Transformer le système de santé ?

Publié par jfl-seronet le 26.07.2020
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PolitiqueSégur de la santé

La semaine dernière, c’était les annonces sur les salaires. Le 21 juillet, le ministre de la Santé a dévoilé une série de mesures pour « accélérer la transformation du système » de soins, prévoyant notamment 4 000 lits « à la demande » et une réduction de la part de la tarification à l'activité. Ces annonces signent la fin du « Ségur de la santé ».

Dans la voix du ministre Véran, on entend de la satisfaction, une touche de solennité aussi. « Nous avons agi vite et fort parce qu'il le fallait (...). Il s'agit de remettre de l'humain, mais aussi de remettre des moyens et du sens dans notre système de santé », a donc défendu le ministre de la Santé, en concluant cette concertation express de six semaines animée par Nicole Notat (ex-CFDT) et lancée à la suite des premières conséquences de la crise sanitaire liée à la Covid-19.

Il a été question d’investissement, de gouvernance et d’organisation territoriale... L'objectif pour le gouvernement est de « libérer les établissements de santé et personnels d'un certain nombre de contraintes » ainsi que de « redonner du pouvoir d'initiative et de décision à celles et ceux qui soignent », a résumé l'ancienne numéro une de la CFDT, Nicole Notat, citée par l’AFP. « L'organisation interne et la gouvernance des établissements doivent pouvoir s'adapter à des situations locales spécifiques », a renchéri Olivier Véran. C’est donc, a priori, une nouvelle philosophie qui devrait régir l’hôpital.

C’est un ensemble de « 33 mesures » qui a été présenté. Le ministre a annoncé une enveloppe de 50 millions d'euros pour créer 4 000 lits « à la demande » dans les hôpitaux, dès cet hiver. Cela permettra « de prévoir l'ouverture ou la réouverture de lits dans les structures selon les besoins » pour que les établissements puissent « s'adapter à la suractivité saisonnière ou épidémique », a expliqué le ministre. Cette demande constitue une revendication récurrente des soignants-es, qui rappellent les nombreuses fermetures de lits ces dernières années, note l’AFP. Selon les derniers chiffres officiels, quelque 4 200 lits d'hospitalisation ont été supprimés en 2018 en France, où les 3 042 hôpitaux et cliniques disposaient de 395 670 lits en fin d'année.

Organisation et financement

En matière d’organisation des soignants-es à l'hôpital public, Olivier Véran a insisté sur la nécessité de « mettre fin » au « mercenariat » de l'intérim médical, qui a « donné lieu à trop d'abus, trop longtemps », proposant de faire « bloquer par les comptables publics les rémunérations dépassant le plafond réglementaire » ou de permettre aux agences régionales de santé (ARS) de dénoncer les abus devant les tribunaux administratifs. Une enveloppe de dotation sera mise à disposition des établissements pour « accélérer la réduction de la part de T2A », la très décriée tarification à l'activité, dans le financement des hôpitaux. Ce système, qui fixe les ressources des hôpitaux en fonction des actes effectués, est souvent accusé de pousser à la « course au volume ». Par ailleurs, pour accélérer le développement des téléconsultations, le dispositif mis en place pendant la crise de la Covid-19 sera prolongé et le principe de connaissance préalable de ou de la patient-e avant une téléconsultation sera assoupli.

Fin d'une « logique purement comptable »

Lors de son discours de politique générale, mi-juillet, Le Premier ministre Jean Castex avait promis d'investir six milliards d'euros dans le système de santé, rappelle l’AFP. Ainsi, 2,1 milliards seront consacrés « sur cinq ans » à la transformation, la rénovation et l'équipement dans les établissements médico-sociaux, dont les Ehpad qui accueillent les personnes âgées, a détaillé le ministre Véran. « Au moins un quart des places en Ehpad pourra être rénové, accessible et conforme à la rénovation énergétique », a-t-il promis. Quelque 2,5 milliards d'euros seront, par ailleurs, engagés « sur cinq ans » pour permettre « des projets hospitaliers prioritaires et des investissements ville-hôpital », et 1,4 milliard d'euros sera consacré à combler « sur trois ans » le « retard sur le numérique en santé ». Cette enveloppe s'ajoute à la reprise de la dette hospitalière à hauteur de 13 milliards d'euros, aux 8,1 milliards prévus dans les accords de Ségur pour les salaires et les revalorisations de métiers et aux 15 000 embauches promises à l'hôpital.

« On semble sortir d'une logique purement comptable, aussi bien dans la gestion des lits que dans la gestion des établissements, la gestion des hommes et des femmes qui font l'hôpital, pour aller vers une approche beaucoup plus pragmatique », a salué le président de la Fédération hospitalière de France (FHF, hôpitaux publics), Frédéric Valletoux, à la suite des annonces ministérielles. Les propositions sont « de nature à faire bouger les lignes d'un système de santé qui aujourd'hui est traversé par de nombreux dysfonctionnements », a-t-il estimé. La concertation ne s'arrêtera pas à ces accords de Ségur et se poursuivra au niveau des territoires, a promis Olivier Véran, avec également un comité de suivi rassemblant l'ensemble des acteurs-rices.

Accords carrières, métiers et rémunérations
Le 13 juillet dernier, le gouvernement et les organisations syndicales ont signé à l’hôtel de Matignon les accords du Ségur de la santé. Cet accord « alloue 8,2 milliards d’euros afin de revaloriser la rémunération des sages-femmes, personnels non médicaux des établissements de santé et des Ehpad, des internes et étudiants-es en santé, ainsi que des praticiens-nes qui font le choix de l’hôpital public ».
Accords sur la fonction publique hospitalière7,6 milliards d’euros par an pour :
- revaloriser les métiers du service public de santé ;
- poser les bases d’une véritable politique de gestion de carrière et des compétences ;
- donner plus de marge de manœuvre aux professionnels-les et aux établissements pour améliorer le quotidien de tous-tes et accélérer les transformations ;
- des financements supplémentaires qui viendront renforcer l’Ondam (Objectif national de dépenses de l’assurance maladie).
Cela se traduit par :
- 183 euros nets par mois supplémentaires pour tous les professionnels-les non médicaux au sein des établissements de santé et Ehpad, publics et privés non lucratifs ;
- 35 euros nets par mois en moyenne de rémunération supplémentaire pour les personnels au contact des patients : aides-soignants-es, corps infirmier, filières rééducation et médicotechnique, etc.
Accords sur les praticiens hospitaliers de l’hôpital public : 450 millions d’euros par an pour :
- des carrières et des rémunérations réévaluées pour 100 000 médecins afin de rendre à l’hôpital public son attractivité ;
- créer une véritable politique de gestion des carrières et des compétences pour les médecins ;
- développer un lien fluide entre ville et hôpital.
Cela se traduit, entre autres, par :
- l’indemnité de service public exclusif revalorisée à 1 010 euros bruts par mois pour tous les médecins qui ont fait le choix de l’hôpital public ;
- permettre aux médecins d’exercer aussi bien à l’hôpital qu’en ville pour diversifier les modes d’exercice.