Suisse : décriminaliser la transmission du sida

Publié par jfl-seronet le 01.10.2009
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justice et VIH
"Les séropositifs ne devraient plus être punis quand ils prennent le risque de transmettre le virus du sida lors d’un rapport sexuel non protégé avec un partenaire informé et consentant" affirment deux juristes suisses, Kurt Pärli et Peter Mösch Payot, en conclusion d'une étude sur la "jurisprudence dans les affaires de transmissions éventuelles du VIH" publiée le 23 septembre 2009.
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Rien de mieux qu'une analyse détaillée de la jurisprudence pour décrire ce qui se passe en matière de pénalisation de la transmission du sida, mais aussi pour pointer les enjeux des décisions de justice en matière de prévention. Deux juristes, Kurt Pärli et Peter Mösch Payot, ont conduit ce travail pour la Suisse. Leur étude, réalisée dans le cadre du Fonds national suisse et commandée, notamment, par l'Aide suisse contre le sida, vient d'être publiée. Pour les deux spécialistes, c'est une évidence que la pratique juridique actuelle mène à la discrimination des personnes séropositives en les rendant unilatéralement responsables d'une éventuelle contamination "Faire porter le poids de la faute sur la seule personne séropositive contredit la politique suisse de prévention du sida qui axe son message sur la responsabilité partagée des deux partenaires", notent les deux chercheurs.

Que dit la loi suisse dans ce domaine ?
"Selon le droit pénal, une personne séropositive qui risque de transmettre le sida à ses partenaires lors de rapports sexuels non protégés est punissable – même si le partenaire est consentant et au courant de la maladie", rappellent Kurt Pärli et Peter Mösch Payot. En effet, une "personne séropositive qui prend le risque, en ayant des contacts sexuels non protégés, de transmettre le virus à une personne, et donc que cette dernière contracte le sida, est punissable aux termes des articles 122 et suivants (lésions corporelles) et 231 (propagation d'une maladie de l'homme) du Code pénal suisse." Comme le font remarquer les deux juristes : "Au cours des dix dernières années, le nombre de condamnations par des tribunaux dans ce genre d'affaires a augmenté ; en comparaison européenne, ce même nombre place la Suisse en tête dans le domaine, avec la Suède et l'Autriche."

Les principaux chiffres de l'enquête
Kurt Pärli et Peter Mösch Payot ont procédé au dépouillement des peines en rapport avec le VIH/sida prononcées par les tribunaux cantonaux et le Tribunal fédéral. L'étude indique que : "De 1990 à aujourd'hui, 39 affaires en tout ont conduit à 51 jugements pénaux. 36 affaires concernaient la transmission du VIH par des contacts sexuels non protégés presque tous consentis (…) 31 des affaires étudiées concernaient des contacts hétérosexuels et seulement cinq des contacts homosexuels." L'étude montre que les tribunaux attribuent unilatéralement la responsabilité de la transmission aux seuls séropositifs. Ainsi : "Sur 21 des 39 affaires étudiées, l'article 231 du Code pénal (propagation d'une maladie de l'homme) a été appliqué. A la différence des délits de lésions corporelles, ces condamnations sont aussi prononcées lorsque les contacts sexuels non protégés étaient consentis par les deux personnes, en connaissance du statut séropositif de l'un des partenaires." Les deux juristes indiquent que les tribunaux "n'ont que peu pris en considération la très faible probabilité de se voir contaminer lors d'un unique contact sexuel non protégé", mais notent que "les possibilités de traitement médicamenteux, qui dans certaines conditions rendent extrêmement improbable une infection au VIH, ont débouché sur les premiers non-lieux."

Quelles recommandations ?
Les conclusions de l'étude indiquent que la pratique juridique actuelle "mène à la discrimination des personnes séropositives", qu'elle "entre en contradiction avec la politique suisse de prévention du sida" et qu'elle "n'encourage pas les personnes séropositives à gérer ouvertement leur état de santé, mais elle les pousse à le dissimuler. On est davantage coupable de savoir que de n'être au courant de rien." Les deux juristes recommandent donc de supprimer l'article 231 du Code pénal. Ils vont ainsi plus loin que les mesures discutées dans le cadre de l'actuelle révision de la loi sur les épidémies. Ces dernières ne prévoient en effet qu'un affaiblissement de l'article en question. Le Parlement devrait se saisir de la question d’ici l’an prochain, une fois que le Conseil fédéral lui aura transmis son projet.
Plus d'infos sur http://www.aids.ch
Plus d'infos sur Fonds national suisse de la recherche scientifique : http://www.snf.ch
Crédt illustration : Ozndrl