Situation sanitaire dans les outre-mer : la Cour des comptes s’alarme

Publié par jfl-seronet le 28.06.2014
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Chiffressanté outre-mer

La Cour des comptes a publié (12 juin) un rapport pointant du doigt le décalage important et persistant entre la santé en métropole et dans les collectivités d'outre-mer. Comme l’explique l’AFP, le rapport de la Cour des comptes (287 pages) est "sévère", décrivant des "difficultés sanitaires persistantes" pour leurs 2,7 millions d’habitants et des "systèmes de santé à la peine", en l’absence d’une "stratégie d’ensemble" de l’Etat. Que dit le rapport ?

"Pour assurer l’égalité à la santé dans la République, un programme pluriannuel de santé publique pour les Outre-mer s’impose", recommande la Cour des comptes dans son rapport intitulé : "La santé dans les Outre-mer : Une responsabilité de la République". Et pourtant, un tel plan a bien été élaboré en 2009, mais avec de médiocres résultats, juge la Cour. "Imprécis dans ses objectifs, sans programmation financière, ni au demeurant de dispositif d’évaluation, ce dernier a attesté des faiblesses d’impulsion et de pilotage de l’Etat", matraquent les auteurs du rapport. "Le seul engagement calendaire était la réduction de moitié entre 2009 et 2014 entre les taux de mortalité infantile (à moins d’un an, sur le total d’enfants nés en vie) d’outre-mer et ceux de métropole, ambition loin d’être atteinte", critiquent-ils. Bien sûr, il faut constater que les différents territoires d’outre-mer français connaissent une situation sanitaire "nettement meilleure" que celle des pays qui les avoisinent, les Antilles et la Réunion se trouvant même "assez proches désormais du niveau métropolitain", mais il n’en demeure pas moins qu’ils restent confrontés à des difficultés "persistantes". Dans un communiqué, la Cour résume ainsi : "Mortalité infantile et maternelle élevée, incidence importante des maladies infectieuses (chikungunya à La Réunion et aux Antilles, zika en Polynésie française) et chroniques (diabète notamment), diffusion de conduites addictives. Des pathologies rares en métropole, telles que la leptospirose ou le rhumatisme articulaire aigu, demeurent courantes dans une partie des outre-mer. Des risques environnementaux spécifiques, tels que notamment le chlordécone aux Antilles, ont un fort impact sanitaire. La précarité économique aggrave par ailleurs la vulnérabilité des populations concernées. L’ampleur des efforts financiers consentis par l’État a permis, entre 1990 et 2010, une progression de l’indice de développement humain (calculé par le Programme des Nations Unies pour le développement) supérieure en outre-mer à celle de la métropole. Des écarts de 12 à 28 ans demeureraient cependant avec cette dernière, selon cet indice".

Une prévention… sans moyens

Autre grief : "Si la prévention est partout inscrite comme une priorité, les moyens qui lui sont alloués sont fréquemment insuffisants pour réussir véritablement à éviter des dépenses de soins. La médecine ambulatoire joue un rôle essentiel, mais elle est handicapée par de nombreux écueils, à commencer par la répartition très inégale des professionnels entre bassins de vie et la coordination insuffisante des tâches entre professionnels de santé. Du fait de ces difficultés, le secteur hospitalier constitue le plus souvent l’armature du système de soins, mais il peine à assurer ses missions, en raison en particulier d’insuffisances de gestion parfois lourdes de conséquences. De coûteuses évacuations sanitaires doivent être effectuées vers la métropole. Les défis sanitaires des outre-mer obligent tous les acteurs des systèmes de santé à se mobiliser pour améliorer l’accessibilité, la qualité et la sécurité des soins afin d’assurer un meilleur usage des moyens dont ils sont comptables", explique la Cour.

Sureffectifs chroniques

"Dans certains territoires ultramarins, des pénuries de professionnels libéraux sont d’ores et déjà marquées, d’autant plus dommageables qu’elles provoquent une saturation dans les hôpitaux pour des consultations relevant normalement de la médecine de ville", décrit la Cour. "Cette situation contraint à recourir à des remplaçants hospitaliers venant périodiquement et à grands frais de métropole", souligne-t-elle. Fonctionnant comme un "amortisseur social", comme le point le rapport cité par l’AFP, le secteur hospitalier souffre outre-mer de "sureffectifs chroniques", avec le recrutement de personnels médicaux "sous la pression syndicale ou politique". La Cour des comptes en appelle donc à un "pilotage beaucoup plus rigoureux des investissements", et à une "maîtrise rigoureuse des charges de personnel". Encore faudrait-il pour cela que l’Etat mette en œuvre une "stratégie globale", qui fait défaut.

VIH et hépatites virales : que dit le rapport ?

Parmi les maladies infectieuses non vectorielles, les hépatites et le VIH demeurent une priorité. "Les Antilles-Guyane ont un taux d’incidence du VIH de 59 pour 100 000 habitants (contre 39 pour 100 000 en IIe-de-France et 11 pour 100 000 dans le reste de la métropole, chiffres 2009-2010). En 2010, le taux de découvertes de séropositivité en Guyane était de 112 par 100 000 habitants, de 52 en Guadeloupe, de 16 en Martinique – et de 3 à 9 en métropole. L’activité de dépistage est supérieure à ce qu’elle est en métropole, mais le nombre de personnes ne connaissant pas leur séropositivité reste important", note le rapport.

"Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont en recrudescence, comme en métropole ce qui explique que la déclinaison outre-mer du Plan national VIH sida/IST 2010-2014 ait été renforcée", note le rapport qui cite l’exemple de la Nouvelle-Calédonie. "Six fois plus de personnes sont porteuses de chlamydiae en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole, avec 8 % pour les hommes et 10 % pour les femmes de 18 à 49 ans. Les 18 à 25 ans ont 54 fois plus de risques de contracter une chlamydiae (19 %) que les 42 à 49 ans ; chez les 26-33 ans (10,5 %), le risque est 27 fois supérieur".

"Les hépatites virales constituent un important problème du fait de leur fréquence, de leur gravité potentielle et des délais d’évacuation vers la métropole en cas d’hépatite fulminante. Ces données doivent inciter à promouvoir la vaccination et l’éducation à la santé ainsi qu’à redéployer des crédits de l’investissement vers la réduction des risques inhérents à la distribution d’eau potable, l’assainissement et l’hygiène. Des suites seront en tout état de cause à apporter à l’enquête de prévalence des hépatites B et C dans les DOM dont la direction générale de la santé a chargé l’INVS en 2014.

Des recommandations…

Les constats du rapport conduisent la Cour à formuler quelques recommandations dont celle-ci : "Décliner dans un programme de santé publique pour les outre-mer la stratégie nationale de santé et la future loi de santé publique, autour d’un nombre limité de grandes priorités, sur la base d’un calendrier réaliste et d’une programmation budgétaire pluriannuelle, et proposer, dans le respect de leurs compétences, aux gouvernements de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie de s’y associer".

Commentaires

Portrait de Felix77

Si la pandémie touche aussi les îles, cela veut dire, que rien ne pourra arrêter le hiv,