Tasp : un tiers des séropos n’en parlent pas à leur médecin

Publié par Fred Lebreton le 18.09.2020
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SexualitéTasP

Le traitement comme prévention (Tasp) est une notion essentielle pour les personnes vivant avec le VIH. Savoir que sa charge virale est indétectable et que le VIH ne se transmet pas contribue à l’estime de soi, au bien-être et à une bonne observance du traitement. Et pourtant une étude récente publiée sur le site d’infos aidsmap révèle qu’une personne séropositive sur trois n’aborde pas le sujet du Tasp avec son médecin santé. 

Dans leur étude, Chinyere Okoli (pharmacienne, spécialiste du VIH, laboratoire ViiV Healthcare) et son équipe ont interrogé un total de 2 389 personnes adultes vivant avec le VIH et sous traitement antirétroviral. Parmi ces personnes, on compte 29 % de femmes, 29 % de personnes âgées de plus de 50 ans et 23 % de personnes diagnostiquées dans les deux années précédentes.

Le questionnaire a été proposé dans 25 pays dans le monde avec 47 % de répondants-es en Europe, 22 % en Amérique du Nord (États-Unis et Canada), 9,6 % en Asie, 9,3 % en Amérique Latine, 7,5 % en Afrique du Sud et 5 % en Australie. La plupart des répondants-es étaient âgés-es entre trente et cinquante ans et trois-quarts d’entre eux-elles avaient un niveau d’éducation secondaire (au-delà du lycée). Deux tiers des répondants-es (66,5 %) ont déclaré que leur médecin leur avait expliqué la notion de Tasp. Aussi, 21,1 % des personnes interrogées étaient conscientes que leur traitement empêchait la transmission du VIH à d’autres personnes, mais l’avaient appris d’une autre source. Plus inquiétant : 12,3 % n’avaient jamais entendu parler du Tasp. Les hommes gays et bisexuels avaient plus tendance à aborder le Tasp (71 %) en comparaison avec les hommes hétérosexuels (58 %) et les femmes hétérosexuelles (65 %).

Dans quatre pays d’Asie (Chine, Japon, Corée du Sud et Taiwan), seulement 51 % des répondants-es avaient discuté du Tasp avec leur médecin. Un constat similaire en Amérique Latine (Argentine, Brésil, Chili et Mexique) avec seulement 61 %. Les pays avec le meilleur taux de réponse positive à la question « Abordez-vous le Tasp avec votre médecin ? » étaient la Suisse (87 %), l’Autriche (84 %) et l’Australie (80 %).

Il est intéressant de noter que parmi les personnes qui ne connaissaient pas le Tasp, 56 % avaient une charge virale indétectable tandis que chez celles qui abordaient le sujet avec leur médecin, 77 % avaient en charge virale indétectable. Les chercheurs-ses ont une double analyse de ces chiffres. Selon eux-elles, le fait de parler de Tasp avec son médecin contribue à une bonne observance du traitement. Il se pourrait aussi que certains médecins attendent que leurs patients-es soient en charge virale indétectable avant d’aborder le Tasp.

Autre point intéressant, il a été demandé aux participants-es de noter leur santé sur une échelle de cinq. Elle était jugée « bonne » ou « très bonne » par 45 % des personnes qui ignoraient le Tasp et 61 % par ceux-celles qui en parlent avec leur médecin. Sur la question parfois délicate de parler de son statut sérologique ouvertement à son entourage, il est intéressant de noter que 20 % des personnes qui ignoraient le Tasp étaient à l’aise pour en parler contre 33 % dans le groupe des personnes qui en parlent avec les professionnels-les de santé.

Dans un commentaire publié en dehors de cette étude, la docteure Sarah Calabrese et le professeur Ken Mayer avancent l’hypothèse qu’une attitude stigmatisante envers les personnes vivant avec le VIH de la part de certains-es professionnels-les de santé pourrait inhiber la communication autour du Tasp. Certaines populations très exposées au VIH sont déjà stigmatisées ainsi que leurs pratiques sexuelles. Les professionnels-les de santé qui ne sont pas à l’aise pour discuter de sexualité avec certaines minorités peuvent de façon implicite freiner le dialogue autour du Tasp.

Dans leur conclusions, les chercheurs-ses recommandent la mise en place d’outils concrets pour faciliter le dialogue autour du Tasp entre les personnes vivant avec le VIH et leurs professionnels-les de santé. Ils-elles préconisent également d’améliorer les connaissances du grand public autour du Tasp à travers des campagnes de communication de santé publique.

« Parler du Tasp dans un environnement médical est vital car les patients-es considèrent l’information qui vient directement des professionnels-les de santé comme plus fiable », concluent les chercheurs-ses.

Références : Okoli C et al. Undetectable equals untransmittable (U = U): awareness and associations with health outcomes among people living with HIV in 25 countries. Sexually Transmitted Infections, online ahead of print, 30 July 2020. Calabrese SK & Mayer KH. Stigma impedes HIV prevention by stifling patient–provider communication about U = U. Journal of the International AIDS Society 23: e25559, 2020 (open access).

 

Commentaires

Portrait de Centvin

Bonjour,

De mon point de vue,comme le TASP comme démarche ne rencontre pas de succés auprés de nos contacts séronégatifs, on est honteux et embarrassés d'en parler.Ceux qui vivent une relation suite à l'acceptation du TASP,  peuvent en parler à leurs médecins.Personnellement étant en échec là-dessus depuis 15 ans pour une relation suivie aprés annonce d'une procédure TASP,cela me ferait plutôt souffrir d'en parler en direct.Je suis en charge virale indetectable depuis 2005.Ce témoignage n'engage que moi.

A bientôt,

Centvin.