Salles de consommation : Touraine parle de santé, pas d'idéologie

Publié par jfl-seronet le 23.10.2014
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Les salles de consommation à moindre risque, seront, à coup sûr, un des grands sujets polémiques de la future loi de Santé que le gouvernement a déjà présentée… et qui sera débattue en 2015. Marisol Touraine a, récemment, dû faire face à une nouvelle attaque en règle contre ce dispositif de réduction des risques. Explications.

La ministre de la Santé Marisol Touraine a défendu (mi octobre) devant les députés l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque prévue dans son projet de loi Santé. Cette expérimentation de salles de consommation de drogue à moindre risque (SCMR) est prévue pendant une durée de six ans. Ces salles, déjà expérimentées dans d'autres pays, sont destinées aux toxicomanes précarisés, qui consomment dans la rue dans des conditions d'hygiène déplorables. Elles ont aussi pour objectif de réduire les nuisances dans l'espace public. Le conseil d’Etat avait demandé au gouvernement de suspendre toute installation de salle de consommation de ce genre avant qu’un cadre légal ne soit adopté. La future loi de Santé doit y pourvoir. On sait que cette question tient lieu de chiffon rouge dans l’opposition (UMP et UDI) et tout particulièrement à Paris où les élus d’opposition (le député Philippe Goujon, par exemple) en font des tonnes sur le sujet. La ministre de la Santé a déjà été interpellée par questions orales et écrites à l’Assemblée Nationale sur les dites salles. La dernière interpellation en date est celle de du député UMP Yannick Moreau. Ce dernier a déposé une résolution, signée par 101 députés, contre la légalisation de ces "salles de shoot", qui constituent selon lui "une faute, contre notre jeunesse (...), contre nos forces de l'ordre et contre les familles qui luttent contre la drogue". On a ainsi un aperçu de la nature des griefs faits au texte. "Arrêtez de chercher à masquer l'échec économique de votre gouvernement, par des rideaux de fumée idéologiques", a asséné le député UMP, un argument déjà utilisé lors de l’examen de la loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Santé versus idéologie

Dans le projet de loi Santé, "il y a la volonté d'accroître les moyens que nous consacrons à la réduction des risques (en matière de drogue), de faire en sorte que les toxicomanes puissent être soignés, tous les toxicomanes", a expliqué Marisol Touraine, en réponse au député UMP. "S'il y a une faute, Monsieur le député, c'est de ne pas vouloir soigner des hommes et des femmes qui ont pour seul tort celui d'être malades", a-t-elle poursuivi. "S'il y a de l'idéologie, Monsieur le député, c'est celle de brandir des risques là où ils ne sont pas. Parce que, ce que moi je ne veux pas, Monsieur le député, c'est que des enfants jouent dans des bacs à sable où traînent des seringues", a-t-elle insisté, préférant que les toxicomanes "puissent être pris en charge dans des centres de réduction des risques. Moi je n'accepte pas qu'il y ait des hommes et des femmes qui ne puissent pas trouver d'accompagnement et de porte vers le système de soins", a-t-elle ajouté, rappelant au député que "des parlementaires et des élus" de son propre groupe "ont apporté leur soutien à cette démarche".  "Je parle de santé, je parle d'accompagnement, je ne parle pas d'idéologie", a-t-elle conclu.

Une "résolution" caricaturale

L’opposition reste imperméable à ces arguments. Et L’UMP bat campagne contre cette mesure qu’elle cherche, par tous les moyens, à faire passer pour une incitation à consommer de la drogue. C’est ce qu’on trouve d’ailleurs comme argument dans la résolution (4 octobre) du député Yannick Moreau, signée par 101 députés. Ce texte remet en cause l’initiative parisienne (le projet du Xème arrondissement conduit par l’association Gaïa). Il remet en cause aussi l’intérêt de ce dispositif. Il prétend ainsi "qu’il n’existe aucun lien avéré entre la présence des salles de shoot et la réduction du nombre d'overdoses" ou encore qu’il "n’existe à ce jour aucune preuve que les salles de shoot contribuent à réduire le nombre de cas d’infections virales du type VIH et hépatites B et C". Cette résolution "regrette que le gouvernement envoie ainsi un message complètement incohérent à l’adresse des familles, des éducateurs, des jeunes, des policiers, des magistrats et de nos partenaires étrangers investis dans la lutte contre ce trafic international" ou encore "renouvelle son attachement indéfectible à une politique de santé publique axée sur les soins, le sevrage, ainsi que la prévention précoce et sans démagogie des jeunes au fléau de la drogue et à une politique pénale ferme et répressive à l’endroit des trafiquants de drogue". Elle affirme surtout que ce projet gouvernemental "encourage l’entretien dans la dépendance des plus nécessiteux, aux frais des contribuables, et en priant à la police de fermer les yeux".