Travail du sexe : l’abolition fait débats !

Publié par jfl-seronet le 03.05.2013
8 313 lectures
Notez l'article : 
0
 
Droit et socialprostitutiontravail du sexe

Une cinquantaine d'associations et plusieurs responsables politiques se sont réunis samedi 13 avril à Paris pour réclamer au gouvernement une loi d'abolition de la prostitution, qui passerait notamment par la pénalisation des clients. Act Up-Paris et le Syndicat du travail sexuel (STRASS), opposés à l'abolition et à la pénalisation, ont manifesté devant le lieu du rassemblement, près de Pigalle. Explications.

Du faux sang jeté sur le trottoir, des pancartes brandies avec les slogans "Putes réprimées = putes assassinées"… c’est ainsi que le STRASS (Syndicat du travail sexuel) et Act Up-Paris ont protesté (13 avril) devant des locaux où se tenait un rassemblement du collectif Abolition 2012, rapporte l’AFP. Soixante-sept ans jour pour jour après la loi Marthe Richard qui fermait les maisons closes en France, le collectif "Abolition 2012", regroupant 53 associations féministes et d'aide aux prostituées (créneau abolitionniste), a réclamé "que l'abolitionnisme ne soit pas qu'un principe, mais une réalité", a expliqué Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d'Oser le féminisme. "On souhaite que le gouvernement prenne ses responsabilités" et "fasse en sorte qu'il y ait une loi abolitionniste", a-t-elle poursuivi, citée par l’AFP.

Dans cette loi, "qui on l'espère sera votée en novembre", les associations demandent notamment que soient intégrées l'abrogation du délit de racolage, déjà votée fin mars au Sénat, mais aussi "l'interdiction de l'achat d'actes sexuels", des moyens pour aider les prostituées à trouver une autre activité et des mesures éducatives sur l'égalité homme-femme, a-t-elle ajouté.

"La France depuis 1959 est officiellement abolitionniste, sans que les conditions réelles pour l'abolition soient réunies", a estimé le député UMP Guy Geoffroy, auteur, avec l'ex-députée PS Danielle Bousquet, également présente, d'un rapport parlementaire sur la prostitution. Ils avaient déposé en décembre 2011 une proposition de loi visant à la pénalisation des clients.  "Il faut passer des intentions aux actes et s'intéresser de manière coordonnée aux victimes, aux trafiquants, et décourager la demande pour agir sur l'offre", a insisté Yves Charpenel, président de la Fondation Scelles, qui lutte contre la prostitution. Des personnalités, comme le secrétaire national du PCF Pierre Laurent, l'ancienne ministre UMP de la Santé Roselyne Bachelot ou la réalisatrice Coline Serreau étaient également présentes.

Ce même jour donc, des militants et militantes d'Act Up-Paris, du Collectif 8-Mars pour Toutes, et du STRASS se sont enchaînés devant la Machine du Moulin Rouge. Cette salle de concerts accueillait la réunion d’Abolition 2012. Les trois associations ont donc jeté du faux sang, tandis que les organisateurs du rassemblement abolitionniste ont, selon un communiqué d’Act-Up paris et du STRASS, "choisi de jeter par terre (…) des préservatifs estampillés "Je ne suis pas client de la prostitution". "Le message est clair : la prévention n'est ni pour les client-e-s ni pour les travailleurs/travailleuses du sexe. Cela en dit long sur l'approche qu'a "Abolition 2012" de la prévention VIH et IST : jeter au sol du matériel de prévention", juge le communiqué. Le communiqué ne se limite pas à raconter cet échange de procédés symbolique, il avance aussi des arguments de fond.  Ainsi le STRASS, Act Up-Paris, le Collectif 8-Mars pour Toutes disent lutter "pour que les minorités, toutes les minorités, bénéficient d'un accès égal à la prévention, au dépistage, aux soins, aux droits". Ils remettent en cause Abolition 2012 qui "persiste à militer pour des mesures répressives dangereuses qui exposeront les travailleurs/travailleuses du sexe et leurs client-e-s aux violences et aux contaminations".

"Pendant qu'Abolition 2012 se bat pour abolir les putes, nous luttons pour que la prostitution ne constitue plus jamais une violence, pour que celles et ceux qui ont choisi de l'exercer puissent le faire dans de bonnes conditions, pour que celles et ceux qui souhaitent faire autre chose en aient les moyens : titre de séjour, droit au logement, accès aux droits, accès aux soins. Nous nous battons pour que toutes les femmes, les trans, les migrantes aient le choix de leur activité, et de leur vie. Nous nous battons pour que les conditions d'exercice du travail sexuel soient sécurisées. Le projet d'Abolition 2012 est uniquement idéologique et de peu d'envergure, son seul objectif est d'étrangler encore un peu plus une catégorie de personnes qui, souvent, cumulent déjà les oppressions".

Les trois associations critiquent également le projet de pénalisation des clients envisagé pour l’automne prochain. "La priorité d'Abolition 2012 est désormais claire : pénaliser les clients, c'est à dire mettre en danger la santé, la sécurité, la vie de ceux et celles qu'ils/elles prétendent protéger. S'acharner à exiger cette mesure c'est assumer d'exposer l'ensemble des travailleurs/travailleuses du sexe et plus particulièrement les plus vulnérables d'entre eux/elles, aux contaminations au VIH/sida et autres IST ainsi qu'aux abus et violences." "Ce sont les rapports non-protégés et les conditions d'exercice difficiles qui exposent les travailleus-e-s sexuel-le-s à des risques sanitaires", expliquent les associations.