"Vers Paris sans sida" : les cinq programmes par population

Publié par jfl-seronet le 21.02.2016
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Mode de vieépidémiologieprévention

Le plan "Vers Paris sans sida" propose cinq programmes spécifiques d’action auprès différents groupes : personnes vivant avec le VIH,  hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), personnes migrantes, personnes trans, travailleuses et travailleurs du sexe. Nous vous présentions ici, tirées du rapport de France Lert, les propositions faites pour chacun de ces groupes. Pour les constats, nous vous conseillons de vous reporter au rapport lui-même. Explications.

"En 2014 (…), les nouveaux diagnostics sont concentrés pour 90 % parmi les HSH et les migrants dont la majorité est originaire d’Afrique sub-saharienne. D’autres populations comme les travailleurs et travailleuses du sexe et les transgenres (…) ont des besoins en termes de santé, notamment de santé sexuelle et d’accès aux droits et aux soins au sein desquels le VIH est un levier pour une approche globale", explique le rapport de France Lert. "L’accent mis sur la prévention et la forte efficacité individuelle et populationnelle des traitements ne doivent pas laisser sous-estimer les besoins des personnes séropositives en termes de santé sexuelle et d’inclusion sociale", note le rapport. Voici, groupe par groupe, les propositions.

Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH)

Des recommandations détaillées ont été faites dans le chapitre Conditions de vie pour un succès thérapeutique du rapport d’experts (Morlat). Elles "gardent toute leur validité et leur actualité à Paris", note le rapport. Les propositions visant à améliorer la santé et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH comportent les points suivants :

● Réduire par une intervention de la ville les obstacles administratifs à l’accès effectif aux droits auprès de la préfecture et des services du champ social (CPAM, MDPH, Caf, CASVP).
● Soutenir les alternatives à la prise en charge hospitalière des personnes vivant avec le VIH pour favoriser la diversification des parcours de soins. "Aujourd’hui quelques médecins généralistes de ville, Le 190 et l’institut Alfred Fournier assurent un suivi médical extra-hospitalier pour des files actives importantes. Dans certains arrondissements parisiens, plus de la moitié des médecins ont au moins dix patients séropositifs dans leur patientèle, ce qui requiert des liens avec les services spécialisés. L’équipe de l’hôpital Saint-Antoine a soumis aux ins­tances sanitaires un projet de maison médicale pluridisciplinaire pour prendre en charge globalement la santé des personnes atteintes d’infections virales chroniques et contri­buer à la formation des non-spécialistes", détaille le rapport.
● Les associations intervenant auprès des plus fragiles proposent de compléter les dis­positifs sociaux non résidentiels pour les cas "complexes" par une coordination médicale "à domicile".
● Le message sur la prévention de la transmission par le traitement reste encore mal connu et inégalement porté par les cliniciens et les brochures de prévention jusqu’à mainte­nant. Il doit être affirmé et largement diffusé. L’attention nécessaire à la dicibilité de la séropositivité au partenaire, les inquiétudes dans une relation sérodifférente, la portée préventive des antirétroviraux selon les résultats du traitement, les troubles sexuels et les IST justifient que les personnes séropositives soient pleinement prises en compte dans les dispositifs de santé sexuelle à l’hôpital et en extra-hospitalier.
● S’assurer de la continuité du traitement et rechercher les personnes en interruption de soins, tâche d’autant plus nécessaire et compliquée que la périodicité du suivi médical s’espace.
● Promouvoir à côté des formes classiques d’éducation thérapeutique du patient (ETP) en milieu hospitalier souvent centrée sur le traitement, des programmes alternatifs : dans un cadre associatif, offrant une approche globale de la santé, incluant la santé sexuelle, comportant l’éducation par les pairs ou transversale à diverses maladies chroniques.
● Soutenir une médiation sanitaire pérenne au sein des services ou des associations pour l’accompagnement des personnes les plus fragiles.
● Soutenir les associations de personnes atteintes qui offrent des espaces d’échange, d’information, de convivialité et de soutien nécessaires pour faire face à l’annonce du diagnostic, à la vie avec la maladie et le traitement, à l’isolement ou aux difficultés de relations avec l’entourage.
● Utiliser tous les dispositifs de lutte contre les discriminations, notamment juridiques pour poursuivre la lutte contre la discrimination à l’encontre des personnes séropositives.

Gays et HSH : une offre de santé et de bien-être

"La situation épidémiologique appelle un discours d’optimisme préventif nouveau et attractif en direction des populations gay qui s’appuie sur l’apport de la PreP, des services orientés vers la santé sexuelle et la promotion du bien-être sexuel et psychique. Sur le plan des méthodes de préven­tion, l’accent sera mis sur la PreP, la promotion du préservatif, le dépistage tous les trois mois, le dépistage et le soin des IST. Il ne s’agit pas d’imposer un nouveau dogme préventif mais d’offrir un véritable choix entre des moyens efficaces et accessibles", explique le rapport.

