Transidentités et VIH : l'enquête

Publié par jfl-seronet le 22.01.2021
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InitiativetransVIH

Une enquête, inédite, sur la santé et les conditions de vie des personnes trans vivant avec le VIH est lancée (1). La question des personnes trans est encore un sujet globalement tabou dans notre société, très mal documenté, tout particulièrement lorsque cela concerne la vie avec le VIH. Les objectifs de cette enquête sont ambitieux et décisifs si l’on entend mieux « identifier les besoins actuels des personnes trans séropositives en termes de santé et de santé sexuelle ».

À chaque enquête, ses objectifs. Ceux du projet « Transidentités et VIH » du laboratoire de recherche Sesstim (2), de l’association Acceptess-t et AIDES, du Ceped et de deux services de l’AP-HP particulièrement impliqués auprès des personnes trans (Ambroise Paré et Bichat), sont d’une part de « caractériser les parcours de vie des personnes trans vivant avec le VIH » et d’autre part d’« identifier les besoins actuels des personnes trans séropositives en termes de santé et de santé sexuelle ». Il s’agit aussi de documenter les discriminations vécues et les stigmatisations perçues par les personnes concernées, tout comme d’« identifier les autres facteurs sociaux et psycho-sociaux associés ». L’enquête permettra également de « documenter les sexualités en fonction du parcours de transition, les prises de risques et le rapport à la prévention » et de « caractériser l’offre de soin pour les personnes trans vivant avec le VIH : prise en charge globale, du VIH et de la transition ».

Enquête : la méthode en questions

C’est un champ vaste et complexe sur lequel on connaît aujourd’hui bien peu de choses. Le projet ANRS 14056 Trans & VIH est une enquête nationale auprès de l’ensemble des personnes trans séropositives suivies dans tous les services VIH en France. Cela représente environ 850 personnes parmi la cinquantaine de services concernés. L’enquête, qui associe des personnes trans séropositives à toutes les étapes du projet se déroulera sur une année complète. Tous-tes les participant-e-s seront indemnisé-e-s à hauteur de 20 euros pour leur participation.

Pour les femmes trans, un questionnaire socio-comportemental ainsi qu’une grille biographique seront administrés en face à face par une enquêtrice communautaire. Cela permettra de reconstituer les parcours de vie de manière rétrospective sur certains facteurs de vulnérabilités qui ont pu surexposer les personnes au VIH, sur les conditions de leur prise en charge médicales et sur leurs conditions de vie actuelles (trajectoires résidentielles, administratives, sexuelles, affectives et de santé). Des informations médicales seront également recueillies à partir des bases médicales ou dossiers médicaux. Les informations de la fiche médicale sont recueillies par les équipes soignantes (dans le respect du secret médical). Pour documenter les conditions de prise en charge, dans les différentes structures hospitalières, l’enquête prévoit de recueillir des données sur les centres, en détaillant les principales caractéristiques du service (nombre de médecins, horaires d’ouverture, spécificité de la consultation, etc…) et l’offre de soins qui y est proposée. Concernant les hommes trans séropositifs qui semblent être en très petit nombre, l’enquête prévoit de réaliser un entretien qualitatif avec un chercheur. Lors de cet entretien, des questions autour des conditions de vie, des parcours de migration, de transition, d'acquisition du VIH et du suivi médical seront posées. Ces entretiens permettront de renseigner de façon fine les pratiques et le vécu vis-à-vis du VIH.

Le constat fait aujourd’hui

On dispose de trop peu de données pour comprendre ce qui se passe et ce qui est en jeu pour les personnes… on le voit d’ailleurs avec les objectifs énoncés plus haut. Si on connaissait tout cela, pas besoin de faire cette enquête. Qu’en est-il du contexte ? La situation des personnes trans a évolué favorablement ces dernières années, notamment d’un point de vue administratif et juridique, mais beaucoup de chemin reste à parcourir. Être une personne trans, c’est devoir, encore aujourd’hui, surmonter de très nombreux obstacles pour la reconnaissance de ses droits et son accès aux soins. Pour les personnes trans séropositives, les problématiques spécifiques à l’infection à VIH s’ajoutent à ces premières difficultés. Malgré le décret de 2010 (3) et la loi de 2016 (4), il demeure beaucoup d’inconnues sur la situation des personnes trans au niveau sanitaire et social en France. L’absence de données démographiques maintient l’invisibilité (absence liée aux parcours de transition ou à l’état civil). Certes des études ont déjà été réalisées sur les personnes trans mais elles l’ont été à l’étranger, elles sont parfois anciennes ou concernent trop peu de personnes pour que les données aient une puissance statistique.

En 2017, un contrat d’initiation avait été mené avec les mêmes partenaires et avait montré que les discriminations et les stigmatisations étaient en tête de liste avec de nombreux facteurs de vulnérabilité… ce qui a donné l’envie d’en savoir plus. En savoir plus, cela veut dire : « identifier les situations de vulnérabilités, personnelles et sociales, des personnes trans vivant avec le VIH, les obstacles à leur prise en charge médicale et leurs besoins de santé », y répondre et y pallier.

Voici les grandes lignes de ce qui est, à ce jour, la plus grande enquête jamais réalisée en France sur les conditions de vie des personnes trans vivant avec le VIH. Quels sont vos besoins ? Vos manques ? Comment améliorer vos vies ? Pour participer à l'enquête, il faut vous rapprocher du médecin qui vous suit pour le VIH. Renseignements par mail (trans&vih.u1252 "@" inserm.fr).

(1) : enquête ANRS 14056 Trans & VIH
(2) : Laboratoire Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale. IRD et Inserm.
(3) : 2010 : décret n°2010-125 qui reconnait officiellement que le « transsexualisme » ne doit plus être considéré comme une pathologie mentale dans les classifications des affections longue durée par la sécurité sociale.
(4) : 2016 : loi « justice du XXIe siècle », votée le 17 octobre 2016, où il est demandé que le changement de mention de sexe à l’état civil soit facilité, non soumis à des obligations de traitements médicaux, et encadré par la loi.