Innovations en santé pour tous-tes

Publié par Christophe Rouquette le 12.04.2022
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ConférencesAfravih 2022

Lors de la conférence Afravih 2022, un symposium était consacré à Unitaid sur la thématique : « Agir pour l’accès équitable aux innovations en santé ». Unitaid est une organisation internationale d'achats de médicaments, chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux afin d'obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en voie de développement.

Accélérer l’adoption de produits de santé clés

L’innovation n’est pas que technologique, elle est sociale et sociétale. Il y a des enjeux d’accès équitable, et ces accès se renouvellent au fil du temps, comme l’a montré la crise de la Covid-19. Le Professeur Éric Delaporte (CHU de Montpellier) a présenté un essai clinique sur le dolutégravir. Présenté comme la « pilule miracle » dans les études faites au Nord, en raison du pool de participants-es (hommes, bonne santé). Les études menées avec l’ANRS ǀ MIE dans le Sud, auprès d’une file active de femmes à un stade avancé de la maladie, nuancent les données existantes sur l’efficacité et des effets indésirables jamais montrés comme la prise de poids. Ces données ont permis d’adapter les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Le passage à l’échelle accompagné et à l’étranger est essentiel dans l’introduction de produits de santé clés.

Christophe Roberge (Montpellier, France) a présenté MedinCell, une société pharmaceutique qui a créé une technologie d'administration des médicaments par injection sous-cutanée permettant une meilleure observance du traitement. Deux projets sont en cours avec Unitaid : contraception et malaria. MedinCell veut placer dès la conception les éléments qui feront de leurs injectables des produits adaptés et simples d’utilisation : durée d’action couvrant une période de risque identifiée, logistique, processus de fabrication simple jouant sur le coût du produit, stockabilité adaptée aux conditions climatiques. Pour garantir la pérennité de la présence du produit, l’entreprise a trois piliers : continuum de financements, engagement des partenaires locaux (communautés mais aussi instances impliquées dans l’autorisation des médicaments) et transposabilité des chaînes auprès des firmes pharmaceutiques et génériques.

Des conditions systémiques pour un accès durable et équitable

Jason Brophy (Boston, États-Unis) a présenté la CHAI qui porte sur l’accès au marché des antirétroviraux pédiatriques (ici, le dolutegravir). Une approche ciblée a été mise en place pour accéder aux produits optimaux, via un partenaire public-privé incluant CHAI, Unitaid, Viiv Healthcare. Des fournisseurs de génériques s’étant engagés à une stratégie de dépôt auprès de la FDA (agence américaine du médicament) ont bénéficié d’un transfert technologie de la part de Viiv Healthcare. Cela a mené à l’autorisation la plus rapide jamais réalisée sur les ARV pédiatriques. Le prix est bas comparé au comparateur qui existait. CHAI a des programmes pour faciliter l’introduction d’innovations à l’étranger qui passent notamment par des conseillers consultatifs communautaires qui portent la voix des personnes vivant avec le VIH pour l’introduction de ces produits, ce qui participe à leur autorisation d’utilisation et à leur adoption de la part des professionnels-les de santé.

Sandra Mobre (Genève, Suisse) a expliqué que les pharmacies en Inde et en Chine ont des problèmes de capacité, de chaîne de production ou d’export, dont souffrent avant tout les pays en développement. Mettre en place un transfert de technologies et la levée des brevets fait partie de la solution. La Covid-19 marque un début dans ce sens. Le problème, c’est que les détenteurs de brevets peuvent être réticents. Les experts-es locaux-les peuvent être inexistants-es en raison de la fuite des cerveaux. Les circuits de distribution peuvent manquer. Le système réglementaire peut ne pas être prêt à recevoir le médicament. Il faut donc une approche consortium avec l’ensemble des acteurs-rices de la santé publique pour aller au bout du tech-transfert.

Lisa Huang (Abidjan, Côte d’Ivoire) a présenté le projet Sucess qui vise à offrir une prévention secondaire (dépistage et traitement liaisons précancéreuses) pour les femmes les plus exposées au cancer du col de l’utérus dans quatre pays. La lutte contre le cancer du col est avant tout une lutte contre l’inégalité car ce cancer concerne avant tout les femmes vivant avec le VIH subsahariennes dans des régions où le frottis n’est pas accessible. Cette inaccessibilité est aussi présente, dans d’autres pays. Pour garantir le déploiement des offres de prévention, on constate que sont importants : la gouvernance et le leadership, des guidelines intégrant le dépistage combiné, la prestation de service (offre et demande), l’intégration des acteurs-rices communautaires comme l’a enseigné la lutte contre le VIH.

Des partenariats inclusifs, axés sur la demande

Clémence Doumenc Aidara (Dakar, Sénégal) a présenté le projet Atlas qui compte 30 partenaires et qui se déploie en Afrique de l’Ouest. Atlas vise le déploiement et l’introduction de l’auto-dépistage. La capitalisation a montré que les communautés adhèrent à l’innovation que représenté l’autotest, ce qui se traduit notamment par la distribution secondaire qui permet de toucher les publics difficile à toucher d’habitude.  Le projet Atlas repose sur une approche intégré de l’auto-dépistage dans la palette de l’offre présente et sur l’association de représentants-es d’usagers-ères. L’auto-dépistage doit être promu notamment dans les pays où l’offre de soin est limitée.

Maria Donatelli (Coalition PLUS, Pantin) a présenté un projet soutenu par Unitaid de lutte contre l’hépatite C. Son objectif : que les communautés soient autonomes et participent aux décisions concernant leur santé. L’approche est en trois phases : sensibilisation (montée en connaissances répétée et actualisée pour stimuler la demande), plaidoyer (réduction de prix des diagnostics et médicaments, reconnaissance de l’expertise communautaire) et fourniture de services adaptés aux attentes des usagers-ères.

Othoman Mellouk (Marrakech, Maroc) a présenté ITPC, une ONG qui travaille en consortium avec 17 pays à moyens revenus exclus des licences volontaires et qui ont de plus en plus de mal à prétendre au soutien financier international. Il s’agit pour ITPC de contourner les brevets, qui, du fait de leur renouvellement constant, y rendent des médicaments inaccessibles. ITPC fait un travail d’opposition aux brevets pour inverser la donne, travaille au dépôt de licences obligatoires. ITPC fait aussi un rôle de veille et de monitoring sur l’approvisionnement (quelle entreprise a le droit de vendre quel médicament). ITPC met aussi en place des incitations pour l’introduction des médicaments, à l’image de l’autorisation de remboursements à 100 % sur des médicaments non disponibles, ce qui génère automatiquement de l’import et attire les producteurs.

En conclusion, la présidente d’Unitaid, Marisol, Touraine a déclaré que « en quinze ans, Uniataid est devenu un acteur incontournable de la santé mondiale. Sans Unitaid, les solutions parviendraient entre trois à cinq ans après aux femmes et hommes qui en ont besoin. Ce sont autant de vies sauvées ». Et l’ancienne ministre de la Santé sous François Hollande de conclure : « L’innovation doit bénéficier à tous-tes. C’est l’innovation concrète et c’est le rôle d’Unitaid ».