UFC-Que choisir s'inquiète de l'aggravation de la fracture sanitaire

Publié par jfl-seronet le 08.07.2016
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Droit et socialdéserts médicauxdépassements d'honoraires

Dans une étude récente, l'association de consommateurs, UFC-Que choisir, pointe les défaillances du système de santé français et exhorte le gouvernement à agir. Explications.

"La fracture sanitaire se creuse !", dénonce l'association de consommateurs, qui a publié le 29 juin dernier une étude sur l'accès aux soins de ville et les dépassements d’honoraires, appelant les autorités à un "changement radical de braquet". Entre 2012 et 2016, l'accès à un médecin généraliste à moins de 30 minutes du domicile "s'est dégradé pour plus du quart de la population", relève UFC-Que Choisir. Comme lors de sa précédente analyse, il y a quatre ans, l'association a passé au crible l'accès géographique et financier à quatre spécialités (généralistes, pédiatres, ophtalmologistes et gynécologues) dans la totalité des communes de France en se fondant sur les données de l'Assurance maladie. Des résultats qu'elle a comparés avec sa première étude effectuée en 2012 et reportés sur une carte interactive.

En 2016, 14,6 millions de personnes, soit 23 % de la population de métropole, ont des difficultés pour rencontrer un médecin de famille à moins de trente minutes de leur domicile, et 5 % d'entre eux (3,2 millions) vivent même dans un désert médical, marqué par une densité médicale inférieure de 60 % à la moyenne nationale, pointe l'association. Le constat est encore plus préoccupant concernant l'accès à un spécialiste à moins de 45 minutes. En quatre ans, l'accès à un ophtalmologiste a diminué pour 38 % des Français, à un pédiatre pour 40 %, et à un gynécologue pour 59 %.

Accès restreint aux spécialistes


Un tiers des Français peine en 2016 à trouver un pédiatre, 30 % ont un accès "restreint" à un gynécologue, et 28 % à un ophtalmologiste. Et cela, en raison d'une densité de médecins par rapport à la population de 30 à 60 % en dessous de la moyenne nationale. La situation se dégrade encore plus vite si l'on prend en compte l'accès à des spécialistes ne pratiquant pas de dépassements d'honoraires (en secteur 1). Au tarif de la Sécurité sociale, l'offre a reculé pour plus de la moitié des usagers, quelle que soit la spécialité étudiée (hors médecins généralistes). 80 % de la population vit dans une zone déficitaire en gynécologues et en ophtalmologistes de secteur 1, souligne l'étude. Toujours plus de médecins facturent des dépassements d'honoraires, constate l’association. C'est le cas de quelque 60 % des gynécologues (contre 56 % en 2012), 56 % des ophtalmologistes (54 % en 2012), 37 % des pédiatres (32 % en 2012), mais seulement 9 % des généralistes (8 % en 2012), détaille l’AFP.

Echec dispendieux


Les médecins sont plus nombreux à ne plus pratiquer les tarifs de la Sécurité sociale. Le montant moyen des dépassements d'honoraires, en quatre ans, a lui aussi progressé : de 5 % pour les gynécologues, soit un taux moyen de dépassement par rapport au tarif Sécu de 104 % ; de 3, 5 % pour les ophtalmologistes, soit un taux moyen de dépassement de 84 % ; et enfin de 8 % pour les pédiatres pour atteindre une moyenne de dépassement de 82 %. Pour l'association de consommateurs, ces chiffres démontrent "le dispendieux échec" du contrat d'accès aux soins (CAS) destiné à réguler les dépassements d'honoraires qui "attire trop peu de médecins", estime-t-elle. "Pour 59 millions d'euros de dépassements évités par son action en 2014, le dispositif a coûté 470 millions d'euros en contreparties accordées aux médecins, soit 8 fois plus", souligne UFC-Que Choisir. Le 27 juin dernier, le Ciss (Collectif interassociatif sur la santé) arrivait à la même conclusion : "Non, le contrat d’accès aux soins ne vient pas à bout des dépassements d’honoraires. Et il ne faut pas attendre le bilan du reste-à-charge pour agir contre les dépassements supérieurs à 100 % du tarif de la sécurité sociale. Les effets pervers des règlementations doivent être contrés rapidement si l’on ne veut pas que se généralise demain la santé à 3 vitesses".



Déserts médicaux


Facultatif, le CAS engage les médecins à ne pas augmenter le taux moyen de leurs dépassements d'honoraires, et à ne pas diminuer la part des actes effectués sans dépassement, en échange d'avantages (prise en charge des cotisations sociales par l'Assurance maladie, revalorisation de certains tarifs...). Devant ce "double constat d'échec dans la lutte contre les dépassements d'honoraires comme contre les déserts médicaux", UFC-Que Choisir appelle le gouvernement et l'Assurance maladie, en pleine négociation avec les syndicats de médecins pour une augmentation des honoraires, à un "changement radical de braquet". L'association propose ainsi de "fermer" l'accès au secteur 2 (honoraires libres) et à ne laisser aux nouveaux installés que le choix entre le secteur 1 (tarif Sécu), sur lequel les aides publiques seraient recentrées, et le CAS. Elle souhaite également que les médecins libéraux ne puissent s'installer dans des zones déjà surdotées qu'à la condition d'exercer en secteur 1 et que l'installation en CAS demeure possible en dehors de ces territoires.