TTF : le flou des annonces fait craindre le pire !

Publié par jfl-seronet le 09.06.2012
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TTFtaxe sur les transactions financièresTaxe Robin
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les débats, annonces, initiatives des formations politiques au niveau français comme européen sur la taxe sur les transactions financières et son attribution au développement sont difficiles à suivre et, lorsqu’on en saisit la teneur, ne lassent pas d’inquiéter. On en a eu un exemple récent avec une initiative des parlementaires européens.
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Acte 1

Tout commence le 23 mai par le vote du rapport d'Anni Podimata. Le Parlement européen se prononce "une nouvelle fois en faveur d’une taxe sur les transactions financières". C’est un "cap franchi pour la taxe sur les transactions financières" se félicitent les députés socialistes européens dans un communiqué. Ce rapport fait suite à la proposition de la Commission européenne du mois d’octobre dernier s'inspirant du projet conçu par le Parti Socialiste Européen (PSE) depuis plusieurs années. La délégation socialiste se félicite de ce vote : "Depuis des années nous nous mobilisons en faveur d’une telle taxe. Ce nouveau signal au lendemain de la victoire de François Hollande est positif", estime Catherine Trautmann, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen. "L’Union européenne a besoin de nouvelles recettes pour surmonter la crise. La taxe sur les transactions financières – et les ressources nouvelles qu'elle peut produire – constitue une réponse au besoin de financement des projets de croissance", indique de son côté l’eurodéputée Pervenche Berès. Et c’est bien cela qui pose problème. Voilà que la taxe sur les transactions financières (TTF) est annoncée comme l’outil de relance de la croissance, puis pour combler les déficits publics…


Bref, on ne mentionne absolument pas que le produit de la TTF devrait aussi être affecté au développement et notamment aux grandes urgences mondiales comme le sida, l’extrême pauvreté ou le changement climatique. Très vite les principales ONG qui travaillent à la mise en place de cette taxe voient le péril. Elles publient un communiqué de presse d’alerte à ce sujet.


Acte 2
Les organisations non gouvernementales (AIDES, Coalition PLUS, Care, ONE et Oxfam France…) sortent leur communiqué. Elles y indiquent que la "déclaration de Mme Trautmann ne fait plus aucune mention d'une affectation, même partielle, aux grandes urgences mondiales comme le sida, l'extrême pauvreté ou le changement climatique. Les associations Oxfam France, AIDES, Coalition PLUS, Care et ONE France s'inquiètent de cette déclaration, en totale contradiction avec les engagements pris le Parti Socialiste et François Hollande, et appellent ce dernier à ne pas réitérer les erreurs de son prédécesseur".


"Dans leur "Projet pour 2012", les socialistes se sont, en effet, engagés clairement sur la dimension solidaire de la taxe sur les transactions financières : "Avec le Parti socialiste européen (PSE), nous défendrons une taxe sur les transactions financières. Son produit pourrait être affecté à deux priorités : le financement de l’aide aux pays en développement et leur adaptation au réchauffement climatique, la réduction des déficits", indique le communiqué des ONG. Il rappelle aussi les engagements du candidat François Hollande le 27 février 2012 : "La majorité actuelle est revenue sur ses engagements antérieurs, en refusant qu’une part même modeste du produit de cette taxation soit consacrée au financement du développement. Je propose en conséquence que cette taxe européenne soit affectée dans trois grandes directions : la solidarité européenne, par la lutte contre le surendettement des Etats ; la croissance européenne, par le financement de grands projets ; le financement international du développement et de la lutte contre le changement climatique". Difficile d’être plus clair, d’où le gap avec l’absence de références au développement dans le communiqué de Catherine Trautmann ait fait l'impasse sur cet engagement dans sa déclaration. Pour Oxfam France, AIDES, Coalition PLUS, Care et ONE France, la TTF doit avant tout servir la solidarité internationale.


Acte 3
La députée européenne socialiste Catherine Trautmann publie un communiqué de presse dans lequel elle "exprime son incompréhension" suite aux réactions des ONG au vote sur la taxe sur les transactions financières. "Plusieurs ONG ont exprimé des remarques sur notre communiqué de presse se félicitant du vote du rapport d’Anni Podimata sur la taxe sur les transactions financières", note la députée socialiste. "Notre communiqué, effectivement, ne cite pas l’"affectation, même partielle, aux grandes urgences mondiales comme le sida, l’extrême pauvreté ou le changement climatique". Nous sommes bien sûr favorables à de telles politiques et nous continuerons à les soutenir. Ce soutien passera par le budget communautaire. Faut-il le rappeler : chaque année, lors de la discussion du budget, nous défendons ces priorités comme d'ailleurs dans les négociations sur les perspectives financières. Omettre cet engagement est un mauvais procès car nous sommes attachés à la dimension solidaire de la taxe sur les transactions financières".


Dont acte ! Et la députée va même plus loin dans la critique puisqu’elle regrette "une mise en cause injustifiée de la part d’ONG avec lesquelles nous avons pourtant l’habitude de travailler et qui n'hésitent pas à nous solliciter sur tous les sujets qui les concernent". Bon, là, il ne faut pas exagérer… En fait, la critique des ONG est justifiée… on peut même y voir un pare-feu, une mise en garde… contre une dérive possible pour ne pas dire probable de l’affectation de la taxe sur les transactions financières. Rappelons que dans un premier temps, le produit de cette taxe était uniquement affecté au développement et faire face, entre autres, grandes urgences mondiales comme le sida, l’extrême pauvreté ou le changement climatique. Il n’était pas question de combler les déficits publics avec… Le risque est donc que cette TTF soit trop majoritairement voire exclusivement réservée à combler les gouffres des finances publics et pas ailleurs. La crainte des associations vient de là, de cette dérive et de l’absence de données précises sur la part de cette TTF qui ira au final à la lutte contre le sida. La question est d’autant plus cruciale alors que le Fonds mondial de lutte contre le sida est en proie à des difficultés financières majeures. Et il n’est pas certain que de faire les gros yeux aux ONG au motif qu’elles restent vigilantes sur cet enjeu… soit la tactique la plus… comment dire, adéquate.