Une ordonnance sur les délais administratifs

Publié par Chloé le Gouëz le 03.04.2020
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Droit et socialjusticeétat d'urgence

La crise sanitaire actuelle bouleverse le fonctionnement et l’organisation des administrations et compromet en particulier les possibilités de réponse dans les délais habituels. Une ordonnance vient de mettre en place des mesures exceptionnelles pour suspendre et prolonger ces délais de réponse. Le service Plaidoyer de AIDES propose un décryptage de cette ordonnance et explicite les modalités retenues.

Les délais de réponse concernés sont ceux qui arrivent à échéance entre le 12 mars et le 24 juin 2020. Attention, ce délai est susceptible d'évoluer et pourrait être allongé si l’état d’urgence sanitaire était prolongé. Cela signifie donc que lorsque les administrations devaient répondre au plus tard le 12 mars 2020, il n’y a aucun allongement possible et lorsque les administrations doivent répondre après le 24 juin 2020, il n’y a pas de suspension ou de délai supplémentaire. Toutefois, cette mesure d’aménagement des délais ne doit pas empêcher les administrations de répondre dans les délais habituels. L’ordonnance laisse la possibilité d’un allongement si les autorités administratives sont dans l’incapacité de les honorer.

Certaines mesures n’entrent pas dans ce dispositif d’aménagement des délais comme : les délais applicables en matière pénale, procédure pénale ; les délais encadrant les mesures privatives de liberté et leur application. Les mesures limitant un droit ou une liberté fondamentale faisant l’objet d’une protection par la Constitution peuvent être concernées par cet aménagement des délais, mais la prolongation ne peut pas dépasser le 30 juin 2020.

L’ordonnance a une approche très large des autorités administratives. Ainsi sont concernées les décisions des administrations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics administratifs et des organismes et personnes de droit public et de droit privé en charge d’une mission de service public administratif, notamment les organismes de sécurité sociale.

Concrètement, comme ça se passe quand on attend une décision ?

L’ordonnance prévoit que les délais pour que les administrations donnent leur réponse sont suspendus. Pour les décisions qui devaient être rendues après le 12 mars 2020, les délais sont donc suspendus à partir du 12 mars 2020 jusqu’au 24 juin 2020 (si l'état d'urgence sanitaire n'est pas prolongé). À l’issue de cette période, le délai reprend pour le temps qu’il restait à l’administration pour communiquer sa réponse, dans une limite de deux mois. Si l'administration devait rendre une décision le 30 mars, le délai est donc de 8 jours à partir du 24 juin 2020. Les délais de réponse qui commençaient à courir à partir du 12 mars 2020 (par exemple dans le cas de demande d’un droit) sont interrompus jusqu’au 24 juin 2020 (si l'état d'urgence sanitaire n'est pas prolongé). Le délai de réponse reprend dans son intégralité à partir du 24 juin 2020, dans une limite de deux mois.

Cela concerne, à titre d’exemples et sans exhaustivité, les démarches devant les juridictions administratives. Pour des informations concernant, les mesures exceptionnelles applicables à ces juridictions (possibilité de composer les formations avec des magistrats d’autres juridictions, communication des pièces par tout moyen, viso-audiences possibles, possibilité de statuer sans audience sur les requêtes présentées en référé, etc.) le temps de l’état d’urgence sanitaire, se reporter à l’ordonnance relative au l’adaptation des règles devant les juridictions administratives.

Concernant les délais de recours, il existe des exceptions dans les mesures exceptionnelles qui sont en défaveur des recours en matière de droit des étrangers. Ainsi, les délais ne sont pas adaptés pour le recours en annulation du refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile ou de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence. Les mêmes règles s’appliquent aux organismes publics pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande.

Voici un exemple : entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020, une personne qui n'a pas pu ou ne pourrait pas payer sa contribution financière à la complémentaire santé solidaire ne verrait pas suspendu son droit à la complémentaire santé solidaire. La personne pourra régulariser sa situation après le 24 juin 2020.

L’ordonnance prévoit que certaines mesures judiciaires et administratives arrivant à leur terme entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (si l'état d'urgence sanitaire n'est pas prolongé) puissent être prolongées de plein droit pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 24 août 2020.

Les mesures judiciaires et administratives prises en compte sont, entre autres : les mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ; les mesures de conciliation, de médiation. Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut toujours les modifier durant cette période.