Vieillir avec le VIH et déficiences cognitives

Publié par Sophie-seronet le 13.11.2019
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Thérapeutiquevieillirtroubles cognitifs

Les stratégies actuelles de traitement du VIH permettent de vieillir en contrôlant le virus. La durée de vie des personnes vivant avec le VIH s’allonge au point d’atteindre celle des personnes non infectées. Bien sûr, la durée de vie n’est pas toujours corrélée à la qualité de vie et on peut connaître des difficultés de santé liées au vieillissement lui-même, à l’impact au long cours de l’infection chronique, etc. Cette question fait l’objet de recherches, comme celle conduite sur les conséquences sur les fonctions cognitives d’une infection par le VIH.

La vie avec le VIH a-t-elle sur la durée des conséquences sur les fonctions cognitives ? C’est à cette question qu’a entrepris de répondre le docteur Alain Makinson (Unité « Recherche translationnelle sur le VIH et les maladies infectieuses », CHU de Montpellier, Université de Montpellier, Inserm, IRD) et son équipe. Ils se sont intéressés à la survenue de déficiences neurocognitives (comme une baisse de l’attention, des difficultés à se concentrer, une baisse de la mémoire et des capacités motrices…) chez les personnes vivant avec le VIH dans l’étude ANRS EP58 Hand 55-70 (1). Des réflexions et résultats préliminaires avaient été présentés par le docteur Makinson lors d’une conférence à Biarritz en septembre 2018.

De nouveaux résultats viennent de faire l’objet d’une publication dans la revue Clinical infectious diseases. Les chercheurs-ses décrivent les résultats de leurs observations sur 200 personnes vivant avec le VIH recrutées dans six centres français (Montpellier, Nîmes, Marseille, Cannes, Grenoble, Tours). Les mesures collectées chez ces participants-es ont ensuite été comparées, en utilisant les mêmes méthodes d’évaluation neurocognitives, à celles d’une population témoin composée de 1 000 personnes de même âge, genre et niveau d’éducation issues de la cohorte Constances (2) recrutées en population générale.

Les chercheurs-ses ont mis en évidence que chez des personnes vivant avec le VIH, âgées de  55 à 70 ans, le risque de développer des déficiences neurocognitives légères (et dans certains cas, sans symptômes) est accru de 50 %. Grâce aux thérapies antirétrovirales actuelles, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) peuvent contrôler le virus. Cependant, si la mortalité de ces personnes n’est plus majoritairement causée par le VIH et a beaucoup diminué depuis l’avènement de ces thérapies, d’autres risques sont à prendre en compte, avance l’Inserm. Quelques études récentes ont notamment souligné l’augmentation de la prévalence des déficiences neurocognitives (DNC) chez les personnes vivant avec le VIH par rapport aux personnes non-infectées. Cette augmentation est d’autant plus marquée chez les personnes qui ne contrôlent pas le virus. Cependant, ces DNC pourraient également être dues à des facteurs cardiovasculaires ou encore à la survenue de dépression, plus fréquente dans cette population, avancent les chercheurs-ses.

Pour tenter de préciser la nature de l’association entre le fait de vivre avec le VIH et être atteint de déficiences neurocognitives (telles qu’une baisse de l’attention, de la mémoire et des capacités motrices), Alain Makinson et son équipe ont donc étudié les données de 200 personnes vivant avec le VIH, âgées de 55 à 70 ans et contrôlant le VIH, enrôlées entre janvier 2016 et octobre 2017 dans l’étude ANRS EP58 Hand. Chaque personne a été comparée à cinq personnes non exposées au VIH de même âge, genre et niveau d’éducation, appartenant à la cohorte Constances recrutées en population générale. Les méthodes de passage des tests cognitifs et de recueil des données de l’étude étaient identiques dans les deux groupes comparés. Au total, 1 200 personnes ont donc été incluses dans le cadre de cette étude. « Bien que les déficiences observées dans l’étude soient légères ou sans symptôme apparent (c’est-à-dire n’impactant pas ou légèrement les activités de la vie malgré des résultats anormaux aux tests), les personnes vivant avec le VIH étaient plus touchées par la déficience neurocognitive : 35 % contre 24 % pour le groupe contrôle.

