Salles de conso : une première expérimentation à Paris

Publié par jfl-seronet le 08.02.2013
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Produitssalle de consommation superviséedrogues

Il en aura fallu du temps, mais finalement le feu vert a été donné. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a approuvé l’ouverture, à des fins d’expérimentation, d’une salle de consommation à moindre risque à Paris dans le Xème arrondissement. C'est la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie) qui est chargée de la mise en place de cette expérimentation, avec le ministère de la Santé. L’UMP conteste violemment cette initiative. Explications.

C’était prévisible, la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée Nationale mercredi 6 février a été l’occasion pour l’opposition d’attaquer la décision du gouvernement prise la veille de permettre à Paris l’expérimentation d’une salle de consommation de drogues à moindre risque. C’est le député UMP de Paris, Philippe Goujon, très opposé et depuis longtemps au projet, qui a interpellé la ministre de la Santé Marisol Touraine. Il a déroulé la feuille de route habituelle de l’UMP sur ce sujet. Elle comprend une évocation du "chemin de souffrance et de désespérance" des personnes qui consomment des drogues, fait le reproche aux partisans des salles de consommation supervisée de contribuer à installer les personnes "dans le confort des addictions" et de favoriser la "banalisation de la drogue". Philippe Goujon y voit un "premier pas vers la légalisation de la consommation de drogues". Il y voit aussi matière à "doute" quant à la volonté du gouvernement à lutter contre les trafics.

Paris et l’Etat, hors la loi ?

Concernant l’expérimentation parisienne, il se demande si "L’Etat et la Ville de Paris" ne vont pas être hors la loi puisque la législation actuelle sanctionne pénalement l’usage. A l’Assemblée Nationale, Marisol Touraine a bien confirmé l’accord de Matignon sur cette expérimentation qui sera suivie "d’une évaluation". Elle note que ce dispositif existe à l’étranger, parfois depuis longtemps, et avec succès. "Il ne s’agit pas de banaliser l’image de la drogue". Le gouvernement affirme n’avoir aucune tolérance à l’égard des trafics comme de la consommation et indique les limites de la politique actuelle (augmentation des consommations, etc.). Marisol Touraine estime que la réponse ne doit pas être idéologique, et que la politique engagée par le gouvernement est une politique de "dignité", une "politique de santé publique". "Vous faites le choix de l’idéologie. Nous faisons le choix de la santé publique", lance-t-elle au député Philippe Goujon.

L’idéologie, l’UMP n’en est effectivement pas exempte si on en juge par le communiqué de presse de Camille Bedin sur le sujet. On peut y lire sous la plume de la secrétaire nationale de l’UMP des phrases comme : "Le Gouvernement socialiste applique donc à la lette la théorie du "mal par le mal" en essayant de guérir "l'héroïne par l'héroïne". Encore une fois, la Gauche Caviar & Cannabis ne gouverne qu'au gré des lobbies. Une ouverture est ainsi prévue dans les quartiers nord de la capitale, à ces endroits précis où de nombreuses familles, modestes pour la plupart, souffrent du fléau du trafic de drogues dures. Quel exemple pour ces familles ? Quel modèle pour ces jeunes ?" Soit rien qui ne fasse avancer le débat, mais c’est très probablement l’idée.

Delanoë se réjouit

De son côté, Bertrand Delanoë, maire de Paris, se réjouit de la décision du gouvernement. "L’engagement et l’expérience de la Ville de Paris en matière de prévention des toxicomanies, de prévention des conduites à risques et d’expérimentation de dispositifs sanitaires et sociaux innovants sont ici reconnus", indique le communiqué du maire. "Alors que le Conseil de Paris s’est prononcé en faveur d’une expérimentation dans la capitale dès le 19 octobre 2010 et que de nombreux débats et retours d’expérimentation dans des pays étrangers ont permis de démontrer l’utilité de ces dispositifs tant sur le plan sanitaire que social, la décision de ce jour est un premier pas important pour permettre d’accompagner les personnes les plus vulnérables et de limiter les dangers sanitaires liés à la toxicomanie. Si les conditions de cette expérimentation restent à préciser, en lien étroit avec la MILDT et les ministères de la Santé, de la Justice et de l’Intérieur, je souhaite que les travaux qui vont s’engager puissent permettre d’élaborer un projet sérieux, exigeant, à la hauteur de ses enjeux sanitaires, sociaux et de tranquillité publique".

