tous les professionnels et les patients des consultations spécialisées soient associés aux plans de restructuration ou de réorganisation.

“La direction assure avoir contacté les autres services de la capitale pour que les patients puissent être suivis ailleurs, mais ce n’est pas si simple, explique Olivier Benoît. Encore faut-il qu’ils aient le personnel suffisant, des plages horaires adaptées, etc.” Très amers et plus que perplexes sur l’évolution du système de santé, les médecins ont averti leurs malades de la fermeture annoncée, sans pouvoir leur en dire beaucoup plus sur l’avenir. Une annonce parfois vécue comme un véritable traumatisme par certains. “Se sentant déjà discriminés par la société, on leur assène qu’ils ne sont plus « rentables » comme malades”, analyse Olivier Benoît. Sans parler du reste du personnel médical ou paramédical très attaché au service qui ne sait pas non plus à quelle sauce il sera mangé. Un personnel engagé et militant, des malades suivis depuis plusieurs années, des volontaires qui interviennent dans le service pour certains depuis plus de dix ans : une fermeture où l’affectif joue logiquement un rôle important.


Faute de date officielle pour cause de plan social, à Saint-Joseph, on attend. Si une partie du service – en particulier les hospitalisations – a d’ores et déjà été fermée, la fermeture est toujours en cours. Face à l’incertitude, l’une des 2 médecins a préféré démissionner pour mieux rebondir à l’autre bout de Paris. “D’après les médecins, reprend Olivier Benoît, la plupart des personnes suivies n’auront pas de grande difficulté à les suivre. Celle qui a démissionné nous a assuré que 99,99% de ses patients la suivraient. Mais elle vient tout juste de changer de poste et nous n’avons pas encore de retours directs de personnes.” Des malades pour lesquels il ne sera pas forcément aisé de traverser Paris, de changer d’habitudes ou de service hospitalier. En attendant la fermeture définitive – vraisemblablement en janvier ou février –, ceux qui restent sont pris en charge par le second médecin qui continue à assurer sur place les consultations. Mais après ? “Cela va se passer au cas par cas”, indique Olivier Benoît. Comme celui récemment signalé par un service infirmier qui s’inquiétait de voir un de ces malades traverser Paris par les transports en commun et qui s’est débrouillé pour qu’il puisse bénéficier d’un premier trajet en ambulance. Et ensuite ? “La fermeture d’un service VIH n’est peut-être pas catastrophique à l’échelle d’une ville comme Paris, mais ce qui l’est, c’est que les patients soient lâchés dans la nature sans aucun suivi”, conclut Olivier Benoît qui entend rester “très vigilant car cette fermeture pourrait annoncer celle d’autres de services « déficitaires »”.

Alors qu’un premier service VIH est fermé dans un hôpital participant au service public hospitalier, que d’autres services (non VIH) sont menacés au sein des établissement de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, ou que des consultations sont supprimées, comme celle de gynécologie au sein d’un service maladies infectieuses à Marseille, on peut craindre que ces évènements ne soient que les prémisses d’autres réorganisations non concertées. Si toute forme de réorganisation n’est pas à craindre, notamment lorsqu’elle se fait au service véritable de la santé des personnes, l’absence de concertation préalable avec les malades et les associations qui les défendent, le défaut de garanties et de mesures réfléchies sur l’impact concernant la santé, ainsi que la précipitation dans les mesures annoncées ne vont pas dans le sens de la qualité des soins que des considérations de rentabilité pourraient supplanter comme objectif n°1 de notre système de soin.

Le Collectif St Joseph se réunira le 8 décembre 2008 à 20h au F.I.A.P (Foyer International d'Accueil de Paris) Jean Monnet, 30 rue Cabanis, 75014 Paris. Au programme (outre le cas St Joseph) :
- Quelles actions en vue d'utiliser l’expérience de St Joseph pour sensibiliser aux méfaits de la T2A appliquée au sida et aux menaces que le projet de loi HPST fait peser sur le système de santé en général ?
-  Liaisons avec d’autres sites menacés en RP ou en province.