VHC : tous les médecins vont prescrire des AAD

Publié par jfl-seronet le 26.05.2018
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ThérapeutiqueVHChépatite CAADantiviraux à action directe

Des résultats d’études (en population générale, gays, populations dans les départements et régions d’Outre-mer) ont été présentés le 15 mai dernier lors de la Journée nationale de lutte contres les hépatites. A cette occasion, le directeur général de la Santé a confirmé que la prescription des agents antiviraux directs (AAD) va être ouverte à tous les médecins afin de simplifier les parcours de soins de proximité pour les personnes atteintes d'hépatite C sans complications.

Feu vert pour la prescription en ville des AAD avant l’été

C’était une recommandation de l’Afef (la société française pour l’étude du foie) auprès des pouvoirs publics, faites en mars dernier. Le 15 mai dernier, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contres les hépatites, le directeur général de la Santé, le professeur Jérôme Salomon, a confirmé que la prescription des agents antiviraux directs (AAD) va être ouverte à tous les médecins afin de simplifier les parcours de soins de proximité pour les personnes atteintes d'hépatite C sans complications. Il s’agit donc d’autoriser la prescription par les généralistes dans le cadre d’un parcours simplifié de prise en charge du VHC. Cette mesure s'inscrit dans une perspective d'élimination de l'hépatite C à l'horizon 2025. Cet objectif est une des "mesures phares" du Plan national de santé publique "Priorité prévention" présenté par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, lors du comité interministériel consacré à la santé du 26 mars. Cette annonce est dans la suite logique de la délivrance des nouveaux traitements de l’hépatite C dans les pharmacies de ville.

Dans son discours d’ouverture de la journée nationale de lutte contre les hépatites virales, Jérôme Salomon a souligné que l'ouverture à tous les médecins de la prescription des antiviraux à action directe pourra permettre de placer le traitement de l'hépatite C parmi les soins de premier recours pour les personnes vivant avec le VHC sans complications. "L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), à notre demande, travaille donc actuellement à cette évolution dans des conditions offrant toutes les garanties de sécurité et de qualité de prise en charge des patients", a précisé le professeur Salomon. "Les nouveaux prescripteurs, au premier rang desquels les médecins généralistes, devront être accompagnés", a-t-il ajouté. "Dans cette optique, la ministre [de la santé, ndlr] a demandé à la Haute autorité de santé (HAS) de produire des documents de bonnes pratiques de prescription en lien avec les documents de réduction des risques de l'ANSM", a-t-il précisé. Ce travail est en cours. Par ailleurs, il est "indispensable que les réseaux d'hépatologie, et en particulier les 37 services hospitaliers experts de lutte contre les hépatites virales, renforcent les liens de coopération avec les médecins généralistes et les professionnels exerçant dans les structures notamment d'addictologie [Csapa, Caarud, ndlr]", a souligné Jérôme Salomon, cité par l’agence APM.

