Start : des résultats qui bousculent les recommandations officielles

Publié par jfl-seronet le 01.10.2015
7 497 lectures
Notez l'article : 
2.666665
 
0
Thérapeutiqueinitier un traitementtraiter tôt

Les résultats de l’essai Start ont fait l’objet d’un court rapport de la part de l’Onusida. Ils confirment l’intérêt majeur qu’il y a à démarrer un traitement anti-VIH le plus tôt possible. Ces résultats vont très probablement se traduire par de nouvelles recommandations de l’OMS : le traitement universel pour toutes les personnes vivant avec le VIH, quel que soit leur taux de CD4. Evidemment, l’accès universel au traitement précoce doit s’appuyer sur un renforcement du dépistage et de nouveaux financements. Explications.

Qu’est-ce que l’essai Start ?

Start pour "Strategic timing of antiretroviral treatment" est un essai clinique qui a été notamment financé par les instituts nationaux de la santé américains (NIH) et conduit par l'International network for strategic initiatives in global HIV trials (Insight). L'objectif principal de cet essai était de répondre à la question suivante : y a-t-il un bénéfice clinique à entreprendre un traitement antirétroviral chez des personnes infectées par le VIH, en bonne santé, ayant un nombre de CD4 supérieur à 500 CD4/mm3. 4 685 participants ont été répartis aléatoirement dans deux groupes. Dans un groupe "traitement immédiat", les participants recevaient un premier traitement antirétroviral (ARV) dès l'inclusion dans l'essai. Dans le second groupe à "traitement différé", les personnes débutaient leur premier traitement ARV seulement lorsque leur nombre de CD4 devenait inférieur à 350 CD4/mm3, conformément aux recommandations en vigueur dans la plupart des pays participants au moment du début de l'essai. L'essai a débuté en mars 2011 dans 215 centres répartis dans 35 pays. En France, sous l'égide de l'ANRS, 111 personnes ont participé à l'essai ANRS 142 Start. Les résultats étaient attendus pour 2016, mais au vu des résultats d'une analyse intermédiaire, le comité indépendant de surveillance de l'essai a recommandé la publication des résultats dès mai 2015.

Quelles sont les résultats et conclusions de Start ?

Les résultats de Start montrent une fréquence significativement plus faible du nombre d'événements cliniques (sida, événements graves non sida ou décès) chez les personnes du groupe "traitement immédiat" : 41 événements (0,6 pour 100 années-patient) contre 86 événements (1,25 pour 100 années-patient) chez les personnes du bras "traitement différé", ce qui correspond à une réduction de 53 % du risque de survenue d'événements cliniques graves chez les personnes ayant débuté leur traitement immédiatement après l'inclusion dans l'essai, expliquait en mai dernier un communiqué de l’ANRS. Autrement dit : les données de l’étude Start ont montré que le risque de progression du nombre de cas de sida diagnostiqué, d’autres maladies graves ou de décès diminuait de 53 % chez les personnes ayant commencé leur traitement à un taux de CD4 de 500 CD4/mm3 ou plus, comparé au groupe de personnes dont le traitement a été reporté jusqu’au moment où leur taux de CD4 avait chuté à 350 CD4/mm3.

De façon plus globale, les résultats de Start suggèrent que toutes les personnes séropositives pour le VIH devraient se voir proposer un traitement du VIH et recevoir des informations pour faire un choix éclairé sur le moment où commencer le traitement. Et l’Onusida d’expliquer dans un court rapport sur les résultats de Start : "Dans de nombreux cas, les personnes diagnostiquées séropositives ont été informées qu’elles ne pouvaient pas recevoir le traitement avant que leur taux de CD4 ne soit tombé en dessous de la norme nationale pour le début de la thérapie antirétrovirale. Les données Start suggèrent que cette pratique ne profite pas à la santé du patient". Pour être plus clair : selon les résultats de l’étude, un traitement précoce réduit le risque d’une maladie grave liée au sida ou d’une maladie grave non liée au sida ainsi que les risques de mort de plus de moitié par rapport à un traitement plus tardif.

Par ailleurs, des recherches antérieures ont établi que le traitement du VIH présente également un avantage en termes de prévention (Tasp) et diminue la probabilité de transmission du VIH aux partenaires sexuels. Par ailleurs, comme le mentionne le rapport de l’Onusida : les avantages d’un traitement précoce surpassent clairement les risques de toxicité ou autres effets indésirables au cours de la période de suivi de trois ans de Start.

Quelles conséquences sur les futures recommandations de l’OMS concernant la mise sous traitement ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a entrepris la révision de ses lignes directrices unifiées sur l’utilisation des antirétroviraux pour le traitement et la prévention de l’infection à VIH, ce qu’elle a annoncé en marge de la conférence IAS de Vancouver en juillet dernier. Les données de l’essai Start vont avoir un impact direct sur les futures lignes directrices de l’OMS qui devraient être relevées : le traitement universel pour toutes les personnes vivant avec le VIH, quel que soit leur taux de CD4. Pour le moment, elles recommandent aux pays de mettre sous traitement toute personne dont le nombre de CD4 passe en dessous de 500 CD4/mm3.

