Truvada devient, aux Etats-Unis, le premier médicament indiqué en prévention du VIH

Publié par Christian Andréo et Renaud Persiaux le 17.07.2012
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Le 16 juillet, l’Agence américaine du médicament (FDA) a entériné la décision de son groupe d’experts et a officiellement autorisé l’utilisation de Truvada en prévention du VIH. L’aboutissement d’un long chemin de recherche. Et une étape de plus dans l’élargissement de la palette d’outils préventifs.

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A quelques jours de la Conférence mondiale sur le sida (AIDS 2012) qui commence ce dimanche à Washington, la décision de la FDA a surpris tout le monde car elle n’était pas attendue avant la rentrée. Déjà largement utilisé pour le traitement de l’infection à VIH, Truvada, combinaison de deux antirétroviraux, est donc devenu le premier traitement préventif contre le VIH – les experts parlent de "Prep" (un sigle pour prophylaxie pré-exposition).


Le Truvada devra être pris tous les jours et ne permettra qu’une protection partielle. Les résultats positifs sur le rôle préventif de ce médicament s’accumulaient depuis plusieurs mois. Sur la base des populations étudiées dans les essais cliniques, la FDA a choisi d’autoriser la délivrance de ce traitement pour les hommes homosexuels séronégatifs (essai Iprex), les couples hétérosexuels sérodifférents (essais Partners Prep) et plus généralement pour les "autres individus risquant d'être infectés en raison de leur activités sexuelles" (essai TDF2). Des essais dont, il y a quelques jours, le New England Journal of medecine, publiait les articles scientifiques. A lire ici et .

Le niveau d’efficacité en débat
Les essais clinique montrent que le médicament a un haut niveau d’efficacité : 90 % s’il est détectable dans le sang, c’est-à-dire, s’il est pris effectivement tous les jours, selon des sous-études menés dans les essais Iprex et Partners Prep. Pris 4 fois sur 5, l’efficacité tourne aux environs de 75 %, et baisse très rapidement si l’observance décroit encore. Dans l’essai Fem-Prep, aucun effet préventif n’était permis par le Truvada, faute d’une observance suffisante (seulement 25 à 33 % de prises).


Pour l’activiste américain David Evans, directeur de Project Inform, il faut être "pragmatiques au sujet des Prep" et la question de l’observance est primordiale. "Disons aux personnes concernées quelle est la véritable efficacité du Truvada lorsqu'il est utilisé tel que prescrit : plus de 90 % d'efficacité ! Et arrêtons de citer des statistiques issues d'essais cliniques qui mettent ensemble tous les participants, ceux qui prenaient correctement le médicament et ceux qui ne le prenaient pas. Les gens auront besoin de motivation pour être observant à la Prep et leur dire que cela va seulement réduire leur risque de contracter le VIH de 42 % (essai Iprex) ou 75 % (essai Partners Prep) n’est pas seulement malhonnête, mais risque de réduire significativement leur motivation à la prendre tous les jours". Et l’activiste d’insister : "Comment réagiraient les gens si nous leur annoncions que le préservatif n’a, en fait, que 30 à 40 % d'efficacité, sans même leur révéler qu'en fait ce chiffre prend aussi en compte les personnes qui… n'en mettent pas".


Cependant, Act Up-Paris reste sur ses positions précédentes et estime avec "colère" que "la FDA montre son mépris de la recherche, qui n'a jamais donné de preuves suffisantes d'une efficacité du Truvada en prévention".


Pour Jared Beaten, investigateur principal de l’étude Partners Prep, "l'observance sera très certainement améliorée dans la vraie vie par rapport à Iprex : il n’y aura pas de placebo et les personnes sauront que l’efficacité est élevée si le médicament est pris, alors qu’avant l’efficacité de la méthode était inconnue. Je pense que 42 % est le chiffre non transposable dans la vraie vie".

Qu’en pensent les experts français ?

