Victrelis : enfin des données chez les personnes co-infectées

Publié par Renaud Persiaux le 06.11.2011
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Victrelis (bocéprévir) est un nouveau traitement anti-VHC approuvé depuis juillet 2011 dans l’Union européenne. Le 20 octobre, la firme pharmaceutique qui le détient, MSD, a donné les premiers résultats chez les personnes co-infectées. Une bonne nouvelle qui laisse cependant un arrière goût amer.

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Un doublement des chances d’élimination du virus de l’hépatite C (70%) par rapport à la bithérapie seule (34%), après 24 semaines de traitement. C’est ce que permet l’ajout du bocéprévir (Victrelis) au traitement standard par interféron et ribavirine. Cette bonne nouvelle a été annoncée par MSD (Merck Sharp & Dome) à Boston le 20 octobre, lors de la réunion annuelle 2011 de l'Infectious Diseases Society of America (IDSA). Il s’agit des résultats de l'analyse provisoire, à 24 semaines, d'une étude clinique de phase IIb, d'une durée totale de 48 semaines. La première à évaluer, chez cent personnes co-infectées par le VIH et le VHC, l’efficacité de la nouvelle molécule dans le traitement de l'infection chronique par le VHC de génotype 1. Elle se prend par voie orale trois fois par jour (toutes les huit heures).
Le laboratoire indique que toutes les personnes traitées dans l'étude ont reçu la bithérapie pendant 4 semaines, puis la trithérapie pendant 44 semaines, soit une durée de traitement de 48 semaines. Seuls les résultats à 24 semaines sont, pour l’heure, disponibles. Ces personnes n'avaient jamais été traitées contre l'hépatite C chronique. En revanche, toutes avaient une charge virale VIH indétectable, grâce aux traitements antirétroviraux. En ce qui concerne ces dernièreres, les non nucléosides (Sustiva, Viramune, Intelence, Edurant) n’étaient pas permis, ni la zidovudine (AZT, Retrovir), la stavudine (Zerit) ou la didanosine (Videx).
Dans la majorité des cas, les personnes traitées n'avaient pas de cirrhose (95%) et étaient d’origine européenne (82%) et de sexe masculin (69%) ; l'âge médian était d'environ 43 ans. La plupart avaient au départ une charge virale du VHC élevée (88%) et souffraient d'une infection par le génotype 1a du VHC (65%). Selon les données préliminaires, les effets indésirables sont semblables à ceux retrouvés chez les personnes uniquement infectées par l’hépatite : neutropénie (trop faible nombre de globules blancs), dysgueusie (mauvais goût dans la bouche), vomissements, fièvre, maux de tête et diminution de l'appétit. Le communiqué de MSD ne fait pas mention de l’anémie (trop faible nombre de globules rouges) qui est pourtant un effet fréquent du bocéprévir. Tous ces résultats devront être confirmés par les résultats finaux, attendus pour 2012.


Des premières données qui arrivent très tard
Cette bonne nouvelle a un arrière-goût amer : celui de l’arrivée beaucoup trop tardive de ces données. Les associations et les personnes touchées demandent depuis longtemps que les recherches soient menées de manière équitable pour les personnes infectées par l’hépatite C et les personnes co-infectées (VIH et hépatite C). Ce qui est un combat permanent face à l’industrie pharmaceutique. Cela a une conséquence très claire au Canada : si l’on en croit MSD, le bocéprévir n'y est pas approuvé chez les personnes co-infectées par le VHC et le VIH, mais uniquement pour les personnes mono-infectées par le VHC.
En Europe, c’est le flou. L’AMM (autorisation de mise sur le marché) européenne, elle, ne fait pas mention de la co-infection. Mais la faiblesse des données fait que de nombreux médecins se sentent démunis vis-à-vis de l’utilisation de ces nouveaux traitements chez les personnes co-infectées. Faute de données suffisamment précises, la dernière édition des recommandations de l’EACS, rendue publique mi-octobre, n’a pu inclure des recommandations sur la question. Les premières données relatives au télaprévir (Incivo) avaient été rendues publiques lors de la CROI en mars dernier également chez des personnes n’ayant jamais tenté le traitement contre le VHC auparavant.

Pas d’engagement ferme des firmes
Pour ces dernières, deux essais thérapeutiques, conduits par l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites virales (ANRS), ont commencé au printemps dernier. Il s’agit de Télaprévih (avec le télaprévir) et Bocéprévih (avec le bocéprévir). Tous deux concernent des personnes co-infectées par le VIH et le VHC de génotype 1 ayant déjà pris un traitement contre le VHC. Si l’ANRS a dû lancer ces essais, c’est notamment parce qu’en dépit des demandes répétées des associations (en France notamment avec le TRT-5, le Collectif Hépatites virales, AIDES et l’EATG pour l’Europe), l’utilisation de ces molécules chez les personnes co-infectées par le VIH et le VHC a fait l’objet de trop peu d’études cliniques de la part des firmes pharmaceutiques, pour permettre la mise au point de recommandations. La dernière réunion, à Sitgès en juin dernier, ne s’est, au-delà des promesses, jusqu’à présent concrétisé par aucun engagement ferme et définitif. L’enjeu est d’importance : plus de trente molécules anti-VHC sont actuellement en développement, et rien ne dit que nous aurons des données sur les personnes co-infectées, et plus généralement, toutes les personnes considérées comme faisant partie des populations difficiles à traiter, plus précocement.