Une montée en charge du dépistage est nécessaire

La direction générale de la Santé défend aussi le principe d’une "montée en charge" du dépistage du VHC. Elle est "nécessaire", a souligné le professeur Salomon. En effet, en dépit du déploiement du dépistage de proximité par test rapide d'orientation diagnostique (Trod) depuis 2017, "le niveau d'appropriation par les acteurs de terrain, associatifs ou médico-sociaux spécialisés est variable". "En lien avec les représentants des ordres et l'ensemble des professionnels, il nous faudra aussi réfléchir à l'extension du dépistage par Trod à d'autres professionnels de santé afin de le rendre ainsi plus accessible aux publics vulnérables et à tous", a-t-il déclaré. Toujours en matière de dépistage, celui des hépatites s'améliore comme le suggère les données publiées dans le "Bulletin épidémiologique hebdomadaire" ("BEH", N°11, 15 mai 2018) sorti spécialement à l’occasion de la Journée nationale. Ce "BEH" donne les résultats de plusieurs études dont ceux de l’enquête LaboHep (édition 2016), ceux de l’étude Prevagay (données 2015) et ceux de l’enquête Baromètre santé DOM (données2014). Ces résultats montrent une progression continue du dépistage en France. Comme le fait remarquer le "Quotidien du Médecin", ils pointent aussi la faiblesse de la vaccination contre le VHB des populations cibles et les lacunes d'information dans les départements d'outre mer. L'enquête LaboHep 2016 a été menée auprès de 1 079 laboratoires de biologie médicale. En 2016, 4,1 millions de tests anti VHC et 4,3 millions de tests Ag HBs (pour le VHB) ont été réalisés en France. Le nombre de tests anti VHC a augmenté de 14 % entre 2013 et 2016, tandis que celui des Ag HBs a augmenté de 14 % au cours de la même période. C’est en Ile-de-France, et notamment à Paris, que les activités de dépistage du VHB et du VHC étaient les plus élevés ; c’est également dans cette région que les augmentations de dépistage ont été les plus marquées entre 2013 et 2016. Les efforts de dépistage les plus importants ont été constatés ensuite en région Paca et en Occitanie.

Quels résultats de cette hausse des dépistages ?

Si on assiste à une augmentation de l'activité de dépistage, le taux de positivité des tests anti VHC est en baisse depuis 2013, passant de 0,9 à 0,7 %.  Les experts-es notent que cette "diminution est cohérente avec la diminution annuelle du nombre de personnes en ALD 6 (affection de longue durée) pour une hépatite C chronique depuis 2013. Une des raisons de cette baisse serait l’impact des AAD de seconde génération, qui permettent la guérison de  90 % des patients", note le "BEH". "Il a été estimé qu’un traitement par AAD de seconde génération avait été initié chez 22 600 personnes en 2014-2015 et que 20 300 avaient été guéries", indique le Bulletin épidémiologique. En 2016, 30 229 séropositivités pour le VHC ont été diagnostiquées pour la première fois (7 % de plus qu'en 2013).

En ce qui concerne les Ag HBs (pour le VHB), le taux de positivité reste stable, autour de 0,8 %. Le nombre de tests Ag HBs a lui augmenté de 6 % entre 2013 et 2016, après une forte hausse (+ 45 %) entre 2010 et 2016. "Cette augmentation est en fait observée depuis le début des années 2000", soulignent les auteurs-es, pour qui cette hausse est "cohérente avec l'évolution des recommandations, qui ciblent depuis 2001 les personnes exposées au risque d'infection et qui ont été étendues, en 2014, aux hommes de 18 à 60 ans et aux femmes enceintes dès la première consultation prénatale" Les taux de sérologie Ag HBs positive les plus élevés ont été observés en Ile-de-France (145 cas pour 100 000 personnes), principalement à Paris (318/100 000) en Seine Saint-Denis (185/100 000) et Seine-et-Marne (128/100 000). Les taux sont également très élevés à Mayotte et en Guyane.