Le 11 mai, un rapport sur la Prep remis le 22 février dernier au ministère de la Santé était rendu public, celui du groupe d’experts français sur la prise en charge du VIH, qui élabore les recommandations officielles. Selon ce rapport, la Prep doit pouvoir être prescrite aux gays qui le souhaitent en cas de "conduites présentant un risque élevé". Une approche au cas par cas est préconisée chez les femmes ou hommes hétérosexuels très exposés au risque VIH. Les futures conditions de prescription (qui ? où ?) sont également longuement envisagées.


En revanche, le groupe d’experts français estime que la Prep ne doit pas être prescrite au sein des couples sérodifférents, mais recommande de les informer sur l’intérêt et les conditions du traitement du partenaire séropositif comme outil de prévention (Tasp). Il est, en effet, désormais admis que les personnes séropositives traitées efficacement n’ont qu’un risque infime de transmettre le VIH à leur partenaire. Dans ce cas, le bénéfice de la Prep n’est pas démontré.


Quant au Conseil national du sida, il voit dans la Prep "un moyen de réduire le risque, préférable à l’absence de toute protection". En juin dernier, lors d’une rencontre organisée par le Conseil national du sida, Willy Rozenbaum, l’ancien président, et Patrick Yeni, le nouveau président du CNS, réaffirmaient ces positions, lors d’une réunion publique.

Quand le Truvada sera-t-il disponible en France ?

Mystère, et en tout état de cause, pas avant de nombreux mois. Pour l’heure, Gilead, le laboratoire qui commercialise Truvada n’a pas demandé d’extension d’indication de son médicament pour un usage préventif en Europe. S’il décide de faire cette demande, l’examen du dossier par les agences européennes prendra un certain temps. Autre question de taille, celle de la prise en charge par l’Assurance maladie. Avec un prix actuel de plus de 500 euros par mois (30 comprimés), le Truvada, s’il n’est pas remboursé, sera réservé à ceux qui peuvent se l’offrir. 


Or, différentes études économiques montrent que la Prep peut rapidement être rentable si on la destine aux personnes à haut risque d’infection et si le prix du médicament baisse. Pour l’association Warning, la France doit  "entame[r] un processus d’homologation du Truvada comme Prep afin d’éviter un achat via le marché noir et donc sans suivi des personnes" et obtenir une baisse du prix du médicament.

Pour Bruno Spire, président de AIDES, dans sa tribune "le Truvada ne fera pas de miracle mais c'est un médicament efficace", publiée dans Le Plus, le "dernier enjeu" sera précisément de "convaincre les moralistes et les inquiets que la Prep mérite un remboursement par l’Assurance Maladie. Le coût mensuel actuel du Truvada est de plus de 500 euros, et nous refusons la mise en place d’une prévention à deux vitesses. Nous refusons que la Prep soit réservée aux plus riches. Les études économiques le montrent : si on baisse le prix du médicament préventif (et le laboratoire devra baisser son prix au regard de l’augmentation de son marché) et si on cible les publics les plus exposés au risque VIH, la stratégie Prep devient très rapidement rentable. Que ce soit en termes de contaminations évitées ou d'économies pour notre système de santé, cet investissement profiterait alors à la société toute entière", estime-t-il.

Le schéma de l’essai Ipergay pourrait évoluer
En attendant, outre le marché noir, l’achat sur Internet ou l’"emprunt" ponctuel à des amis séropositifs, le seul moyen d’accéder gratuitement à la Prep est de participer à l’essai Ipergay mené par l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites virales (ANRSH). Mais celui-ci évalue le Truvada contre un placebo (comprimé sans produit actif) dans une stratégie préventive différente. La prise du Truvada ne se fait pas tous les jours, mais lors des périodes d’activité sexuelle, au sein d’une offre de soins de santé sexuelle optimale, incluant préservatifs gratuits et conseils de prévention. L’accompagnement des participants est assuré par des militants de AIDES.

