Transmission : une affaire en débat à Montréal

Publié par jfl-seronet le 11.02.2010
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justice et VIH
La question de la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH n'en finit pas de faire débat. Une récente affaire au Canada relance la discussion. PolitiQ, un collectif Queer solidaire de Montréal, avance ses arguments. Extraits.
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En décembre dernier, un procès pour transmission sexuelle du VIH entre deux gays s'est déroulé à Montréal. Voici comment le journal québécois La Presse présente l'affaire (9 décembre 2009) : "Un porteur du VIH affirme avoir attrapé le virus en juillet 2005, quand un partenaire sexuel rencontré dans un sauna l'a sodomisé sans condom." Ce partenaire, dont le nom est cité par le journal, est alors jugé "sous des accusations d'agression sexuelle grave et voie de fait grave". Lors du procès, l'homme qui a porté plainte explique qu'il s'est rendu au sauna L'Oasis, en juillet 2005, où il a connu la personne qu'il poursuit. "Ils ont eu une relation sexuelle protégée. L'incident en litige serait survenu quelques jours plus tard. Alors qu'ils étaient en pleins ébats sexuels avec un godemiché, [l'homme poursuivi] aurait décidé de pénétrer la victime alléguée, sans protection." En mai 2006, le plaignant apprend qu'il était porteur du VIH. Lors du procès, l'avocat de la défense lui a demandé pourquoi il ne s'était pas rendu à l'hôpital aussitôt après la prise de risque pour y recevoir un traitement d'urgence. "L'homme a répondu qu'il ne pensait pas qu'un tel [traitement] existait et que, selon lui, le virus n'est pas décelable avant trois mois (après le contact)", rapporte La Presse qui a assisté à l'audience.


Cette affaire et son traitement dans la presse a fait réagir PolitiQ qui a publié un article sur le site Internet du journal gay Fugues (28 janvier). PolitiQ dénonce d'abord "la pratique scandaleuse qui consiste à jeter le nom de l’accusé dans la presse, au mépris de son droit au secret médical. Cette mise à l’opprobre publique est tout simplement indigne d’une démocratie et interroge sur la déontologie journalistique". L'association affirme aussi que "toute criminalisation de l’exposition ou de la transmission par voie sexuelle du VIH est contre-productive en termes d’incitation au dépistage, de sérophobie et donc de santé publique". "Que l’on condamne la volonté de nuire, la délinquance, soit. Mais en quel honneur criminaliser des comportements co-responsables, mutuellement consentis en connaissance du risque ? Il parait tout de même incompréhensible que l’on condamne en 2009 des individus pour transmission ou exposition par voie sexuelle au VIH, alors même qu’aucune condamnation pénale n’a été prononcée à l’encontre des responsables des contaminations par transfusions de produits sanguins dans les années 80/90", s'interroge le collectif. Mais il y a autre chose en jeu dans cette affaire, selon PolitiQ : "Cette nouvelle affaire, qui concerne deux homosexuels, met en lumière d’autres dysfonctionnements alarmants. Comment se fait-il qu’en 2005, un homme gay montréalais fréquentant un sauna du Village [le quartier gay local] n’ait pas eu connaissance des traitements d’urgence à prendre en cas d’exposition potentielle au VIH ?" Et le collectif de se poser la question "de la responsabilité des lieux de sociabilité et de sexualité récréative en termes de prévention et d’accès à l’information".


"Nous devons absolument re-questionner nos pratiques sociales et prendre, collectivement, notre responsabilité et stopper ce système hypocrite où tout est régulé dans des oppositions victime/agresseur", avance PolitiQ qui demande "qu’un travail de réflexion ait lieu aux gouvernements fédéral et provincial afin que les responsables politiques déterminent un cadre juridique qui permette à la fois d’apporter reconnaissance et réparation civile aux victimes avérées, tout en renforçant – plutôt que d’entraver – les mesures de prévention, l’efficacité de l’offre de dépistage, et la lutte contre la sérophobie."
Plus d'infos sur http://www.politiq.info/

Commentaires

Portrait de sonia

Outre la rupture de confidentialité concernant le dossier médical de l'accusé, le thème de la méconnaissance des outils de prévention et de réduction des risques telle que le traitement d'urgence  s'impose clairement ;

Lors du procès, l'avocat de la défense lui a demandé pourquoi il ne s'était pas rendu à l'hôpital aussitôt après la prise de risque pour y recevoir un traitement d'urgence. "L'homme a répondu qu'il ne pensait pas qu'un tel [traitement] existait et que, selon lui, le virus n'est pas décelable avant trois mois (après le contact)", rapporte La Presse qui a assisté à l'audience.

Il n'y a pas que les associatifs et les pouvoirs publics qui sont en manque d'informations. Aucune étude sur la prophylaxie post exposition (PEP) n'a été menée ; extrait du rapport LERT-PIALOUX sur la réduction des risques sexuelle (pages 33-35)
"L’efficacité de la Pep après exposition sexuelle n’a pas fait l’objet d’essais randomisés mais elle est fondée sur des preuves indirectes ou issues des expériences animales.

Le dernier élément de preuve est observationnel, il est constitué par la diminution du
nombre de cas de contamination professionnelle après AES depuis l’instauration des Pep.
Malgré cette efficacité la PeP est peu connue et peu utilisée et ceci vaut pour la France qui a été un des premiers pays à la mettre en place et l’organiser, comme pour d’autres pays. La tonalité qui entoure en 2009 la PeP est encore dominée par la crainte de l’abus et de la surprescription alors qu’on observe dans la réalité plutôt une mauvaise connaissance aussi bien en population générale que chez les séropositifs dont les partenaires négatifs sont des candidats principaux au bénéfice de ce traitement". 

A ce titre, une journaliste du journal le monde recherche des témoignages , voici le mail reçu

Bonjour, Je travaille actuellement au Monde et je fais un article sur la trithérapie d'urgence. Dans ce cadre, j'aimerais contacter une personne pour lui poser des questions notamment sur la méconnaissance de ce dispositif de la part du grand public. Merci de me recontacter au plus vite. Cordialement,

Si vous avez bénéficié du traitement d'urgence ou avez des connaissances concernées, n'hésitez pas à  venir participer dans la tribulle co-animée avec Vincent58

Le Grand Seronet http://www.seronet.info/tribulle/le-grand-seronet

On peut s'interroger également sur les recommandations suisses du professeur Hirschell et l'Omertà autour d' informations capitales pour les seronautes ; traitements+cv indetectables= non contaminants oupss