VHB : prévalence chez les gays et vaccination

La prévalence du VHB chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes a été estimée à 0,6 %, dans l’étude Prevagay. Cette étude a été menée auprès de 2 645 hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) fréquentant les bars saunas et backrooms de cinq villes françaises : Paris, Lyon, Montpellier, Lille et Nice. Ces résultats ont été publiés dans le "BEH" (15 mai 2018). Un volet de l’étude Prevagay 2015 visait à estimer la prévalence du VHB et la couverture vaccinale chez les HSH fréquentant les lieux de convivialité gay et d’en décrire les facteurs associés. L'enquête a été menée au sein de 60 établissements volontaires (26 bars et clubs, 19 saunas et 15 backrooms) à Paris, Lille, Lyon, Montpellier et Nice à l’aide d’un questionnaire comportemental et d’un auto-prélèvement sanguin. Les données de 2 645 HSH, âgés en moyenne de 41 ans, ont été recueillies. Dix-huit participants se sont avérés porteurs de l’antigène viral HBs. Cela veut dire qu’on est infecté par le VHB. La prévalence du VHB a été estimée à 0,6 %. En 2009, l’enquête Prevagay avait été conduite uniquement à Paris, la prévalence du VHB dans ce même groupe était alors de 1,4%. Dans l’enquête PREVAGAY 2015, il y avait un sous-groupe de 433 personnes vivant avec le VIH ; la prévalence du VHB était plus élevée : elle a été estimée à 1,5 %. En regardant la situation des dix-huit participants avec une sérologie Ag HBs positive, l’estimation de la prévalence du VIH s’élevait à 36,9 %. Sur l'ensemble de la population étudiée, 0,2% des personnes étaient co-infectées VIH-VHB.

Les facteurs associés au fait d’être porteur de l’antigène HBs étaient notamment de résider dans les Alpes-Maritimes, de fréquenter des lieux où les rapports sexuels sont possibles, d’avoir eu au moins une relation sexuelle avec un partenaire occasionnel dans l’année. La couverture vaccinale contre le VHB parmi les 2 645 HSH était estimée à 63 %. Chez les HSH vivant avec le VIH, la couverture vaccinale s’élevait à 65,2 % contre 62,6 % chez les HSH séronégatifs. Chez les HSH vivant avec le VIH qui ignoraient leur statut, la couverture vaccinale était estimée à seulement 37,2 %.  Par ailleurs, la couverture vaccinale contre le VHB était estimée à 90,1% chez les HSH infectés par le virus de l'hépatite C (VHC), et à 62,8% chez ceux qui ne l’étaient pas, détaille le "BEH".

Par rapport à 2009, l’estimation de la prévalence du VHB chez les HSH fréquentant des lieux de convivialité gay a donc diminué (1,6 % versus 0,6 %). Cette prévalence est qualifiée de "faible" par les auteurs-es de l’étude, mais elle demeure plus élevée chez les hommes gay vivant avec le VIH. Comme le pointe le "BEH", le niveau de co-infection VHB/VIH s’avère préoccupant car l’infection par le VIH aggrave le pronostic de l’infection VHB, notamment en favorisant son évolution vers la chronicité, la cirrhose et en augmentant le risque d’apparition d’un cancer du foie. Ces estimations de prévalence de l’antigène HBs sont d’ailleurs comparables à celles des Pays-Bas, du Brésil et de Toronto.

Concernant la couverture vaccinale contre l’hépatite B, elle a légèrement augmenté entre 2009 et 2015 (70,7 % contre 73,9 %). Elle est plus élevée chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes qu’au sein de la population générale (47 %). Ces résultats suggèrent qu’il est nécessaire d’étendre la diffusion de messages de prévention de santé sexuelle, en associant vaccination et actions de dépistage, particulièrement envers les populations cibles (hommes gay non immunisés vis-à-vis du VHB, en particulier ceux infectés par le VIH et/ou ayant des partenaires multiples), estiment les chercheurs.

Outre-mer : connaissances des hépatites et pratiques du dépistage

L’enquête Baromètre Santé Dom 2014 a cherché à connaître le sentiment d’information et les pratiques déclarées de dépistage vis-à-vis du VHB et du VHC dans la population générale dans les Outre-mer. Dans cette enquête, un module sur les hépatites B et C a ainsi été intégré au Baromètre santé en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à La Réunion, auprès d’échantillons représentatifs de la population générale de 15-75 ans. Les principaux résultats montrent :