Conséquences des résultats de Start sur la stratégie 90-90-90 de l’Onusida (1)

L’Onusida estime que les résultats de Start sont "compatibles" avec la stratégie 90-90-90. "Les résultats de l’essai clinique Start constituent une nouvelle occasion d’inciter les pays à fixer des objectifs ambitieux de lutte contre le VIH et à relever les défis liés au traitement précoce", avance d’ailleurs l’agence onusienne.

Traitement précoce… l’enjeu du dépistage

C’est une évidence. Le traitement précoce nécessite un renforcement du dépistage. On estime que 54 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde ne connaissent pas leur statut sérologique, et que seulement 42 % des nourrissons nés de mère vivant avec le VIH ont été testés et diagnostiqués (données pour 2013). Etendre l’accès à un traitement précoce exige d’accroître considérablement l’accès au dépistage et d’améliorer les liens entre le dépistage et les soins, rappelle l’Onusida. Un accès élargi au dépistage se conçoit avec du dépistage communautaire, des campagnes de dépistage mobiles, une offre de dépistage à domicile, des autotests, etc. Et l’Onusida de préciser : "De bons résultats en termes de poursuite des soins et de suppression de la charge virale seront essentiels pour prévenir le développement de la résistance aux médicaments chez les personnes". Par ailleurs, "l’adoption du traitement précoce du VIH diminue considérablement la valeur de la surveillance de routine du taux de CD4, puisque l’accent se porte désormais vers l’évaluation de la suppression virale au moyen de tests de mesure de la charge virale. L’intensification de l’accès à des tests de la charge virale sera une étape essentielle à la réalisation de l'objectif 90-90-90, explique le rapport de l’Onusida.

Traitement universel précoce : le prix de l’effort

En fait, les questions financières se voient de deux façons. D’un côté, ce qui doit être investi, de l’autre, ce qui est, au final, économisé voire gagné. Ainsi, les prévisions de l’Onusida indiquent que l’intensification de la prévention et du traitement du VIH aura d’importantes retombées économiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire. "Atteindre les objectifs de traitement et de prévention (….) permettrait de réduire les dépenses futures de traitements directs de 43 % grâce au nombre de nouvelles infections évitées. Les gains en termes humains sont encore plus considérables. En moins de deux générations (35 ans), l’élimination du sida permettrait de gagner 760 millions d’années de vie, dont 75 % en Afrique subsaharienne, ce qui éviterait à 7,9 millions d’enfants africains de devenir orphelins". Conséquence : les dépenses pour la prévention, le traitement et les autres services liés au VIH constituent donc "des investissements stratégiques pour sauver des vies, éviter de nouvelles infections et parvenir à l’élimination du sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030". En augmentant le financement, l’objectif des 90-90-90 peut être atteint et les futures recommandations de l’OMS concernant le VIH finançables. Les donateurs internationaux peuvent contribuer à mettre fin à l’épidémie de sida.

Pour autant, tous les pays devront fournir des ressources pour répondre à leurs épidémies nationales de VIH. Il faut que les pays augmentent leurs dépenses de santé et, en particulier, les services liés au VIH, en les adaptant à la situation locale et à leur capacité à les financer. Du point de vue de l’Onusida, l’environnement budgétaire actuel offre des "possibilités d’augmentation du financement domestique dans de nombreux pays à revenu faible et moyen". Plusieurs options s’offrent aux gouvernements : l’intégration du VIH dans les systèmes de financement de la santé existants, l’incorporation dans des initiatives de couverture maladie universelle, la redéfinition des priorités et la réaffectation des fonds existants, les gains d’efficacité et les approches de financement novatrices telles que les taxes sur le tabac, l’alcool, les téléphones portables, le transport aérien, ou les transactions financières.

Traitement universel : s’assurer que les prix soient abordables

La mise en œuvre du traitement précoce par thérapie antirétrovirale nécessitera des efforts sur tous les fronts pour réduire les coûts des traitements. Aujourd’hui, les coûts pour les médicaments de première, de deuxième et de troisième ligne sont très variables. Les coûts des médicaments pédiatriques sont généralement plus élevés que pour les adultes, note l’Onusida. L’une des priorités est d’assurer l’utilisation des flexibilités que permet le régime actuel "de propriété intellectuelle pour permettre la concurrence des génériques, qui s’est avérée être un moteur important de la réduction du prix des médicaments de première intention dans de nombreux pays à faible revenu". Par ailleurs, il est "important de préserver le pouvoir de négociation des pays en développement avec les sociétés pharmaceutiques". Il faut éviter les dispositions "Adpic (2) plus" dans les accords de libre-échange, car elles réduisent les possibilités d’accès aux produits génériques. Les pays les moins avancés doivent continuer à être exemptés de la conformité aux exigences des Adpic pour les produits pharmaceutiques tant qu’ils restent dans la catégorie des pays les moins avancés, ce qui leur garantit la possibilité d’importer des produits génériques et de favoriser les capacités de production locales.

(1) : 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90 % d’entre elles reçoivent un traitement antirétroviral et pour 90 % d’entre elles, la charge virale a été durablement supprimée = CV indétectable.
(2) : Droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce international.