"Trop de vies sont en jeu !"

Publié par jfl-seronet le 20.09.2010
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Regroupement international d'associations de lutte contre le sida, la Coalition PLUS mène depuis de longs mois un important travail de mobilisation en France comme à l'étranger sur les questions de financement de la lutte contre le sida au niveau international. La Coalition PLUS (dont AIDES est membre) a co-organisé la manifestation devant l'Assemblée Nationale à Paris (20 septembre). Son directeur, Emmanuel Trenado, explique les raisons de cette manifestation et les enjeux de cette mobilisation. Interview.
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Franchir les grilles de l'Assemblée Nationale, manifester sans autorisation… pourquoi faut-il en passer par cette forme d'action ?
Pour plusieurs raisons. La première, c'est que la réponse aux enjeux de la lutte contre le sida au niveau international dépend pour les trois années à venir de ce que vont annoncer les pays riches dans les semaines qui viennent en terme de contribution. Ce moment-là est un moment particulier dans la lutte contre le sida sur le plan international, un moment où les grands dirigeants de ce monde prennent des décisions qui jouent l'avenir de la lutte. Nous avons travaillé avec les équipes du président Sarkozy pour le convaincre de mobiliser les ressources nécessaires. Les ressources nécessaires sont les ressources que les pays [du sud] sont en capacité de mettre en œuvre aujourd'hui. Nous sommes à une étape de la lutte contre le sida au Sud qui est assez avancée. Les pays concernés sont capables de dire quels sont leurs besoins, de monter des programmes, de les mettre en œuvre et de bien anticiper le coût de ces programmes sur les années à venir. Ainsi, pour les trois ans qui viennent les besoins sont de 20 milliards de dollars ce qui n'est pas grand chose à l'échelle internationale. C'est une raison supplémentaire à cette mobilisation. Cela veut dire que chaque pays donateur doit doubler sa contribution à la lutte internationale contre le sida et on sait que Nicolas Sarkozy ne le fera pas ni d'ailleurs aucun autre dirigeant d'un pays riche.


Quelles raisons sont avancées pour expliquer un tel choix ? C'est toujours la crise ?
On nous le dit et nous sommes en contact avec des militants des autres pays riches qui l'entendent aussi : c'est à cause de la crise. Tous les dirigeants sortent ce même argument, encore et encore. C'est cette crise, les difficultés du moment qui empêchent les investissements nécessaires à l'amélioration de la santé dans le monde.

Des slogans font le parallèle entre les investissements faits pour la grippe A pour lesquels la crise n'a manifestement pas joué et l'absence de mobilisation sur cette question. En fait, c'est une mauvaise excuse. Il s'agit d'abord de volonté politique, de choix des priorités financières…
Nous avons travaillé avec les équipes présidentielles françaises et nos collègues militants dans les pays riches ont fait de même auprès de leurs gouvernements pour défendre une solution : la mise en place d'une taxe internationale sur les transactions financières qui permettrait de sortir des situations absurdes actuelles. Par exemple on se retrouve aujourd'hui avec des pays pauvres comme le Mali, le Burkina Faso ou la République centrafricaine qui sont dans la position de tendre la main parce que les besoins existent. Et tous les trois ans, les pays riches mettent dans la main  de ces pays les plus pauvres un quart ou la moitié des sommes nécessaires à la mise en œuvre des programmes dont ils ont besoin. Il faut sortir de cette situation en mettant en place une taxe internationale sur les transactions de change. Cette taxe, on en parle depuis un moment. On sait qu'elle est facilement réalisable et pourtant c'est la cacophonie qui règne au niveau des gouvernements puisque aucun d'eux n'ait en capacité de convaincre les marchés et en particulier les banques de la nécessité de mettre en place une telle taxe. Ce qu'il faut comprendre c'est que nous avons face à nous un lobby financier puissant qui annonce les pires choses si cette taxe était mise en place.

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Le choix de l'Assemblée nationale pour cette action, c'est celui d'apostropher la République, d'interpeller l'ensemble de la classe politique… Comment réagissent les politiques à ces revendications ?
En manifestant ici, nous voulons que la discussion revienne aux élus du peuple. En fait, pour le moment, tout est discuté et décidé à l'Elysée C'est le président qui prend les décisions. Symboliquement, il s'agit de remettre cette question là où, à notre sens, elle devrait être traitée et pas seulement à l'Elysée.

La France va, pour un an, diriger les travaux du G20. Quels sont vos objectifs dans ce domaine ?
Nous avons réussi à convaincre les équipes présidentielles du président d'inscrire la question de la taxe sur les transactions de change à l'ordre du jour des grandes rencontres des pays riches. Reste qu'on nous avance souvent l'argument que la France serait d'accord sur cette taxe, mais pas les autres. Nous avons des contre propositions… En particulier si la France n'arrive pas à convaincre les autres dirigeants… nous disons au président que la France pourrait s'inspirer du modèle anglais par exemple qui, sous la gouvernance de Margaret Tatcher, a mis en place une taxe sur la Bourse qui rapporte au budget anglais l'équivalent de 5 milliards d'euros par an. Si on décide d'attendre que tout le monde soit prêt, cela prendra trop de temps…  trop de vies sont en jeu. On peut se mobiliser nous Français sans attendre les autres.

Quelle est la mobilisation des acteurs du Sud sur cette question ?
Les adhérents de la Coalition Plus dans le sud sont mobilisés sur une revendication principale qui est sur le respect de l'engagement des gouvernements du sud pris en 2000 d'investir 15 % de leur budget national sur la santé. Aucun pays africain aujourd'hui ne respecte cet engagement. C'est une première étape de convaincre les gouvernements locaux d'investir dans la santé. Par exemple, le Mali investit 5 % de sa richesse nationale dans la santé… On est donc loin du compte. La deuxième revendication concerne les représentants pays des puissances du G8 pour qu'ils fassent remonter la revendication des acteurs locaux. C'est là qu'eux et nous nous rejoignons : eux pour faire connaître leurs besoins et nous pour nous assurer que les promesses de nos gouvernements soient tenues et que leur soutien soit à la hauteur des enjeux actuels de la lutte contre le sida au niveau international.


Propos recueillis par Jean-françois Laforgerie
Plus d'infos sur la Coalition PLUS sur http://www.coalitionplus.org/

Crédit photo : JFL-seronet

Cette opération inter-associative a été menée avec le soutien financier d'Open Society Foundations