Traiter l’hépatite C sans interféron : des ATU pour le siméprévir et le daclatasvir

Publié par Renaud Persiaux le 17.03.2014
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Thérapeutiquevhchépatite Cdaclatasvirsiméprévir

Le printemps 2014 voit se confirmer les espoirs concernant les possibilités de traitement sans interféron du virus de l’hépatite C (VHC). S’utilisant par injections hebdomadaires, souvent mal toléré, l’interféron est contre-indiqué pour un grand nombre de personnes. De nouvelles molécules permettent de concevoir des combinaisons véritablement nouvelles, plus simples, de durées plus courtes, plus efficaces, mieux tolérées. AIDES, avec d’autres associations du TRT-5, est très impliquée dans leur accès précoce, les fameuses ATU (autorisations temporaires d’utilisation), notamment pour ceux et celles qui en ont le plus besoin. Explications.

Après l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du sofosbuvir en janvier, ce sont donc deux nouvelles molécules prometteuses qui vont être délivrées pour certain-e-s ces prochaines semaines, et qui vont pouvoir être combinées à celui-ci. Il s’agit du daclatasvir et du siméprévir. L’AMM est attendue en mai/juin pour le siméprévir, en août ou septembre pour le daclatasvir. Les AMM devraient être larges : traitement de l’hépatite C, sans forcément imposer des traitements à associer et des schémas particuliers, dans un domaine où les connaissances évoluent très vite et où de nombreux essais sont menés et régulièrement publiés. Avant cela, certaines personnes ne pouvant attendre le circuit de validation et de commercialisation classique auront déjà pu bénéficier d’ATU. C’est déjà le cas pour des ATU nominatives (pour une personne donnée), cela le sera désormais dans des ATU de cohortes (pour un groupe de personnes répondant à des critères déterminés). Deux remarques : pour toutes ces ATU, la co-infection par le VIH n’est plus une contre-indication, ce qui répond enfin à une demande de longue date des personnes concernées et des associations ; les produits à base de millepertuis, une plante parfois utilisée dans les troubles de l’humeur, sont strictement contre-indiqués parce qu’ils interagissent avec les nouveaux médicaments.

Daclatasvir

Cette molécule, développée par le laboratoire BMS, est efficace sur tous les génotypes du VHC. Après plus de 150 ATU nominatives délivrées pour les cas les plus urgents (greffes), l’ATU de cohorte du daclatasvir devrait s’ouvrir en mars et permettre la combinaison daclatasvir + sofosbuvir. Elle se prend en 1 comprimé de daclatasvir par jour (60 mg), avec ou sans nourriture (au total, 2 comprimés avec le sofosbuvir).

Quelles personnes pourront bénéficier de cette ATU ? D’abord celles qui ont une maladie hépatique avancée (fibrose F3 ou F4 ou problèmes de santé associés au VHC en dehors du foie comme les vascularites, la cryoglobulinemie) et ne disposant pas d’alternative thérapeutique. Mais aussi les personnes sur liste d’attente de greffe de foie ou de reins, ou enfin celles qui présentent une réémergence de l’hépatite C (pas forcément agressive) après une transplantation.

Côté interactions, pas de soucis avec les immunosuppresseurs ciclosporine et tacrolimus (utilisés à la suite de greffes pour éviter les rejets) ni, en ce qui concerne les ARV, avec les nucléosides (dont Truvada, Kivexa, Combivir). Sont autorisés les nucléosides (dont Truvada, Kivexa, Combivir), la rilpivirine (Edurant ou Eviplera), le raltégravir (Isentress, une anti-intégrase) et le maraviroc (Celsentri, un anti-CCR5). En revanche des ajustements de dosage du daclatasvir sont nécessaires avec l’atazanavir boosté (Reyataz + Norvir) et l’efavirenz (Sustiva, Atripla). Aucune information pour les traitements de substitution aux opiacées, la firme ayant, et c’est inadmissible, tardé à faire les études, qui ne sont pas encore terminées.

Le schéma de traitement envisagé est sofosbuvir + daclatasvir pendant 24 semaines. L’ajout de la ribavirine, d’après les essais, ne semble pas s’imposer mais restera possible sur décision du médecin clinicien.

Le prix ATU exigé par le laboratoire BMS est de 408 euros (HT) le comprimé, soit 13 464 HT le flacon de 33 comprimés pelliculés (quel que soit le dosage, qui dépend des ARV associés). La durée de traitement recommandée est de 24 semaines. Cela donnerait en théorie un coût total de traitement par daclatasvir de 68 544 euros HT. Cependant, le laboratoire Bristol-Myers Squibb nous a indiqué travailler "pour assurer dès à présent et sur toute la durée de l’ATU de cohorte un coût maximum pour l’assurance maladie de 35 000 euros par patient".

BMS s’aligne ainsi sur le prix du traitement par siméprévir demandé par Janssen (voir plus bas), qui dure généralement 12 semaines (mais peut dans certains cas monter à 24 semaines, avec un prix alors doublé).

BMS précise vouloir "se rapprocher du coût des molécules actuellement commercialisées". L’introduction de cette notion de prix maximal par patient, si elle se confirmait, serait une bonne nouvelle pour la soutenabilité du traitement de l’hépatite C, en espérant que cette politique sera reprise lors de la négociation du coût final, après l’obtention de l’AMM.

