Salles de conso : les opposants à gros traits !

Publié par jfl-seronet le 07.03.2013
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Produitssalle de consommation à moindre risque

C’est l’été prochain que doit s’ouvrir à Paris, dans le 10ème arrondissement, une salle de consommation à moindre risque. Matignon a donné son feu vert à cette ouverture "expérimentale". Cette annonce a suscité de très vives réactions à droite (un classique du genre). C’est l’association Gaïa qui pilotera le projet parisien soutenu par la Mairie de Paris.

Le projet (pour le moment uniquement expérimental) de salle de consommation à moindre risque fait couler beaucoup d’encre et beaucoup réagir la classe politique… parfois avec des arguments bien éloignés de la santé publique alors, que le dispositif ne vise pourtant qu’à améliorer la santé des personnes consommatrices de produits par injection. On en a eu un bel exemple avec le face à face organisé par "Le Figaro Magazine" (22 février 2013) qui opposait deux élus parisiens, tous deux médecins : l’adjoint (PS) à la Santé de Bertrand Delanoë, le député de Paris Jean-Marie Le Guen et le député UMP de Paris Bernard Debré.

Du côté de l’UMP, on tire à grosses balles. Cela donne des formules définitives comme : "Ce type de structure ne contribue pas à diminuer le nombre des toxicomanes. Le bilan à l’étranger est plus que mitigé, tendant même vers le négatif, les toxicomanes utilisant le personnel médical comme une assurance contre les risques lors d’expérimentations de dosages encore plus forts (…) plus inquiétant encore : les salles de shoot favorisent de façon négative ceux qui aspireraient à s’arrêter, les toxicomanes y trouvant une solution de facilité comme de confort médical". Et Bernard Debré d’ajouter : "La résultat de votre expérience sera d’autoriser, au mépris de la loi, le trafic de drogue en plein Paris" et autres : "Les salles de shoot attireront les dealers dans les quartiers".

Les grosses cartouches de l’UMP

Ces sorties sont d’ailleurs dans la lignée des réactions officielles de l’UMP. Comme celle de Bruno Beschizza, secrétaire National de l'UMP à l'emploi des forces de sécurité. C'est donc le spécialiste des forces de l’ordre et pas celui de la santé qui dégaine sur ce sujet. Et que dit-il ? "Avec l'expérimentation, avant la généralisation, des salles de shoot, le gouvernement annonce le prélude de la contraventionnalisation de la consommation de cannabis, avant la légalisation, et surtout son extension à toutes les autres drogues", avance Bruno Beschizza (6 février 2013) qui appelle "solennellement le gouvernement à arrêter d'ériger l'idéologie en méthode de gouvernement et à faire preuve d'un peu de bon sens : le dealer n'est pas un boulanger, et une salle de shoot n'est pas un salon de thé !" Invité des "4 vérités", une des émissions politiques sur France 2, mercredi 6 février 2013, Henri Guaino, député UMP des Yvelines avait parlé d’une "incitation à violer la loi", évoquant même à propos du gouvernement une "défaite morale de plus". Le problème est que l’outrance des réactions ne permet pas de faire avancer le débat et encore moins l’accès à la santé des personnes consommatrices.

Un signe d’hypocrisie

Interrogé par "Courrier international" (14 février), Stefan de Vries, correspondant pour RTL Nieuws (Pays-Bas) voit dans la vivacité des réactions : "le signe de l’hypocrisie qui règne en France, où il y a déjà des milliers de "salles de shoot" : les cafés. L’absorption d’alcool y est non seulement autorisée mais promue – c’est un héritage, c’est la qualité de vie à la française. Résultat : 45 000 morts par an. Mais, dès qu’il s’agit d’autres drogues – même du cannabis, dont la France est le plus gros consommateur –, il n’est pas possible d’avoir un débat rationnel", avance-t-il. Lorsqu’on lui demande ce que peut apprendre aux Français l’expérience néerlandaise sur ce sujet, Stefan de Vries explique : "Aux Pays-Bas, des lieux de ce type ont été instaurés par la loi au début des années 2000 (….) Il y en a aujourd’hui entre 35 et 40 dans le pays, dont 7 à Amsterdam. Le bilan est tout à fait positif en ce qui concerne la santé publique, en termes de lutte contre la propagation du sida ou de l’hépatite C. Ceux qui utilisent ces salles – le plus souvent des marginaux sans logis – y trouvent aussi parfois un moyen de se resocialiser. Et les riverains, qui ne sont pas forcément chauds au départ, finissent par se rendre compte que les nuisances diminuent, qu’il n’y a plus de seringues dans leur jardin, par exemple".

Une installation négociée

"Sur place, l’équipe ne se contentera pas de superviser les injections, de délivrer toutes sortes de conseils et de messages préventifs, d’apporter le cas échéant du soutien. Elle tentera également d’établir une passerelle avec des centres de soins plus curatifs, afin de ne pas seulement diminuer les risques associés à la consommation mais aussi de contribuer à enclencher une démarche sanitaire autour de question de la dépendance", explique Henri Bergeron, chercheur à Sciences-Po, dans une tribune publiée sur le site du "Nouvel Observateur" (6 février). Le chercheur en santé publique explique, par ailleurs, qu’un tel dispositif ne peut fonctionner que si les pouvoirs publics engagent "un processus de démocratie locale et participative". "Une discussion avec la société civile doit s’engager. Ce dialogue avec l’ensemble des parties prenantes du quartier, citoyens et commerçants, doit avoir lieu si on ne veut pas perdre tout le bénéfice de cette installation. Ne serait-ce que pour éviter que se constituent des collectifs qui pourraient être tentés de manifester leur hostilité devant la salle de consommation. S’il y a un cordon de sécurité d’habitants opposés au projet, cela risque de décourager les usagers, qui n’auraient pas envie d’affronter les invectives et les menaces. L’installation de ces salles doit être négociée".

Un environnement sécurisé au plan sanitaire

Dans le face-à-face du "Figaro Magazine" (22 février 2013), l’adjoint (PS) à la Santé de Bertrand Delanoë, le député de Paris Jean-Marie Le Guen revient sur les raisons du lancement de ce projet. "Devoir s’occuper du problème global de la toxicomanie est une évidence : le nombre de toxicomanes injecteurs a doublé en vingt ans, environ 50 000 aujourd’hui en région parisienne, mais la salle de consommation que nous allons établir ne concernera que ce chaînon particulier de 5 000 personne qui se shootent à ciel ouvert, entre les gares de l’Est et du Nord, ainsi que dans le quartier de Stalingrad et aux Halles. Elles bénéficieront d’un environnement sécurisé au plan sanitaire, avec une assistance médico-sociale". Et le député PS de Paris d’expliquer : "Pourquoi de tels centres d’accompagnement ? Parce que l’alternative du "tout sevrage" n’est pas une alternative crédible. Il ne suffit pas qu’un malade se retrouve en face d’un addictologue pour obtenir ipso facto des résultats".