- un très faible sentiment d’information, avec plus de 60 % des personnes répondantes se déclarant plutôt mal ou très mal informées sur les hépatites virales ou ne sachant pas ce que sont ces infections. Le sentiment d’information déclaré était moindre chez les plus jeunes et les moins diplômés ;
- un dépistage déclaré plus fréquent dans les départements et régions d’Outre-mer qu’en France métropolitaine : 30 à 40 % des personnes répondantes (selon les DROM) ont déclaré avoir déjà été dépistées pour l’hépatite B ou l’hépatite C au cours de la vie versus respectivement 15 % et 19 % en France métropolitaine en 2010. La France métropolitaine est une zone de faible endémicité pour les hépatites B et C. Les nombres de personnes ayant une infection chronique, en population générale adulte métropolitaine, ont été estimés à 192 700 pour le VHC en 2011 (0,42%) 1 et à 280 800 pour le VHB en 2004 (0,65 %). Dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM), à l’exception de La Réunion, la prévalence de l’hépatite B chronique serait plus élevée qu’en France métropolitaine : de1,4 % à 5 % selon les populations et les études. Pour l’hépatite C, les données disponibles ne permettent pas de conclure sur la prévalence. Pour les deux virus, l’activité de dépistage est plus importante dans les DROM qu’en France métropolitaine.

Commentaires

Portrait de sonia

En autorisant les médecins généralistes à dispenser des traitements à action directe sur les virus B et C,  le ministère de la Santé et de la Recherche universitaire, sont assurés d'une démédicalisation progressive au profit des pairs éducateurs et autres instances associatives.

Les médecins auront besoin de formations(aides) sur les hépatites virales et coinfection vih

Les laboratoires fourniront les derniers appareils de dépistage portatifs pour les trod vhc et mise sous traitement immédiate.

Tout ceci grâce aux travaux d'Hercule et de Aides/Seronet.info.

Fort à parier que ces nouveaux bijoux technologiques, les dépisteurs roche abott elisa et autres, feront les beaux jours des études sur les prévalences, pour comparer les pays nordiques au sud de l'Europe par exemple? 

 

Portrait de fil

Nouveaux outils virologiques pour le dépistage, le diagnostic et la surveillance de l'hépatite B et C dans les pays à ressources limitées 
Stéphane Chevaliez , Jean-Michel Pawlotsky

Dans le monde entier, le modèle dominant des tests en laboratoire est le laboratoire centralisé, dans lequel l'automatisation des processus analytiques augmente, permettant l'analyse d'un grand nombre d'échantillons à un coût relativement faible. Cependant, cette tendance ne répond pas aux besoins des virus de l' hépatite B et C chroniques de soins de l'infection dans les milieux à ressources limitées. Des modèles alternatifs utilisant des tests au point de service (POC) et des taches de sang séché (DBS) sont de plus en plus considérés pour le dépistage, le diagnostic et la surveillance des hépatites virales. Les tests POC sont de petits dispositifs fournissant une détermination qualitative et / ou quantitative des anticorps viraux et / ou des antigènes. Ils peuvent utiliser des matrices de spécimens originaux, tels que du liquide buccal ou du sang prélevé d'un bout du doigt. Les tests POC sont particulièrement utiles pour le dépistage à grande échelle et pour améliorer l'accès aux soins dans les régions où l'accès aux laboratoires de biologie est limité. De nouveaux dispositifs POC détectant et quantifiant les acides nucléiques viraux sont en cours de développement. 

Le DBS offre l'avantage principal de stocker du sang desséché qui peut facilement être transporté vers des centres de référence où des tests de diagnostic moléculaire et sérologique de pointe sont utilisés. La standardisation et une meilleure automatisation de la gestion du DBS sont cependant nécessaires. Cet article de revue examine des alternatives aux tests virologiques classiques de l'hépatite B et C utilisant du sérum ou du plasma prélevés lors de ponction veineuse, y compris des tests POC et DBS, ainsi que des alternatives aux tests d'acides nucléiques.Des innovations dans les approches de test résultant de la disponibilité de ces nouveaux tests sont discutées . 

https://www.sciencedirect.com/science/a ... 7818320634