Seringues en prison : la suite en 2014

Publié par Emy-seronet le 02.11.2010
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programme d’échange de seringue
La distribution de seringues stériles en prison ? Ce ne sera toujours pas au programme pendant les quatre années à venir. S'opposant aux recommandations des experts, qui rappellent que les contaminations VIH et VHC en milieu carcéral se font majoritairement lors du partage de seringues usagées, les rédacteurs du Plan d'actions stratégiques 2010-2014 concernant la prise en charge sanitaire des personnes détenues ont choisi de ne pas se prononcer sur le sujet. Pas beaucoup plus d'arguments de la part de la ministre de la santé, pour qui ces programmes pourraient poser des problèmes de sécurité.

"La prévalence du VIH en milieu pénitentiaire est trois à quatre fois supérieure à celle constatée en milieu libre et celle du VHC quatre à cinq fois supérieure" (Rapport de la Mission Santé-Justice, 2001) et "près d'un tiers des entrants en prison sont toxicomanes" (Conseil consultatif national d'Ethique). Ces constats figurent pourtant dans le Plan d'actions stratégiques 2010-2014. La consommation de produits psycho-actifs en milieu carcéral (besoin qui est souvent augmenté par l'impact de l'incarcération sur la santé et le mental des personnes), l'efficacité très modérée des méthodes de prévention du VIH/VHC actuellement proposées aux usagers de drogue, la nécessité de proposer du matériel de réduction des risques (RDR)... Ce sont des évidences qui dérangent et, une nouvelle fois, c'est la négation des preuves scientifiques et l'absence d'engagement qui résonnent dans ce Plan.

Pas un mot sur l'éventuelle mise en place de programmes d'échange de seringues en prison ; une urgence sanitaire qui n'alarme pas les pouvoirs publics français. Et, sur ce point, la ministre de la santé non plus n'est pas "franchement" motivée. A la question "Pourquoi ces programmes ne figurent-ils pas au Plan d'actions 2010-2014 ?", Roselyne Bachelot répond : "En tant que citoyenne, je le comprends assez bien. [Avec les programmes d'échange de seringues], en matière de sécurité, les conditions ne sont pas franchement réunies" (Conférence de presse au ministère de la santé, 28 octobre 2010). Elle n'en dira pas plus ! Alors que les textes de loi autorisent la mise en place des programmes de réduction des risques dans leur intégralité (loi du 18 janvier 1994 qui ordonne l'équivalence des soins en milieu libre et en milieu clos, loi du 9 août 2004 et décret de 2005 qui reconnaît que la réduction des risques passe par  la distribution de seringues stériles...) et que les experts recommandent la distribution de seringues stériles pour diminuer le nombre de contaminations au VIH et au VHC (Rapport Yéni, avis du Conseil National du Sida en septembre 2009, Expertise collective "Réduction des risques chez les usagers de drogue" de l'Inserm en juillet 2010...), les initiateurs du Plan d'actions stratégiques 2010-2014 misent, en effet, sur une stratégie de prévention "standard". Pour aider les personnes à se passer de produits pyscho-actifs, on prévoit le développement des traitements de substitution. Les autres grandes ambitions du Plan ? De l'eau de Javel pour désinfecter une seringue usagée, des préservatifs, du gel lubrifiant... et des traitements prophylactiques post-exposition au VIH pour que ceux qui ont pris un risque aient une chance de s'en sortir.

Crédit photo : emy-seronet