En juin, le directeur de l’ANRS, Jean-François Delfraissy, lançait une consultation auprès des différents acteurs impliqués dans l’essai, en questionnant notamment la pertinence de maintenir le bras placebo au vu de différents résultats d’études sur Truvada. Tandis que le comité associatif composé d’une quinzaine de représentants d’associations gay et de lutte contre le sida de l’essai, se questionne sur la place de ce bras placebo, Warning suite à la décision de la FDA, vient de se prononcer pour sa suppression. Cependant, la suppression du placebo ne permettrait pas à l'essai de conclure à l'efficacité de la Prep intermittente, et de convaincre ainsi que dans ce schéma de prise plus proche de la vraie vie, la Prep reste efficace. Des données qui pourraient pourtant s'avérer utiles pour obtenir la prise en charge de la Prep par la collectivité.

Un outil en plus dans la palette préventive
Aux Etats-Unis, Truvada est approuvé comme un élément d’une prévention globale du VIH qui inclue les autres méthodes de prévention, des conseils en réduction des risques et des dépistages réguliers. Truvada ne protège ni des IST ni de l’hépatite C. La Prep ne remplacera évidemment pas le préservatif, qui reste le socle de la prévention et qui réduit le risque d’IST (sans cependant le supprimer totalement non plus, d’où la nécessité de leur dépistage régulier). Ce médicament est en revanche, une option supplémentaire dans la boite des outils utilisables par les personnes, à coté du préservatif et du Tasp.
 

Commentaires

Portrait de romainparis

lorsque les usagers seront confrontés aux EF(effets secondaires) du Truvada.
Portrait de BD92110

Qui va prendre çà ..... et qui va prendre çà en charge. Truvada à 1000$ par mois ...... pas de 100% au USA et puis de tout façon pourquoi çà serait pris en charge à 100% vu que c'est du préventif et qu en + il y a d autre solution (épouver) qui existe pour ce proteger (capote) . Je suis bien curieu de voir ce que çà donner cette histoire, nombre de personne qui vont ce tourner vers TRUVADA comme mode de prévention et surtout aussi ce que çà va donner vu que c'est reconnu que ce n'ai pas du tout sur à 100% (heu !!!!!!! :-s ), donc contamination à plus ou moins long terme quand même. Voilà un beau coup du labo qui fabrique le TRUVADA !
Portrait de Centvin

Bonjour à toutes et tous, Aux infos télévisées ou on parle beaucoup du Truvada on ne cache pas que ce traitement est efficace à conditions que soit utilisé les autres moyens de préventions à savoir avant tout la capote.Ou est le progrès dans cette offre de traitement? Les infos insistaient sur le fait que l'utilisation du TRUVADA serait d'une grande aide pour les seronegs et les couples sérodiscordants... Rien de nouveau à l'horizon en fait!Ou est le progrès pour les seronegs et les seropos. Bises, Centvin.
Portrait de mona1515

va avoir l'effet du viagra.....en plus ça ressemble lol .c'est du n'importe quoi, car la capote reste le meilleur moyen pour se protéger .pourquoi rajouter une pilule qui n'est même pas efficace ?je suis pour quand ça concerne les couples stables(homo ou hétéro) et aussi pour ceux qui désirent un enfant.....Mais balancer un cachet comme ça en vente sans prévention et sans parler des effets secondaires ,est irresponsable .ben non le truvada n'est pas une pilule magique et ne va pas sauver le monde,au contraire....ça risque de faire encore des victimes et pousser les gens a se lâcher encore plus.ça
Portrait de mirena57

J'ai peur que cela induise une "résistance" du vih eu truvada (résistances croisées??) J'ai peur également d'un relâchement des comportements préventifs (abandon du préservatif) et donc d'une augmentation des nouvelles contaminations car l'efficacité n'est pas de 100% Des recheches sur Maraviroc en traitement préventif sont en cours

Mais pour les adeptes du Barebacking c'est mieux que prendre du Truvada plûtot que rien du tout...

