"Sida : no pasaran !"

Publié par jfl-seronet le 07.12.2011
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1er décembre 2011
Plusieurs centaines de personnes ont participé à la marche du 1er décembre 2011 à Paris. Parmi elles, quelques rares parlementaires et des responsables de formations politiques. Seronet est allé à leur rencontre. Qu’ont-ils à dire sur la lutte contre le VIH/sida et ses enjeux ?
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D’accord, la marche du 1er décembre n’est pas celle qui est la plus courue des écharpes tricolores ni des formations politiques. Question de période et de climat (décembre et mauvais temps), question de sujet aussi (le VIH, ce n’est pas consensuel du tout). "De façon générale, Il y a peu de parlementaires qui font des manifestations, note Martine Billard, députée de Paris et co-présidente du Parti de Gauche, qui défile le 1er décembre. Il est vrai aussi qu’il y a peu de parlementaires très engagés sur le VIH/sida. D’abord à droite, on considère presque que ceux qui ont le sida l’ont bien voulu… Je trouve que c’est un discours qui est assez présent sur les rangs de la droite. A gauche, de nombreux parlementaires ne considèrent plus qu’il s’agit d’une priorité. Certains semblent penser que l’époque de la grande épidémie est dernière nous… et qu’il faut passer à autre chose, sans se rendre compte que le sida ce n’est pas du tout terminé, qu’il y a encore des personnes qui sont contaminées y compris en France".

Cet enjeu des contaminations, Thierry Marchal-Beck, président du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), le fait sien… mais en ciblant prioritairement la jeunesse. "Aujourd’hui la génération des 15-20 ans est celle qui se sent la moins concernée par le VIH/sida parce qu’elle n’a pas assez connu la prévention. Ce sont les jeunes de cette génération qui savent le moins comment le virus se transmet, qui ignorent quels sont les moyens de protection. C’est la conséquence directe de deux éléments de la politique de la droite", estime-t-il. Le premier élément, ce sont "les suppressions de moyens, la suppression des infirmières et des médecins scolaires, des professeurs qui faisaient les cours d’éducation sexuelle. Ce sont aussi les suppressions de moyens pour la prévention. Il n’y a plus les grandes campagnes qui passaient tout au long de l’année auparavant". Le second facteur, explique Thierry Marchal-Beck, "c’est l’ordre moral que nous impose la droite. Quand on refuse le mariage pour tous les couples, quand on refuse de parler de la pluralité des sexualités dans les établissements scolaires, quand la sexualité est cachée, qu’elle est taboue… Et bien elle se fait souvent sans protection". Le président du MJS avance que ce sont pour ces deux raisons qu’"aujourd’hui les 15-20 ans sont ceux qui sont le moins protégés du virus du sida et de toutes les infections sexuellement transmissibles". Le MJS propose donc de "remettre des moyens dans l’éducation nationale, de mettre des moyens pour de larges campagnes de prévention destinées aux jeunes, notamment dans les quartiers populaires où la question de la sexualité devient aussi taboue… Et on sait que là où la sexualité est taboue le virus progresse".

"VIH/sida : les jeunes en première ligne !" Il n’y a pas que les Jeunes Socialistes à le penser. On le trouve également mentionné sur le tract du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) qui explique que les "jeunes sont toujours la population la plus contaminée par le VIH. Malgré un léger recul de l’épidémie ces dernières années, on assiste aujourd’hui à une remontée des chiffres de contamination chez les 15-25 ans". Ce n’est pas vraiment ce que disent les chiffres, mais peu importe pour le NPA, c’est une façon d’affirmer que le VIH est le "révélateur des inégalités et des oppressions, chez les jeunes comme ailleurs". Interrogé sur ce point des chiffres, Thierry Marchal-Beck du MJS défend son point de vue : "Ce que nous redoutons de façon extrêmement forte, c’est d’avoir dans les années qui viennent des générations qui n’ont jamais été touchées par la prévention contre le sida. Les jeunes qui ont vingt ans aujourd’hui, vont avoir 30, 35, 40 ans… et s’ils n’ont pas pris l’habitude au moment où ils ont commencé leur sexualité de mettre de façon systématique un préservatif, de faire des tests de dépistage régulièrement… ils auront du mal à les intégrer. Il faut changer cela. Si on veut être la première génération sans sida, c’est bien chez les jeunes qu’il faut faire ce travail de prévention et d’incitation au dépistage".

C’est une approche un peu différente que défendent les Jeunes Ecologistes. Eva Joly, la candidate d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) est venue saluer les militants de son parti présents à la manifestation. Elle a fait quelques pas à leurs côtés. Alors la présence des Jeunes Ecologistes s’inscrit-elle dans la campagne pour 2012. "Non, c’est autre chose, explique Geneviève Augé, coordinatrice des Jeunes Ecologistes d’Ile-de-France. Nous sommes là parce que c’est une question importante, que nous voulons montrer qu’il s’agit d’un sujet de mobilisation, mais en faisant de la politique autrement". Comme d’autres, les Jeunes Ecologistes entendent rappeler la mobilisation qui doit être faite en faveur des jeunes, la protection qui doit être assurée. D’ailleurs, les jeunes militants distribuent des capotes avec des lunettes rouges (c’est une marque désormais !) et un slogan "Eva Joly, la candidate qui protège". Pour Geneviève Augé, une des clefs à comprendre dans ce que propose Europe Ecologie Les Verts, c’est bien "la prise en compte de la santé publique y compris dans sa dimension environnementale et l’importance accordée à la dimension préventive". Un élément qu’Eva Joly met aussi en avant tout comme le fait que pour les écologistes : "Une maladie n’est jamais une affaire individuelle". Un autre facteur est avancé : les politiques de santé publique doivent s’ancrer dans la réalité quotidienne des personnes concernées. Fort logiquement, le parti et la candidate en tirent la conclusion qu’il faut rétablir le droit au séjour pour les étrangers malades, lutter contre toutes les discriminations, notamment celles liées à l’état de santé, ouvrir des salles de consommation supervisée de drogues, promouvoir la prévention de la transmission du VIH et des IST et le dépistage, mais aussi l’épanouissement sexuel et le respect des partenaire".