Par ailleurs, le protocole d’utilisation temporaire et la notice RCP (résumé des caractéristiques du produit) ont été mis en ligne sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Initialement prévue le 17 mars, la mise à disposition du produit par le laboratoire est désormais attendue le 27 mars en raison d’une modification récente de la réglementation concernant le passage à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le traitement de ces données relatives à la santé des personnes étant particulièrement sensible.

Siméprévir

Développée par le laboratoire Janssen, la molécule est efficace sur les génotypes 1 et 4. Ouverte en décembre, l’ATU de cohorte était initialement restreinte au génotype 4 et seulement en complément d’interféron + ribavirine. Comme le demandait le TRT-5, elle devrait s’ouvrir, à la mi-mars, au génotype 1b et permettre la combinaison sofosbuvir + siméprévir, qui donne de très bons résultats. Elle se prend en 1 comprimé par jour (150 mg/j) avec de la nourriture (au total, 2 comprimés avec le sofosbuvir).

Pourront bénéficier de cette ATU des personnes avec maladie hépatique avancée (fibrose F3 ou F4 ou problèmes de santé associés au VHC se manifestant ailleurs qu’au foie) ne disposant pas d’alternative thérapeutique. En raison de moins bons résultats sur le génotype 1a en cas de mutation de résistance (Q80K) du VHC, et en l’absence de disponibilité effective de test de résistance dans tous les centres, pour le génotype 1a, on favorise la combinaison sofosbuvir + daclatasvir. Là encore, la co-infection avec le VIH n’est pas une contre-indication, même si le siméprévir a de nombreuses interactions, en particulier avec les médicaments anti-VIH. Seuls sont autorisés les nucléosides (dont Truvada, Kivexa, Combivir), la rilpivirine (Edurant ou Eviplera), le raltégravir (Isentress, une anti-intégrase) et le maraviroc (Celsentri, un anti-CCR5). Les traitements de substitution aux opiacées : naloxone, buprénorphine (Subutex) et méthadone sont autorisés, de même que les immunosuppresseurs avec des précautions pour la ciclosporine. Les produits à base de millepertuis, parfois utilisés contre les dépressions modérées et les troubles de l'humeur, sont déconseillés.

Le schéma de traitement envisagé est sofosbuvir + siméprévir pendant 12 ou 24 semaines, selon le génotype et les traitements antérieurs. L’ajout de la ribavirine restera possible sur décision du clinicien.

Le prix ATU exigé par le laboratoire Janssen est de 11 666 euros / 4 semaines (soit 35 000 euros pour 12 semaines).

Recueil d’informations

Si le but premier de l’ATU est de sauver des vies, un recueil d’informations est mis en place par l’agence du médicament, l’ANSM. Ce recueil est très utile, il permet d’évaluer le degré d’efficacité et l’importance des effets indésirables chez les personnes difficiles à traiter, dans la vraie vie, et pas seulement dans des populations spécialement sélectionnées pour optimiser les résultats des essais cliniques. De plus, l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, l’ANRS, a travaillé avec l’ANSM pour mettre en place un recueil d’informations supplémentaires (et facultatif) à travers deux cohortes : Hépather pour les personnes mono-infectées VHC, et Hépavih pour les personnes co-infectées VIH-VHC.

Pour l’avenir : lédipasvir + sofosbuvir

Il s’agit d’une 3e molécule possible pour une combinaison avec le sofosbuvir. Développée par Gilead, elle fait l’objet d’un comprimé combiné avec le sofosbuvir, en 1 prise par jour, avec ou sans nourriture. Son AMM est attendue pour la fin 2014. Le lédipasvir est efficace sur le génotype 1. L’ampleur des ATU est encore en discussion (mais la pression sera certainement moindre car on aura déjà à cette date des alternatives avec le daclatasvir et le siméprévir). Gilead développe d’autres molécules, dont certaines sont plus prometteuses encore que le lédipasvir (et agiront sur tous les génotypes), et étudie des combinaisons de 3 médicaments qui pourraient permettre des durée de traitement de 6 semaines seulement !

Encore d’autres médicaments et combinaisons

  • BMS développe une forme fixe tout orale avec daclatasvir + asunaprévir + BMS-325. La date de demande d’AMM est encore inconnue.
  • AbbVie développe une combinaison (ABT-450, ABT-267, ABT-333) qui devra sans doute s’utiliser avec de la ribavirine. La demande d’AMM pourrait être déposée en mai 2014, l’autorisation de mise sur le marché serait alors attendue pour le début 2015.
  • Le faldaprévir (Boehringer Ingelheim) dont la demande d’AMM a été déposée en novembre semble moins intéressant car il doit s’utiliser avec interféron + ribavirine et il cause des problèmes de tolérance (notamment cutanée). Le développement du deleobuvir, une autre molécule du laboratoire a été stoppé, au regard des performances de la concurrence.

Commentaires

Portrait de pascalcoucou

Pas très vite, pas très facile, mais ça arrive enfin, proche du dénouement.

J en connais qui vont apprécier de passer a coté des ttt classiques douloureux, ouhhh, si ça se fait et rapidement, j'en suis content, et espère que ça va faire exploser les bonnes choses qui iront de pair guérisons rapides, quasi indolores pfffff, presque mieux que l'aspirine, ça progresse, coté combinaisons aussi, et ça s'adapte bien plus que il y a un ou deux ans, une avancée d'envergure.

Surtout pour les coinfectés (ées) ça va grandement changer les choses.

Pascal ... .. .