Salles d’injection : l’Ordre des médecins plus hostile que perplexe

Publié par jfl-seronet le 07.02.2013
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Produitssalle de consommationdrogues

L’annonce de Marisol Touraine, ministre de la Santé, de la mise en place en 2013 d’une expérimentation de salle d’injections à moindre risque en France a conduit le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a planché sur ce sujet ; ce qu’il a fait en décembre 2012. Il en ressort des interrogations qui montrent une hostilité manifeste du Conseil à cette initiative. Passage en revue.

Dans le communiqué qu’il a publié le 15 janvier dernier et qu’on peut trouver sur le site du Conseil, l’organisme croit utile de rappeler en préalable que "pour lui, les toxicomanes sont des patients qu’il convient de prendre en charge. L’utilisation de matériels stériles en est le premier avantage". Mais ce sont surtout des questions que se pose le Conseil à propos de la création de ces structures. La première porte sur la levée d’un interdit. En fait plus qu’une question, c’est surtout une opinion qu’énonce le CNOM qui écrit qu’avec ces structures : "On cautionne l’injection de produits illicites" et qu’on "véhicule un message fort permissif pour les jeunes".

Des arguments déjà rodés par l’Académie nationale de médecine, farouchement opposée à la création de ces salles. Le Conseil de l’ordre se demande aussi quelle sera la "responsabilité pour le personnel médical présent dans ces centres". Une bonne question auquel l’organisme répond par deux hypothèses aussi orientées que caricaturales : "Témoins ? Complices ?" Il aurait pu se demander, par exemple, si la responsabilité des professionnels du soin présents dans ce dispositif n’était pas plutôt d’être des partenaires d’une action de santé publique. Non, le CNOM laisse entendre qu’il y aurait une responsabilité pénale des acteurs de santé à laisser se dérouler une consommation par ailleurs illégale… comme si le futur dispositif n’allait pas être régi de façon réglementaire par les pouvoirs publics.

Alors évidemment, le Conseil de l’ordre se pose des questions comme : "Quels soins en cas d’overdose, dans l’ignorance totale du produit injecté ?" Une situation pas très différente de celle que peuvent connaître des médecins appelés en urgence pour une overdose.. mais peu importe. Et puis, on peut envisager que les produits soient testés dans ce dispositif.

Autre question, celle de la "grande dangerosité de la situation pour ces personnels"… On peut rappeler au passage qu’il existe déjà des structures (réseaux de soins, CAARUD, CSAPA) qui accueillent des personnes consommatrices sans qu’il soit fait état de la "grande dangerosité" pour les personnels qui y travaillent. Personne ne dit que c’est facile, ni sans aucun risque… mais c’est tout de même curieux que la question de la dangerosité supposée des personnes soit toujours avancée pour justifier le refus de tester une solution utile pour la santé des personnes et l’amélioration de leur prise en charge.

"Quelle conséquence pour la population environnante ? (dealers)", se demande le Conseil de l’ordre. Argument caricatural habituel qui prétend (sans rien pour l’étayer d’ailleurs) que l’ouverture de ces salles ferait venir à proximité d’éventuels fournisseurs de drogues… C’est une idée reçue et une question qui est plus du ressort de la police que des blouses blanches. Là encore, personne ne prétend que l’existence des CAARUD ou des CSAPA soit associée à une augmentation des dealers dans leur proximité.

Dernier argument du CNOM : "Quel coût ? Dans le contexte économique actuel, le chiffre de 800 00 à  1 million d’euros par centre et par an est avancé". Enfin, le Conseil demande que "dans le cadre de l’expérimentation prévue en 2013 (…) une évaluation extérieure, prenant en compte tous les aspects concernés, soit réalisée et rendue publique". Il ne faudrait pas que cette dernière échoit à l’Académie nationale de médecine qui entend faire connaître sa voix dans ce débat. Une voix d’opposition qui s’embarrasse peu des nuances. Dans un avis adopté le 11 janvier 2011, l’Académie avait déjà donné une idée de sa vision de ce dispositif. On pouvait ainsi y lire : "On ne peut demander à des médecins de superviser ou même de se livrer à de telles intoxications médicalement assistées", car "une démarche médicale ne peut consister à favoriser l’administration de la drogue qui a généré l’addiction", considérait l’Académie. Cette dernière a créé en octobre 2012 "un groupe de travail pluridisciplinaire" sur les centres de consommation de drogue supervisée. Il sera chargé de procéder à une analyse des "implications sanitaires, compassionnelles, économiques et réglementaires" et "d’envisager les possibles conséquences sur la perception de ces pratiques par l’opinion publique".

Commentaires

Portrait de guppy

bien utile l'avis du conseil national des médecins? L'ordre des médecins n'a qu'à se renseigner auprès des pays ayant mis en place les salles d'injections, ça existe en Suisse depuis 1986 sauf erreur de ma part. Parfois je me demande si je vis en France où dans un pays rétrograde qui aime avoir trois trains de retard.