Ce 1er décembre 2011, nous sommes à moins de cinq mois des élections présidentielles. Il n’est pas illégitime de dresser le bilan de l’actuelle majorité en matière de VIH/sida. Le souci du pluralisme nécessiterait de faire parler la majorité… mais à droite, personne ne vient jamais à cette marche. Trop risqué ! On peut cependant demander leur avis aux parlementaires de gauche qui battent le pavé. Quelles mesures prises en matière de VIH/sida leur semblent les plus injustes, les plus inappropriées ? Il ne faut pas cinq secondes à Martine Billard pour se lancer. Pour la députée de Paris et co-présidente du Parti de gauche, c’est "la stigmatisation vis-à-vis des étrangers. Nous avons eu toute la bataille pour essayer d’éviter que des étrangers atteints du sida ne soient renvoyés dans leurs pays sous prétexte qu’on peut y trouver à un endroit et lorsqu’on en a les moyens la possibilité de se soigner. Cela est absolument scandaleux et inadmissible et malheureusement cela s’applique, même si, au jour le jour, on arrive à empêcher les renvois. Je constate d’ailleurs que vient de sortir un sondage qui indique qu’une majorité de Français est contre ces renvois… ce qui démontre qu’il y a encore de l’humain dans notre société malgré toutes les tentatives de faire primer l’économie".

Député PS de Paris, Jean-Marie Le Guen a, lui aussi un jugement, sur le bilan de la droite en matière de VIH. "Lutter contre la précarité, c’est déjà un élément fondamental pour lutter contre la plupart des grandes maladies et singulièrement le sida et au-delà de la précarité la stigmatisation dont sont victimes beaucoup de personnes atteintes du sida, avance l’élu. Je constate que le gouvernement n’a pas fait, en matière de réduction des risques, les pas qui étaient nécessaires et attendus. Je pense notamment aux salles d’injection à moindre risque. Je pense aux échangeurs de seringues dans les prisons. Je pense aussi à la politique insuffisamment proactive en direction des hommes ayant des relations avec d’autres hommes… Il faut se souvenir du plan de 2011  [plan national de lutte contre le VIH et les IST, ndlr] qui était au point de départ tout à fait insuffisant. Il a fallu l’intervention forte des associations, d’élus dont j’étais pour que les choses se remettent un petit peu mieux dans le bon sens", tacle le député.

Et que pense-t-il du paradoxe qui existe aujourd’hui entre le fait que les avancées scientifiques nous indiquent qu’il est possible d’arrêter l’épidémie et que ce tournant pourrait être raté du fait de la crise. Jean-Marie Le Guen convient qu’il "y a à la fois des défis d’organisation, des défis de financements qui sont importants et qu’il faut porter au plan national et au plan international", mais ne propose pas de solution. "Il y a effectivement une interpellation très forte, note ce spécialiste des questions de santé, même si aujourd’hui les stratégies vaccinales  ne sont pas efficaces, mais il y a d’autres stratégies qui peuvent nous faire avancer sur le chemin de la suppression de la maladie. Je pense notamment au dépistage à résultat rapide et à la mise sous traitement rapide. Indiscutablement, il va falloir remettre en cause les modèles existants et notamment du côté de l’industrie pharmaceutique". "La crise a bon dos, lâche Martine Billard. C’est au mon de la crise qu’on impose aujourd’hui le chacun pour soi. A chacun de  se débrouiller, à chacun depuis sa naissance de mettre de côté l’argent pour pouvoir vivre jusqu’à sa mort en bonne santé… Nous sommes dans ce schéma et celui-ci est encore plus dramatique pour toutes les personnes qui sont malades et bien souvent précarisées. Tant qu’on n’a pas trouver définitivement le vaccin ou les médicaments qui permettent de guérir… il faut absolument maintenir la solidarité et certains refusent cette solidarité en renvoyant toujours à la responsabilité individuelle… Je suis très inquiète qu’au nom des besoins financiers créés par la crise les budgets sociaux dont ceux de santé soient remis en cause".

Cette lecture politique, le groupe Claaaaaash de la Fédération anarchiste la défend, mais plus radicalement encore. Dans un tract intitulé : "Ni dieu, ni maître, ni sida !", les anarchistes expliquent que, pour eux, la lutte contre le sida, c’est "la lutte contre les profits, contre l’argent-roi, les tabous, l’obscurantisme religieux, les hiérarchies, le racisme, la xénophobie, l’oppression des pays pauvres par les pays riches, la nébuleuse des multinationales du médicament et son impact corrupteur sur les gouvernements, l’oppression des minorités et la prison… car aujourd’hui, aller en prison, c’est prendre le risque d’y contracter le sida et de n’y être pas ou mal soigné… mais se battre contre le sida, c’est aussi la révolte, c’est la liberté et c’est surtout faire en sorte que les malades et leurs amis et soutiens prennent leur destin en main. Sida : no pasaran !"