Portrait de skyline

Il conviendrait, chers amis séronautes, de lire correctement cet article : "Les essais clinique montrent que le médicament a un haut niveau d’efficacité : 90 % s’il est détectable dans le sang, c’est-à-dire, s’il est pris effectivement tous les jours, selon des sous-études menés dans les essais Iprex et Partners Prep. Pris 4 fois sur 5, l’efficacité tourne aux environs de 75 %, et baisse très rapidement si l’observance décroit encore. Dans l’essai Fem-Prep, aucun effet préventif n’était permis par le Truvada, faute d’une observance suffisante (seulement 25 à 33 % de prises)." Donc Truvada en PrEP pris correctement est aussi efficace que le préservatif. Le comité d'experts de la FDA a pris en compte les problèmes de résistances potentielles et a jugé que ce n'était pas un problème. Quel intérêt aurait Gilead à rendre son médicament phare hyper utilisé inefficace à cause de résistances? Dans les essais PrEP, les effets indésirables sur les personnes n'ont pas non plus été un problème. Enfin, cette histoire de relâchement des comportements est une vaste fumisterie. On nous a fait le coup quand on a voulu mettre en place le taritement post-exposition (TPE) pour tous... il ne s'est rien passé. On nous a fait le coup quand le traitement comme prévention (TasP) s'est avéré plus efficace que le préservatif... il ne s'est rien passé. On nous refait le coup avec le prophylaxie pré-exposition (PrEP), et il ne se passera rien. Le nombre de gais séronegs français qui rapportent une pénétration non-protégée dans les 12 derniers mois est stable depuis 2004, au alentour de 35% (des chiffres vont être publiés pour la Conférence de Washington). La question est de savoir quelle proportion parmi ces gars ne se protègent pas régulièrement afin de leur filer du Truvada. Car vous savez quoi? Les pédés ne sont pas stupides. Moindre risque ne veut pas dire plus de prises de risques. C'est beaucoup plus complexe que cela... Miantenant, que les labos pharmaceutiques cherchent à faire du cash, c'est pas nouveau. À nous militants et citoyens, d'exiger une baisse des prix ou de menacer l'emploi de génériques en PrEP !
Portrait de BD92110

La capote est efficace à 100% , non ? si bien utilisée ..... Donc la capote est plus efficace , et surtout çà coute beaucoup moins chere. Façon pour savoir le resultat de tout çà RDV dans 10 ans ...
Portrait de romainparis

ont durer les sessions pendant les essais PrEP. Plus d'un an ?
Portrait de Sophie-seronet

Hello,

Pour l'essai Iprex, le suivi d'utilisation du Truvada s'est fait pendant 3 ans sur 2 499 hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Il a été prolongé de 18 mois.

4 758 couples hétérosexuels sérodifférents pour l'essai Partners Prep où l’on teste l’effet du truvada chez le partenaire séronégatif, qu'il soit l'homme ou la femme. L'essai a été interrompu environ 23 mois après son initiation.

Fem-Prep, incluant 1 951 femmes, et prévu sur un suivi de 52 semaines, a été interrompu en cours suite à une mauvaise observance et de nombreuses contaminations.

Et l'essai ipergay est actuellement en cours.

Bonne journée. Sophie

Portrait de mirena57

Salut Sophie, d'ou tires-tu ces données stp?
Portrait de Sophie-seronet

Du bazar qu'est le disque disque dur de mon ordinateur ;-) Différentes sources... Des articles de Renaud avec qui je travaille, de diapositives des powerpoint de présentation aux conférences, de textes de référence que je garde de temps en temps, de notes que je prends... Je fouille dans mes archives...

Bises. Sophie

Portrait de guppy

que le truvada peut être pris par intermittence mais combien de temps avant un rapport sexuel et combien de temps après? car je suppose que l'on de doit pas stopper le truvada des la fin du rapport?