Une expérimentation qui sera évaluée

Du côté des services du Premier ministre, on indique que l’expérimentation ainsi lancée est un "travail préparatoire qui va permettre de confirmer la faisabilité du projet dans ses dimensions sanitaires, sociales, économiques et en terme de sécurité publique", a ajouté Matignon. En 2012, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait promis des expérimentations "dans le courant de l'année 2013" et confié à la MILDT "une étude de faisabilité" des différents projets.  Plusieurs villes, de gauche comme de droite, sont sur les rangs pour tenter cette expérimentation : Bordeaux, Marseille, Paris, etc. Le maire du Xe arrondissement de Paris, Rémi Féraud, volontaire pour qu'une salle de consommation ouvre près de la gare du Nord, s'est "réjoui" auprès de l'AFP de la décision du gouvernement. "Le quartier de la gare du Nord en a besoin. Cela fera progresser la santé publique et la sécurité publique", a-t-il expliqué. Il a espéré que la salle puisse être ouverte "avant l'été". Le lieu d'implantation n'a pas encore été trouvé, mais la Ville de Paris travaille avec la SNCF pour trouver un local, a-t-il précisé. Le Conseil de Paris a voté le 10 décembre une subvention de 38 000 euros en faveur de l'association Gaïa Paris, pour lui permettre de préparer l'ouverture de la future salle de consommation.

Une très bonne nouvelle

"C'est une très bonne nouvelle, on va se mettre au travail", salue de son côté Thierry Brigaud, le président de Médecins du Monde (MDM) qui travaille sur le projet avec Gaïa Paris. Cette salle "va permettre de remettre dans le parcours de soins les usagers de drogue à hauts risques", juge Thierry Brigaud. Jean-Pierre Couteron, président de Fédération addiction, qui regroupe des professionnels accompagnant les personnes consommatrices de drogues, est, pour sa part, partagé entre "satisfaction" et "inquiétude". "Satisfaction, parce que ça va se faire. Inquiétude que l'expérimentation ne porte que sur un seul lieu, ce qui fait peser une énorme pression sur ce lieu", dit-il. "La réussite de l'expérimentation passe par plusieurs lieux". Il est assez étonnant il est vrai que d’autres sites n’aient pas été retenus… On imagine que la MILDT donnera des explications sur ce choix… qui ne concerne que Paris.

Commentaires

Portrait de frabro

Le gouvernement fait un pas "prudent" (pour ne pas dire timoré...) dans la bonne direction avec l'ouverture de cette première salle de consommation, que j'espère suivie rapidement d'autres puisque des projets sont prêts en particulier à Marseille.

En faisant ce pas, il agrandit encore le grand écart entre l'application de la Loi de 70 totalement obsolète qui interdit les "drogues" et pénalise l'usage et le pragmatisme de la politique de réduction des risques qui fait passer la santé publique avant l'illusion sécuritaire.

Un premier pas vers la légalisation ? Bien sûr que oui, et le plus vite sera le mieux, la prohibition ayant montré son innefficacité, et la "guerre à la drogue" ayant été définitivement perdue par nos pays dits "développés" qui ont préféré faire la "guerre aux drogués", tout aussi perdue d'avance mais plus facile à utiliser à des fins électoralistes.

J'ai écrit sur mon blog ce matin, à propos du mariage pour tous, que la France avait la droite la plus bète du Monde. Elle le prouve une nouvelle fois dans ce débat qu'elle veut transformer en polémique politicienne, comme elle tentera de le faire sur tous les sujets faisant avancer la société vers l'application intégrale de la devise Républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité, à laquelle j'ajouterai volontier "Santé".