TASP : plasma et rectum, ça corrèle chez les gays (même avec des IST)

Publié par Renaud Persiaux le 22.09.2011
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SexualitéTasPcharges viralesavis suisse

C’est une nouvelle étude à ajouter au faisceau de preuves convergentes pour la validité du TASP chez les gays. Publiée dans la très sérieuse revue médicale "Journal of Infectious Diseases", elle révèle que les charges virales du sang et du rectum sont très fortement reliées. En clair, si une personne traitée a une charge virale indétectable dans le sang, c’est aussi le cas pour sa charge virale dans le rectum (CV rectale). Et cela reste vrai même en présence d’IST.

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La validité du TASP (traitement comme prévention) chez les gays fait l’objet de nombreux débats depuis les déclarations suisses de 2008, et la publication en mai dernier des résultats de l’essai HPTN 052, mené chez les hétéros, n’a pas permis d’arranger les choses. HPTN 052, c’est certes le "top du top" en termes de niveau de preuve scientifique et d’efficacité (avec au moins 96% de réduction du risque de transmission dès la mise sous traitement, et aucune transmission observée une fois que la charge virale a été réduite par le traitement). Mais nombreux sont ceux qui n'ont cessé de souligner que les résultats de cette étude n’étaient pas transposables aux gays.

De nouveaux voyants au vert

Dès lors, en schématisant, on peut avoir deux visions : il y a ceux qui estiment que suffisamment de signaux sont au vert et que la situation de l’épidémie chez les gays est telle qu’il n’est plus possible d’attendre des preuves certaines qui ne viendront peut-être jamais, tout en appelant de leurs vœux des résultats pour estimer (ou cerner) le niveau de risque résiduel. Selon eux, il faut donc considérer que cette stratégie est applicable aux gays, et l’inclure dans la boîte à outils préventifs qu’on peut proposer aux gays.

En face, il y a ceux qui estiment que la méthode ne peut en aucun cas s’appliquer aux gays (ou alors, avec de grosses réserves), en raison du risque de transmission plus important lors des rapports anaux (ce qui est avéré, mais qui est également vrai quand on utilise un préservatif) ; en raison aussi d’un possible écart (non corrélation) entre les charges virales sanguines et rectales, et d’un effet négatif des IST sur l’augmentation du risque de transmission, lesquelles IST sont plus fréquentes chez les gays dont l’activité sexuelle est importante, et qui sont parfois asymptomatiques, c'est-à-dire non visibles et sans douleur. La nouvelle étude fait passer ces deux derniers voyants au vert.

Rectum / plasma

Réalisée par une équipe de chercheurs des Centres américains de contrôles des maladies (CDC) et des Universités Brown (Rhode Island) et Emory (Atlanta), elle a été menée sur 80 hommes, dont 59 prenaient une trithérapie anti-VIH. Après analyse, les charges virales corrèlent (elles sont très fortement reliées) dans le sang et dans le rectum, et ce sur la durée. Ce qui boucle la boucle entamée par une étude récente de Christine Rouzioux (Hôpital Necker Enfants Malades, Paris) qui montrait en 2010 que les charges virales du sang et du sperme sont très bien reliées si le traitement est pris correctement : "Dans une étude entre 2005 et 2009, on n’a pas trouvé de trace de virus dans le sperme chez les personnes traitées efficacement, observantes et n’ayant pas d’IST".

IST

Côté IST, dans la nouvelle étude américaine, la plupart des hommes (95%) avait une infection à papillomavirus humain (HPV), les deux tiers de l’herpès. Les gonorrhées rectales (dites aussi blennorragies ou chaudes-pisses) ou les chlamydiae étaient détectées chez 39% des hommes. Verdict : les charges virales dans le plasma et dans le rectum restent corrélées même chez les hommes ayant des IST au niveau du rectum. Selon les auteurs, "prendre une trithérapie ARV pourrait réduire l’effet des IST sur la transmission du VIH des gays séropos à leurs partenaires séronégatifs". Ce qui confirme au passage ce que disait Bernard Hirschel dès 2008, à savoir que "l’augmentation des quantités de virus au niveau génital est très bien établie quand la personne n’est pas sous antirétroviraux, mais qu’elle a été moins étudiée chez les personnes traitées". Et qu’"on sait que l’effet des IST est moindre si la personne est traitée efficacement depuis longtemps, ou en cas d’IST discrète (sans symptômes)". Reste à évaluer l’effet des IST sur la corrélation des charges virales du sang et du sperme. Ce que va notamment faire l’étude EVARIST menée par notre Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

"Un effet similaire chez les gays"

Mais selon les auteurs, c’est clair : "Les multithérapies ARV auront un effet similaire sur la réduction de la transmission du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, comme on l’a vu dans les études sur les couples hétérosexuels sérodifférents" […] "Ces résultats plaident pour l’utilisation des traitements ARV comme un moyen de prévention efficace pour réduire la transmission du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes aux Etats-Unis en réduisant la quantité de virus présents dans les parties du corps où a lieu la transmission".

Des nouvelles rassurantes, donc !

Ce qui ne veut pas dire qu’il faut négliger le dépistage et le traitement des IST, qui doivent faire l’objet d’une prise en charge médicale. Un conseil donc : les dépister régulièrement, qu’on prenne des médicaments anti-VIH ou pas ! Et rappelons enfin que le TASP, pour être le plus efficace possible, nécessite un suivi médical régulier et rigoureux et une très bonne observance au traitement anti-VIH.

Pour en savoir plus, lire l’article d’AIDSMAP (en anglais) et accéder au résumé de l’étude (gratuit et en anglais).