Un enfant infecté par le VIH toutes les deux minutes

Publié par jfl-seronet le 03.12.2021
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Chiffresenfants

Constat partagé par l’ensemble des experts-es de la lutte contre le VIH/sida, la poursuite de la crise sanitaire liée à la Covid-19 aggrave les inégalités qui, elles-mêmes, ont déjà un impact lourd sur l’épidémie de VIH. C’est tout le sens du dernier rapport en date de l’Onusida et cela se confirme avec l’annonce faite (30 novembre) par l’Unicef : un enfant a été infecté par le VIH toutes les deux minutes en 2020.

Un décès d’enfant toutes les cinq minutes

Au moins 300 000 enfants ont été nouvellement infectés-es par le VIH en 2020, soit un enfant toutes les deux minutes, indique et dénonce l’Unicef dans un rapport, publié fin novembre. Durant la même période, 120 000 enfants sont décédés-es de causes liées au sida, soit un enfant toutes les cinq minutes. Le dernier rapport mondial sur le VIH et le sida, intitulé HIV and AIDS Global Snapshot (Aperçu mondial de l’épidémie de VIH et de sida), alerte sur le fait que la persistance de la pandémie de Covid-19 aggrave les inégalités qui marquent depuis longtemps l’épidémie de VIH. Les enfants, les adolescents-es, les femmes enceintes et les mères allaitantes vulnérables sont exposés-es à un risque accru de se voir privés-es des services de prévention et de traitement qui pourraient leur sauver la vie.

« L’épidémie de VIH entre dans sa cinquième décennie au moment où sévit une pandémie mondiale qui a saturé les systèmes de santé et restreint l’accès à des services vitaux. Dans le même temps, l’augmentation de la pauvreté, des problèmes de santé mentale et de la maltraitance accroît le risque d’infection chez les enfants et les femmes », souligne Henrietta Fore, directrice générale de l’Unicef.

Des obstacles connus non surmontés

Cette situation désastreuse pourrait être évitée, en intensifiant les efforts de la réponse au VIH. Avec le téléscopage actuel entre le VIH et la Covid-19, « le nombre d’enfants séropositifs au VIH risque d’augmenter, ainsi que le nombre de ceux qui perdront leur combat face au sida », estime l’Unicef, qui s’alarme de « savoir que deux enfants sur cinq vivant avec le VIH dans le monde ne connaissent pas leur statut sérologique, et qu’à peine plus de la moitié des enfants séropositifs reçoivent un traitement antirétroviral ». Certains des obstacles empêchant un accès adéquat aux services liés au VIH sont anciens et bien connus, notamment la discrimination et les inégalités de genre, mais on peine aujourd’hui à trouver des solutions pour les surmonter.

Le rapport souligne que dans de nombreux pays, les services de lutte contre le VIH ont été considérablement perturbés avec l’arrivée, puis la permanence de la Covid-19. Dans les pays durement touchés, les tests de dépistage du VIH chez les enfants ont chuté de 50 % à 70 % et la mise en place de nouveaux traitements chez les enfants de moins de 14 ans a baissé de 25 % à 50 %, pointe le rapport. Et l’Unicef d’avancer que les « confinements ont contribué à la hausse des taux d’infection en raison des flambées de violence liée au genre, de l’accès limité aux soins de suivi et des ruptures de stock des produits de base ». Une autre explication tient dans le fait que « plusieurs pays ont également connu une importante diminution du nombre d’accouchements au sein de structures de santé, de tests de dépistage du VIH chez les mères et de mises en place de traitements antirétroviraux. Un exemple extrême est celui de l’Asie du Sud, où le nombre de femmes enceintes sous traitement antirétroviral a chuté radicalement de 71 % à 56 % en 2020 ». Et même si ces services ont repris dès juin 2020, le niveau de couverture reste bien en dessous de ce qu’il était avant la Covid-19, et l’impact réel de ces perturbations demeure inconnu.

Covid-19 et VIH : une double peine

On craint que dans les régions durement touchées par le VIH, la persistance de la pandémie de Covid-19 perturbe encore davantage les services de soins de santé et accentue les disparités dans la riposte mondiale au sida, souligne le rapport. En 2020, l’Afrique subsaharienne représentait 89 % des nouveaux cas d’infections pédiatriques au VIH et 88 % des enfants et adolescents-es séropositifs-ves dans le monde, le risque pour les adolescentes d’être infectées par le VIH étant six fois plus élevé que pour les garçons. Par ailleurs, la région compte près de 88 % des décès d’enfants liés au sida.

Bien sûr, des progrès ont été accomplis ces dix dernières années, mais on doit constater que des enfants et des adolescents-es de toutes les régions continuent d’être laissés-es de côté, déplore le rapport. À l’échelle mondiale, le taux de couverture des traitements antirétroviraux chez les enfants reste loin derrière celui des femmes enceintes (85 %) et des adultes (74 %). C’est en Asie du Sud qu’il est le plus élevé (supérieur à 95 %), suivie par le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (77 %), l’Asie de l’Est et le Pacifique (59 %), l’Afrique de l’Est et australe (57 %), l’Amérique latine et les Caraïbes (51 %) et l’Afrique de l’Ouest et centrale (36 %).

Alors que faire ?

Comme c’est le cas dans le rapport de l’Onusida. L’Unicef invite à changer de braquet. « Reconstruire en mieux dans un monde post-pandémie implique de mettre en œuvre des ripostes au VIH fondées sur des données probantes, axées sur les populations, résilientes, durables et, par-dessus tout, équitables », a commenté Henrietta Fore. « Pour remédier aux disparités, ces initiatives doivent s’appuyer sur un système de soins de santé renforcé et sur l’engagement concret de toutes les communautés affectées, en particulier des plus vulnérables. » Bref, une vision juste, un vœu pieux… mais quoi au-delà ?

 

Jeunes et VIH : des données sur 2020
- 150 000 enfants âgés de 0 à 9 ans ont été nouvellement infectés par le VIH, portant à 1,03 million le nombre total d’enfants séropositifs au sein de ce groupe d’âge ;
- 150 000 adolescents-es âgés-es de 10 à 19 ans ont été nouvellement infectés-es par le VIH, portant à 1,75 million le nombre total d’adolescents-es séropositifs-ves ;
- 120 000 adolescentes ont été nouvellement infectées par le VIH, contre 35 000 adolescents ;
- 120 000 décès liés au sida ont été recensés chez les enfants et les adolescents-es – 86 000 chez les enfants âgés-es de 0 à 9 ans et 32 000 chez les adolescents-es âgés-es de 10 à 19 ans ;
- En Afrique de l’Est et australe, le taux annuel de nouvelles infections parmi les adolescents-es a diminué de 41 % depuis 2010, alors qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les infections ont augmenté de 4 % durant la même période ;
- L’année dernière, 15,4 millions d’enfants ont perdu un de leurs parents, ou les deux, pour des causes attribuables au sida. Les trois quarts de ces enfants, soit 11,5 millions, vivent en Afrique subsaharienne. Si les enfants devenus orphelins en raison du sida représentent 10 % de tous les orphelins dans le monde, 35 % de l’ensemble des enfants sans parents vivent en Afrique subsaharienne.