Les acteurs du VIH à Paris s’accordent sur la nécessité d’une approche holistique de la santé des populations LGBT avec pour axe "être heureux d’être gay" et d’avoir une sexualité sereine sans être en permanence inquiet de la contamination du VIH. Ce programme axé sur le bien-être com­porterait :

● La promotion de la vie LGBT dans sa diversité renforçant le sentiment d’appartenance et l’estime de soi.
● Une mobilisation de la communauté gay sur la problématique de la vie psychique et de ses difficultés.
● La prise en charge individuelle et collective des troubles psychologiques par des professionnels, psychiatres ou psychologues (…).
● Une formation des acteurs associatifs et professionnels dans les services de la ville à l’accueil des HSH.
● Le développement d’un programme de bien-être psychologique par les outils numé­riques.

Une communication soutenue sur la nouvelle donne préventive

● Une communication intensive en écho des préoccupations exprimées par les princi­paux intéressés, les hommes gays.
● Une information complète de la part de l’Agence Nationale de Santé Publique et des associations (SIS, AIDES, Le Kiosque, Act Up notamment).
● Des outils de communication numériques avec une large ouverture à l’interactivité (forum, chats, etc.).
● Des événements publics réguliers pour la population HSH animés par les leaders médicaux, scientifiques et associatifs.
● La promotion de ces nouveaux messages par les acteurs de terrain de la prévention (ENIPSE, AIDES, Le Kiosque) et du dépistage.

Un large programme de mise à disposition de la PreP

"Le comité d’experts définit la PreP comme un outil additionnel ou complémentaire pour les per­sonnes à haut risque d’acquisition du VIH au sein d’une stratégie de prévention diversifiée. Pour les HSH, l’indication est définie par des rapports anaux non protégés avec au moins deux partenaires en six mois ou plusieurs IST ou recours au TPE dans l’année, ou usage de drogue sont des indications de prescription. A Paris, ces indications concernent une large proportion des HSH sexuellement actifs — au moins dans certaines tranches de leur parcours de vie — et suggèrent donc une large diffusion de la PreP", mentionne le rapport.

La promotion du préservatif

"L’usage du préservatif a baissé en France comme ailleurs, selon l’enquête EPGL-2011 il est utilisé systématiquement par 55 % des HSH non infectés et par 22 % des hommes séropositifs avec une charge virale contrôlée et 13 % de ceux ayant une virémie détectable (…) Il est donc nécessaire de poursuivre la promotion du préservatif sur des bases renouvelées. Cepen­dant, il ne faut pas en attendre un impact fort sur l’inflexion de l’épidémie", indique le rapport.

Le dépistage tous les trois mois

"L’épidémie est aujourd’hui principalement alimentée par les séropositivités non diagnostiquées avec une forte transmission pendant la primo-infection (…) Une périodicité de trois mois pour tous les HSH sexuellement actifs avec un recours immédiat en cas de signes de primo-infection ou si une notion d’exposition certaine se sont dégagés de la discussion (….) L’articulation lors du counselling entre dépistage et orientation vers la PreP est évidemment essentielle. La demande de PreP et sa répétition tous les trois mois, sont aussi des occasions de dépistage du VIH notamment pour les hommes qui sont les plus exposés", explique le rapport.

S’adresser aux jeunes gays

"L’aug­mentation des nouvelles infections chez les moins de 25 ans incite à déployer vers eux une action spécifique en commençant par les étudiants au sein des universités et des écoles post-bac avec des méthodes à inventer sur les campus et sur les territoires numériques. Il s’agit de les sensibiliser à une problématique qui les concerne tout en mettant en avant les ressources nouvelles pour fabri­quer les stratégies préventives qui leur conviennent", explique le rapport.

Une approche de réduction des risques du ChemSex

"La pratique associant la prise de produits psychoactifs et les rapports sexuels, souvent en groupe, préoccupe les médecins et les associations investies auprès des HSH. Elle facilite la baisse de vigilance, la transmission sexuelle du VIH et des IST, y compris de l’hépatite C par mise en commun de seringue ou de paille, la survenue d’abcès aux sites d’injection et peut conduire à d’authentiques addictions", indique le rapport. "Il existe (…) les conditions d’une structuration d’une réponse de réduction des risques qui pour­rait associer l’information des équipes de soins et des addictologues, l’élaboration de conseils préventifs, un forum de "slameurs", le renforcement de l’offre addictologique (présence d’addic­tologues dans certains centres et orientation vers les services d’addictologie préparés à accueillir ces situations)".

Des services dédiés à la santé sexuelle des HSH

"Les besoins des HSH en matière de santé sexuelle sont spécifiques : être compris dans les situations ou questions exprimées, ne pas être jugé, être correctement examiné, être correctement dépisté pour les IST, être conseillé quant aux situations sexuelles vécues, être efficacement soigné (…) Les services dédiés doivent être soutenus financièrement à la hauteur des besoins et des services proposés qui associent soin et prévention".

Les migrants d’Afrique sub-saharienne et d’autres régions du monde

L’enjeu est de mettre à disposition des populations d’Afrique sub-saharienne les moyens de la pré­vention combinée, c’est-à-dire d’agir sur leurs conditions de vie, d’amener ces moyens aux individus et aux populations et d’en assurer la disponibilité réelle.

