Tox un jour, tox toujours ?

Publié par Costa le 23.10.2008
1 717 lectures
Notez l'article : 
0
 
produitsdrogues
"Patients plutôt que délinquants, un progrès ?" : telle était la question posée en clôture des États généraux des usagers de substances (Égus) organisés mi-octobre à Bobigny. Retour sur les craintes suscitées par les nouveaux rapports médecins/usagers créés par l'arrivée des traitements de substitution et l'avènement de l'addictologie.

Après s'être battue pendant des années pour la défense des droits des usagers de drogues, Asud* a officiellement été reconnue association de patients en 2007. "Un gros parapluie contre les mauvaises intentions" comme l'a fait remarquer Pierre Chappard d'Asud, en soulignant que ce nouveau statut était toujours mieux que celui "d'association de malfaiteurs" qu'Asud traînait auparavant. Et pourtant, a-t-il poursuivi, "les usagers sont toujours suspects sinon plus, et un tox sera toujours un tox, non plus parce qu'il n'a pas de volonté mais parce qu'il est désormais considéré comme malade".

Le couple médecine/justice modernisé
Et de dénoncer l'addictologie "qui voudrait faire de nous des malades chroniques du cerveau", et l'injonction thérapeutique - "tu te soignes ou tu vas en prison" - dont on pourrait aussi bien se servir contre l'obésité qui, comme l'usage de drogues, "est un danger pour les obèses et pour la société". Un "hygiénisme rampant" qui renforce la stigmatisation et évacue "tout le côté plaisir et satisfaction" des addictions qui ne sont pas, selon lui, "qu'une maladie. C'est quand on perd la satisfaction qu'on souffre mais quand on veut contrôler une déviance, rien de tel que de la faire passer pour une maladie." L'homosexualité fut d'ailleurs considérée comme telle jusqu'en 1991 par l'Organisation mondiale de la santé... Pour Pierre Chappard, l'addictologie, c'est donc "le couple médecine/justice modernisé car soigner ou punir, depuis les années 70, rien n'a vraiment changé." À l'heure où il faudrait selon lui développer l'éducation à la santé, attention donc de ne pas "se laisser enfermer dans les termes patients et maladie, au risque de ne plus pouvoir parler d'usage de drogues". Car comme le disait Claude Olievenstein : "un médecin qui accepte de soigner un malade qui n'en est pas un se met au service de la loi."

Le droit au plaisir et au risque
Le statut de patient constitue-t-il dès lors un progrès pour les usagers de drogues ? Pour Bruno Spire, le président d'Aides, "la médicalisation n'est pas forcément un gros mot car les usagers du système de soins ont aussi besoin d'autres pistes. Avec le VIH, ce sont les malades qui ont poussé les chercheurs et la recherche a parfois besoin d'être poussée." Pourtant, considérer l'ensemble des usagers des drogues comme des malades "est sans doute trop fort", et mieux vaudrait pour Bruno Spire une prévention "qui ne soit pas que biomédicale** mais qui prenne en compte le droit au plaisir et au risque qui font partie de la vie". "La réduction des risques, c'est permettre de réduire les conséquences de ces prises de risque", a-t-il expliqué en insistant sur la nécessité de tenir compte de l'expérience des personnes. "Aujourd'hui, c'est encore plus dur de dire qu'on prend des risques que de dire qu'on est malade, et aller plus loin dans la réduction des risques implique de rester très ferme sur cette dimension communautaire. On ne peut pas faire pour les personnes sans les personnes."

Apprendre à tricoter
Un débat au cours duquel le directeur de la clinique Montevideo, William Lowenstein aura, pour sa part, reconnu que "certains médecins se demandent effectivement si c'est une bonne chose d'avoir abandonné la toxicomanie pour l'englober dans l'addictologie, derrière le tabac, l'alcool, etc." Un concept avec lequel "on s'est peut-être planté" et qui ne va pas forcément aider. Pour le spécialiste, l'usage de drogues reste cependant une maladie, "très particulière, certes, mais sachez-le réversible", face à laquelle "tout n'est pas blanc ou noir ", le médecin ayant souvent à choisir "entre gris et gris".
Comme l'a ainsi résumé le président de l'AniteA***, Jean-Pierre Couteron, tout n'est donc "pas si simple - tu prends de la drogues, tu es un tox ; tu va voir un médecin, tu es malade - et il faut arriver à tricoter entre les 2". La naissance de l'addictricologie ?

* Autosupport des usagers de drogues (www.asud.org)
** L'approche biomédicale a tendance à exclure les aspects psychologiques et les facteurs sociaux pour plutôt se focaliser sur les facteurs biologiques, en vue de comprendre la maladie chez une personne.
*** Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie (www.anitea.fr)

Commentaires

Portrait de skyline

Intéressant, y a un beau parallèle à faire entre le trop plein de médicalisation de la séropositivité et de la toxicomanie. De la même manière y a une belle comparaison à faire entre réduction des risques liés à l'usage de drogues et réduction des risques sexuels. A quand des analyses comparatives ? Penser global...
Portrait de Traitdunion

Intéressant de tricoter sur l'addiction mais j'ai entendu je ne me rappelle plus où que "si je m'en occupes de ma maladie c'est au médecin de s'en occuper de mes médicaments, car je n'ai pas les temps de faire 2 choses au même temps !"