Travail : les discriminations font la différence

Publié par Rédacteur-seronet le 10.02.2012
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Le 25 janvier dernier, le Défenseur des droits et le Bureau international du travail ont présenté les résultats du 5ème baromètre de la perception des discriminations au travail. Chargé de mission sur la vie professionnelle à AIDES, Jean-Louis Lecouffe y était. Pour Seronet, il revient sur quelques chiffres forts de cet outil important.
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Ce cinquième baromètre devient un outil habituel du paysage qui inscrit les discriminations comme un axe de lutte politique fort et comme quelque chose qui n’est plus acceptable. Les Items et les focus choisis ne sont pas neutres. Deux focus cette année : les personnes en situation de handicap et les personnes LGBT. Dominique Baudis, Défenseur des droits, a ouvert la séance en indiquant que la moitié des plaintes reçues par le Défenseur concerne l’emploi ; 87% d’entre elles portent sur le déroulement de carrière et 13% sur l’accès à l’emploi. L’outil qu’est ce baromètre va être renforcé dans le cadre d’une convention triennale entre les deux organismes avec pour objectif une perception et une analyse au niveau européen.


La caractéristique générale majeure de ce baromètre est la situation de silence qui reste de mise du coté des victimes comme du coté des témoins de discrimination. On perçoit une hésitation, des craintes de représailles ou simplement du désarroi qui ne permet pas de réagir à la discrimination subie. Autres traits forts de ce baromètre, un quart des personnes sondées estime pouvoir être l’objet de discriminations et un tiers en sont les témoins (ce peut être les mêmes personnes). En même temps, les discriminations ne sont plus supportables pour la quasi-totalité des sondés. Ce discours tenu par des organismes publics reconnus met en exergue une exigence de politique majeure de lutte contre ces discriminations ce d’autant que leur importance, au niveau de la perception, reste extrêmement vive tant pour les salariés du privé que pour les agents du public. A cet égard, on notera la réduction des écarts de perception qui manifeste que les agents du public ne s’estiment plus dans un champ protégé comme cela pouvait être le cas dans le passé.
Si faire connaître son handicap ou sa différence facilite l’intégration, la question pose tout l’enjeu de la confiance dans l’entreprise et de la "sécurisation" de la parole. Le représentant du Ministère de l’emploi a rappelé l’importance du rôle des services de santé au travail à cet égard et celui des inspecteurs du travail, mais la démographie réduit les effectifs des médecins du travail et les inspecteurs du travail sont submergés. Contradiction entre un discours et une évolution réelle…


Si aujourd’hui on intègre que la discrimination est a priori condamnable, l’enquête ne permet pas de se faire une opinion sur les écarts entre perception des personnels en général et réalité vécue par les personnes. A noter par exemple pour les problèmes concernant les personnes LGBT, l’importance des non réponses qui peuvent être un révélateur de l’impossibilité d’afficher une approche personnelle qui ne serait pas "politiquement correcte" et qui touche pour certaines questions un tiers des personnes enquêtées. Didier Fontana, représentant du FIPHP (Fonds sur le handicap pour la fonction publique), parlera du silence comme révélateur de la mauvaise conscience de la personne qui discrimine et cette mauvaise conscience est devenue un acquis de la lutte contre les discriminations.
Le focus sur l’orientation sexuelle manifeste certaines réalités difficiles. Ainsi, le dévoilement sur l’orientation sexuelle peut mettre mal à l’aise l’entourage professionnel pour nombre de sondés et donc avoir un impact sur la carrière professionnelle. Une question nouvelle sur les trans et les personnes transgenres indique que le sujet a toute sa légitimité dans ce type d’enquête institutionnelle. Si les discriminations à leur égard sont perçues comme graves pour la presque totalité des personnes sondées, il n’en reste pas moins que nombre d’entre elles (plus de 15%) expriment leur malaise par rapport au changement de présentation du ou de la salariée (tenue vestimentaire, barbe ou maquillage selon le cas).
Bien entendu, il y a un décalage majeur entre perception générale de ce qui est acceptable et la réalité vécue ; bien entendu aussi, les perceptions et discriminations sur le lieu de travail ne sont que l’expression de ce qui est véhiculé dans la société et la lutte contre les discriminations doit d’abord s’exercer au cours de la scolarité des enfants et ceci est d’autant plus manifeste qu’on s’aperçoit que ce sont les jeunes qui ont, en définitive, le plus de mal à s’accepter comme ce qu’ils sont et à accepter l’autre dans sa différence. Enfin dans l’enceinte du cadre de travail, les Institutions représentatives du personnel ont un rôle majeur à jouer et si les confédérations syndicales sont sensibles au sujet, celui-ci a plus de mal à pénétrer les acteurs syndicaux au sein des entreprises. Que dire enfin des médecins du travail et des inspecteurs du travail qui ont cette fonction de prévention et d’identification à gérer, mais dans un contexte où leurs moyens se réduisent ou se dégradent ?


Au final, la définition de "bonnes pratiques" n’est-elle pas l’aveu d’une déconstruction du maillon fort du droit en faveur de définitions plus incitatives mais sans la force qu’implique le droit en matière de défense des personnes et de la gestion de leur différence.
Sophie, peut-être mettre le PDF du baromètre en lien ? A toi de voir. Le document est dans la ville des images Seronet sur PUBLIC.