Travail : dire ou ne pas dire….
En organisant cette table ronde, qu'est-ce qui t'a semblé le plus important ?
L’important, c’est de faire le lien entre les associations, les syndicalistes, les directeurs des ressources humaines (DRH) et surtout permettre que les personnes séropositives elles-mêmes soient au centre du débat. Lorsqu’il y a un dialogue entre des DRH et des syndicalistes dans une entreprise ou dans un cadre plus large, nous, les associations, devons venir en appui des personnes concernées et ne surtout pas se substituer à elles. En fait, pour nous, l’enjeu est bien de "remettre" les personnes séropositives au centre dans le cadre d’une négociation plus globale et plus large concernant la santé au travail.
Les directeurs des ressources humaines et les syndicats travaillent-ils sur la question du VIH ?
Non, de façon générale, les directeurs des ressources (DRH) et les syndicats ne travaillent pas spécifiquement sur cette question. En fait, ce qui est à leur agenda, c’est davantage la question de la santé au travail et celle du stress. Ces questions, surtout dans le contexte actuel, mobilisent les DRH et les syndicalistes. D’ailleurs, on voit bien qu’on ne parle quasiment plus de la durée de temps du travail, mais du stress, des problèmes de santé en lien avec l’activité professionnelle, mais pas spécifiquement du VIH. Les acteurs sociaux s’intéressent aussi beaucoup, pour des raisons diverses, au thème de la diversité ; le concept est intéressant, mais à utiliser de façon adéquate au risque de donner l’impression que nous sommes juste "tolérés".
Quel était l'objectif de cette table ronde du 1er décembre concernant l'emploi ?
Notre objectif était clair : c’était celui d’engager un dialogue entre les syndicalistes et les DRH, la médecine du travail aussi, pour qu’on fasse émerger au sein des entreprises la parole des gens qui sont concernés par cette question. Il faut, au terme de cette première rencontre, que dans quelques mois les chefs d’entreprises nous facilitent l’accès aux employés concernés dans le respect de l’anonymat pour que les personnes touchées par le VIH puissent dire, elles-mêmes, ce qu’elles attendent à la fois des DRH, de la direction des entreprises, mais aussi des syndicats, concernant le VIH. Ce n’est pas aux associations à le dire. Notre rôle consiste à permettre que les personnes concernées aient les moyens de pouvoir dire à leurs patrons, ce qui va, ce qui ne va pas, ce qu’il faut changer. Cela sera évidemment très différent d’un endroit à l’autre. Prenons l’exemple du groupe Accor et de la SNCF. D’un côté, ce sont des salariés dans des hôtels dans le monde entier avec, par exemple, des employés qui coupent de la viande ou qui sont exposés à certains risques. Il n’y aura pas le même discours d’entreprise sur le VIH qu’à la SNCF où les employés séropositifs n’ont pas du tout le même cadre social ni le même environnement.
Donc, pour le moment, cette parole, les besoins des personnes touchées ne remontent pas jusqu'aux directions des entreprises, aux DRH ou aux syndicats …
Absolument. Les gens séropositifs se cachent le plus souvent. Et dans la plupart des endroits, ces informations ne remontent nul part. Il faut aussi prendre en compte le fait que pour beaucoup de gens le problème du VIH, c’est désormais bouclé. C'est ce que pensent certaines entreprises qui font du VIH une maladie chronique comme une autre. Cela arrive aussi chez certains partenaires sociaux. Je suis très frappé par le fait que le VIH n'est plus un sujet en lui-même… comme si tout était résolu. Dans chaque grande confédération syndicale, on trouve un secrétaire confédéral affecté soit au handicap, soit à la santé, mais le VIH n'est que rarement pris en compte. Enfin, pour ajouter à la complexité, il faut se demander si, compte tenu de sa spécificité, la question du VIH doit être examinée uniquement sous le prisme de la santé ou sous celui, plus large, des différences.
C'est-à-dire…
Ce que je trouve intéressant, mais aussi difficile, c’est qu’avec le VIH, on s'attaque aux problèmes de santé, et on traite des questions de différences et même de celle de la diversité. D'une certaine façon, on doit rappeler aux entreprises que ce qu’elles ont face à elles, ce sont d’abord des être humains et qu’elles doivent composer avec les personnes et non pas les faire entrer dans des moules prédéterminés : malade, handicapé, salarié en bonne santé, etc. Le VIH peut certes être la cause d’un handicap, mais d’un handicap qui n’a rien à voir avec les autres parce qu'il soulève des questions très spécifiques (stigmatisations et discriminations liées au mode de contamination par exemple ou encore les restrictions à la libre circulation des personnes dans le monde). De plus, certaines associations investies dans le domaine du handicap ne reconnaissent pas le VIH comme faisant partie du handicap. A cela, il faut ajouter que les personnes séropositives et AIDES notamment sont parfois considérées un peu comme des acteurs un peu perturbateurs qui ne sont pas des handicapés au sens vrai et complet du terme. Il y a d’un côté du mal à les faire reconnaître et de l'autre une variété des situations ou des différences sur la façon dont les personnes ont été contaminées qui interviennent. C'est bien la preuve que le VIH n'est pas comme le reste des autres maladies plus particulièrement dans le domaine professionnel.
Quelle doit être la stratégie à l'égard des entreprises et des acteurs sociaux ?
La stratégie n’est pas de stigmatiser les mauvaises pratiques, de mettre au ban, mais plutôt de valoriser ce qui peut être fait demain pour améliorer les choses. Il s’agit donc de construire un dialogue avec les acteurs de cette table ronde et d’engager une démarche de propositions pour essayer de faciliter et renforcer ce qui fonctionne et après ça faire du "copier/coller" de ce qui marche dans des endroits où c’est plus difficile, où aucun dispositif n'existe. Il faut donc, d'un côté, faire ressortir les demandes et besoins des personnes concernées et, de l'autre, contribuer à mettre en place partout ce qui fonctionne bien à certains endroits. Ensuite, il faut que la démarche "handicap" intègre bien les maladies chroniques et parmi elles les spécificités propres au VIH. Il faut aussi que la démarche "diversité" intègre bien les problèmes propres au VIH et à certaines catégories de salariés qui risquent de subir une double stigmatisation (par exemple bien sur, les homosexuels et les personnes usagères de drogue).
Photo : AIDE-2009
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Commentaires
réalité ou fiction?
vivons caché
Never!!
Moi je l'informe
"Aprés certains médecins du travail font très bien leurs travail et ne bafoue pas le secret médical mais bon on se souvient de ceux qui se sont permis de le faire généreusement...."
C'est très juste Akianne. C'est le cas de la mienne qui n'est pas tout à fait un médecin du travail puisque c'est aussi une fonctionnaire. On l'appelle "médecin de prévention" dans la fonction publique. Mais comme je sais que je peux lui faire confiance puisque c'est elle-même qui me dit de ne pas évoquer cette question dans le travail, je l'informe régulièrement de mon évolution par mail.
moi comme Strykein et Akianne
je pense qu'il faut modifier la manière de voir