Salles de consommation : 22, v’là les flics !

Publié par jfl-seronet le 04.10.2012
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Et voilà, il ne manquait plus qu’eux comme détracteurs des salles de consommation à moindre risque. Eux, ce sont les syndicats de policiers. C’est "Le Figaro" (5 septembre) qui est allé recueillir leurs avis sur ce projet. Leurs arguments ont fait réagir fortement et promptement le Réseau Français de Réduction des Risques dans un communiqué : Salle de consommation à moindres risques : mais que fait la police ?
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Syndicats de police : la technique des gros sabots
Cela n’étonnera sans doute pas trop… mais les responsables syndicaux sont plutôt contre, même s’ils semblent concéder que le dispositif n’a pas que des inconvénients. "Ces lieux, qui sont peut-être bons d'un point de vue sanitaire et pour les drogués eux-mêmes, entraîneront inéluctablement une situation apocalyptique dans les quartiers. L'afflux programmé de toxicomanes provoquera au bout de quelques semaines le cauchemar des riverains. Ils seront en proie à des comportements asociaux de toute une faune que l'on connaît, hélas, trop bien et qui n'hésite pas à se livrer à des vols, des agressions ou à se prostituer pour se fournir leur produit", explique, dans le registre Nostradamus, Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie Officiers.


De son côté, un chef de brigade anti-criminalité affirme dans "Le Figaro" : "Et que feront ces gens à la nuit tombée si ces centres n'ouvrent pas 24 heures sur 24 ?" Une question que le policier pourrait d’ores et déjà se poser puisque "ces gens" (comme il dit) consomment déjà…  Autre crainte des "flics de terrain" (dixit "Le Figaro") que "la concentration de consommateurs endurcis sur un même site aimante les bandes criminelles et leurs dealers qui cherchent à limiter le temps de transport entre la marchandise et la clientèle". Et le journal d’avancer qu’un "tel phénomène a été observé à Genève, où les mafias tchétchène et géorgienne prospéreraient désormais autour de ces "salles de consommation à moindre risque".  Ah oui, il y a aussi une autre critique. "D'un point de vue opérationnel, les policiers assurent qu'ils n'en tireront aucun avantage pour lutter contre les réseaux", critique le journal. C’est assez logique puisque le dispositif n’est pas un outil répressif, mais une action de santé publique. "Au nom d'une certaine bien-pensance, les pouvoirs publics pourraient débloquer entre 300 000 et un million d'euros pour sécuriser la consommation de produits prohibés alors que nos effectifs manquent cruellement de crédits pour traquer les filières (….) Bien loin de vouloir sevrer les narcos-dépendants dans l'espoir de faire chuter la demande, ce type de dispositif ne fera que légaliser des comportements à risques et lever des tabous", grince un "haut fonctionnaire sous couvert d'anonymat".
 
Le Réseau Français de Réduction des Risques : du tac au tac !
"Les syndicats de policiers Alliance et Synergie, se livrent à une bataille de lieux communs et de préjugés, aux antipodes de l'expertise internationale sur les salles de consommation à moindres risques", explique le Réseau. C’est sur que les responsables de ces syndicats ne semblent pas avoir lu dans le détail la revue de littérature scientifique de l’Inserm.


Les représentants d’Alliance et de Synergie prétendent que "ces lieux entraîneront inéluctablement une situation apocalyptique dans les quartiers". Le Réseau avance, lui, que : "Les salles s'installent dans des quartiers où il préexiste un fort usage de drogues dans l'espace public". Il explique surtout que : "Des années d’une politique française basée sur la seule approche répressive n'ont pu résoudre ce phénomène : décourageant les acteurs du soin et de l’action sociale, ces regroupements d’usagers précaires sur des zones géographiques sont au mieux déplacés par les forces de l'ordre, souvent pour finir par revenir au point de départ. Elles font vivre aux riverains des situations impossibles et exposent les usagers à des risques supplémentaires". Façon de dire que l’apocalypse promis par les syndicats policiers existe déjà et notamment du fait de l’échec d’une politique qui mise tout sur le répressif.
 
Les salles ne créent pas l’usage
Et puis note le Réseau Français de Réduction des Risques, "l’expertise internationale montre que les salles, qui n’ont pas la prétention de résoudre à elles seules l’intégralité des nuisances de ces usages sur la voie publique, contribuent à les réduire sans augmentation de la criminalité. Le deal y reste d'ailleurs strictement interdit à l'intérieur comme à l'extérieur, et si ce contrat est rompu, les forces de l'ordre sont en droit d'intervenir : elles sont le fruit d'un travail commun entre les professionnels de santé, les collectivités locales et les forces de l'ordre". Le Réseau tient aussi à rappeler, ce qui ne semble pas du luxe au vu des amalgames et caricatures faites par les syndicalistes policiers, que : "Les salles de consommation n’ont pas créé l’usage de drogue dont l'évolution ne dépend pas de l'ouverture ou non de salles de consommation à moindres risques. L'expertise internationale montre qu’elles ne le font pas augmenter, ni dans la communauté, ni chez les usagers qui la fréquentent. Au contraire, ce sont des puissants outils d'accès aux soins, y compris de la dépendance, pour les personnes en rupture avec le dispositif socio-sanitaire. En régulant des usages sauvages, en commençant à les encadrer, elles permettent d’ouvrir des solutions nouvelles à des personnes pour lesquelles d’autres propositions (sevrage notamment) ne sont pas encore possibles".

Le Réseau a de la mémoire
"Les arguments développés dans l'article du "Figaro" reproduisent mot pour mot les mêmes fausses évidences que celles que nous avons entendues lors des débats sur la libéralisation de la vente de seringue en pharmacie (1987) ou pour l'avènement des traitements de substitution à l'héroïne (1995). Ils sont basés sur des peurs et des fantasmes, déconnectés des preuves scientifiques. La violence et l’insistance dans l'aveuglement ne peuvent qu'inquiéter sur la capacité de ces représentants à résoudre un problème complexe, celui des usagers en grande précarité qui consomment dans l'espace public en prenant des risques sanitaires et qui ne pourra trouver un début de solution qu'en associant des réponses complémentaires", indique le communiqué du Réseau. Réseau qui se fait un malin plaisir de citer le Chef de la police Suisse de Genève dans une intervention sur les salles de consommation à moindres risques : "Pour la police, l'objectif premier est la vie de tous ses concitoyens, la réduction des risques participe à cet objectif !" Faites passer le message.