● La lutte contre la précarité par une attention à l’application du droit des étrangers et à l’accès aux soins. Les acteurs de terrain souhaitent que la Ville pèse de tout son poids en faveur du maintien des droits au séjour et aux soins des populations étrangères et veille auprès de la préfecture de Paris au strict respect des procédures réglementaires déjà lourdes et coûteuses.
● L’appui à la médiation sanitaire avec les associations VIH. L’apport des moyens préventifs au sein des communautés africaines repose sur la mobilisation par les associations VIH, notamment AIDES et Afrique Avenir à Paris, des associations ou acteurs qui animent la vie communautaire des populations migrantes (événements festifs, associations des pays et régions d’origine, etc.). C’est donc le renforcement de ces associations qui est essentiel avec un volet de médiation sanitaire pérennisée.
● La prévention combinée : Effet préventif du traitement, dépistage et PreP. Le traitement des personnes séropositives peut jouer un rôle préventif beaucoup plus important qu’actuellement au sein de ces populations qui arrivent plus tard au diagnostic. Le dépistage est un levier majeur pour réduire l’incidence dans cette population. Le dépistage doit atteindre les personnes nouvellement immigrées mais aussi être répété de façon régulière, avec une attention particulière aux hommes qui fréquentent moins que les femmes le système de santé (…) La PreP est recommandée dans les populations hétérosexuelles sur une base individuelle. Les femmes migrantes qui arrivent en France de plus en plus seules sont particulièrement vulnérables dans les années de précarité administrative où elles n’ont pas toujours les ressources d’imposer l’utilisation du préservatif à leurs partenaires. La PreP peut donc leur être utile en leur permettant de se protéger quelle que soit l’attitude de leur partenaire. Elle a aussi sa place pour les couples séro-différents tant que l’efficacité virologique du traitement n’est pas obtenue. Elle doit pouvoir leur être offerte par les services spécialisés et les CeGIDD.

Une offre de santé sexuelle dédiée

Les besoins en matière de VIH relèvent aussi envers cette population d’une offre de santé sexuelle associant les dépistages (VIH, hépatites, etc.), les vaccinations, la contraception, le suivi des gros­sesses, les préoccupations vis-à-vis de la stérilité, l’approche du couple, la prévention du VIH in­cluant la PreP, la prévention et la réparation des mutilations génitales féminines. Une telle offre pourrait être pensée dans le cadre d’un CeGIDD comme l’autorise le décret du 1er juillet 201567. Elle pourrait constituer aussi un lieu de formation pour les professionnels de santé et de recherche en prévention.

Les personnes trans

Les propositions s’organisent autour de trois axes :

● Visibilité et lutte pour l’inclusion en lien avec les services du Défenseur des droits.
● Communication donnant de la visibilité à la transsidentité et aux personnes trans et soutien aux mesures favorisant la reconnaissance de la transsidentité.
● Inclusion dans la démarche de diagnostic, de label et de formation des personnels d’accueil des services de santé de la ville à l’accueil respectueux des personnes trans (par exemple : utilisation des civilité et nom d’usage déclarés par la personne et non ceux des documents administratifs).

Offre de santé sexuelle

La santé sexuelle des personnes trans comporte tous les moyens de la prévention combinée, concernant notamment le dépistage, la PreP et le dépistage des IST. Elle nécessite également la définition d’une palette particulière des moyens de prévention propres aux pratiques sexuelles des personnes trans, palette qui reste à définir de façon plus précise (…) La problématique de l’accessibilité aux services de santé est clé pour les personnes trans. Des réseaux de soins informels se sont constitués et doivent être renforcés (…) C’est pourquoi, le programme comportera d’une part, des lieux communautaires offrant des espaces de convivialité, des aides à l’accès aux droits et d’accès à la prévention incluant les partenaires des personnes trans, d’autre part la médiation sociale sur une base pérenne comme élément clé de l’accès aux droits et à la santé.

Les travailleuses et travailleurs du sexe

Un programme vers les travailleurs/ses du sexe reste indispensable à Paris. Les besoins en termes d’information et d’accès aux dépistages et aux soins concernent autant la santé sexuelle (gyné­cologie, dépistage des IST et du VIH) que la santé générale. Ils requièrent des approches spéci­fiques notamment des consultations médicales dans les dispositifs hors les murs, et des disposi­tifs nouveaux comme l’autoprélèvement pour le dépistage des chlamydiae et des gonocoques et l’équipement en analyseur en temps réel pour ces IST envisagé à l’Hôtel-Dieu.

Le soutien aux associations intervenant auprès des travailleurs/ses du sexe doit être poursuivi autour de ces activités et notamment :
● La production d’outils communautaires (…) prenant en compte les diverses formes d’exercice du travail sexuel, y compris pour atteindre les personnes exerçant via Internet.
● La médiation sanitaire par des personnes issues des communautés, l’interprétariat professionnel.
● La création et le renforcement de réseaux pour les soins.
● La desserte des lieux de travail sexuel hors Paris.
● Le renforcement des partenariats santé, administratif et juridique.
● La formation des personnels des services de santé les plus susceptibles d’être au contact des travailleurs/ses du sexe.

Télécharger le rapport.