Le risque de souffrir d’une déficience neurocognitive est donc augmenté de 50 % pour une personne infectée par le VIH, comparée à une personne non infectée, tous critères égaux par ailleurs (âge, genre, niveau d’éducation) », indique le communiqué de l’Inserm. Les auteurs-es parviennent à la même conclusion après prise en compte de plusieurs facteurs de confusion potentiels (consommation d’alcool ou de tabac, activité physique, diabète, hypertension, etc.), y compris en utilisant plusieurs méthodes d’évaluation des tests cognitifs. Malgré ces résultats très solides, un lien de causalité entre le fait de vivre avec le VIH et la survenue de déficience neurocognitive ne peut pas être établi, et plusieurs hypothèses sont possibles. L’une est que l’infection par le VIH et ses traitements causent une inflammation récurrente du cerveau. Une deuxième hypothèse est que les complications associées à l’immunodéficience ont pu impacter la cognition avant la mise sous traitement contre le VIH, mais sans aggravation plus rapide par la suite par rapport à la population générale, indique l’équipe de chercheurs-ses. Enfin, la séropositivité  pourrait être associée à d’autres facteurs de risques (consommation de produits notamment) qui sont difficiles à mesurer pleinement dans les deux populations de cette étude. Les chercheurs-ses souhaitent continuer à suivre la même population plus longtemps afin de mieux préciser les causes de déficience neurocognitive dans cette population qui avance en âge et tester l’hypothèse d’un vieillissement cognitif accéléré chez les personnes vivant avec le VIH, d’autant que très peu d’études avec un groupe contrôle sont disponibles. « Tester l’hypothèse de l’inflammation du cerveau en recueillant certains biomarqueurs spécifiques présents dans le sang constitue une autre perspective de l’équipe pour mieux comprendre les mécanismes causant les dommages au cerveau », concluent Alain Makinson et son équipe.

(1) : L’étude ANRS EP58 Hand (HIV-Associated Neurocognitive Disorder) a pour objectif de mesurer la prévalence des troubles neurocognitifs (classification Frascati) dans une population de personnes vivant avec le VIH entre 55 ans et 70 ans et la comparer à celle mesurée en population générale dans la cohorte Constances après appariement sur l’âge, le genre, et le niveau de formation. Son objectif secondaire est d’étudier si l’infection par le VIH est un facteur associé aux troubles neurocognitifs.
(2) : Constances est une cohorte épidémiologique « généraliste » constituée d'un échantillon représentatif de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans à l'inclusion, consultants des Centres d'examens de santé (CES) de la Sécurité sociale.

 

Commentaires

Portrait de Pierre75020

Ces études sont très intéressantes et un peu inquiétantes pour moi, il serait souhaitable qu'elles soient poursuivies.Il se trouve que dans mon entourage un Parkinson a été diagnostiqué chez un ami vivant avec le VIH depuis 25 ans accompagné d'une dépression. Le lien avec le VIH n'a pas été établi. Mais si je me réfère à cet étude, il serait possible qu'il y en ait un, affaire à suivre donc.

Portrait de jl06

 Ouai l,étude et bien faite faisant parti des + de 70ans ....de Cannes ! 

aprés hier j,ai tout de même fait mais 16km de Montagne , j,en et profiter pour faire voir à mon groupe la ou je voulait qui y jéte mais cendre ....sa plombé l,ambiance , mais non faut être réaliste !

bref profitons .....Wink

 

 

Portrait de Thierry

Plus çà va ,plus les articles me collent a la peau.

En effet ,a ma demande je viens de passer des tests neurocognitifs ,histoire de faire un bilan , car comme dis le proverbe "Tout est bon dans le cochon ,ok mais, fais pas bon de devenir un crouton!!!".....ou peut etre du coté du mouroir a rentieres de la Cote d'Azur ( JE PLAISANTE!!!!!)

Pour la procedure ,cela dure environ 40mn ,puis la madame vous dis que vos resultats vont etre interpretés  et analysés  par elle et soumis a l'ordi pour bien approfondir........

Etape 2 : Lors de votre prochain rdv avec votre infectiologue( ah oui!!..... parce que c'est elle qui vous donne le "score") et si tout va bien.........Pas besoin de prendre un billet pour le Titanic!!!!

Etape 3: Si malheureusement  votre score n'est pas des plus folichon (digne dirai-je, d'un math de 3ieme division  ,ou frolant le QI de Doris.......oui celle dans NEMO) ,votre gentille infectiologue vous mettra dans les pattes d'une neurologue afin d'approfondir  le diagnostique.

C'est a ce moment là qu'il est conseillé de se rappeler ou est le bureau de la psychologue qui vous as fait passer le test ,car il faut bien se venger......!!!!( lol JE REPLAISANTE.... en meme temps la mienne s'en fout ,elle part a la retraite, c'est la nouvelle qui va morfler MDR

Dans tous les cas de figures ,et pour redevenir serieux ,que ce soient des PVVIH(encore une abreviation que je dois retenir) ou des personnes non contaminés, il a un interet certain pour tous d'etudier  dès la 50aine  la façon dont nos capacités peuvent etre impactées par ce probleme ......A   suivre 

Portrait de jl06

Oui les rentiéres de la cote d,azur ne sont forçement de la côte ....se sont des inportations de département du nord ....

qui n,on jamais cotisé un centimes dans le département et qui te passe devant  ... les  grossiéreres ,Tongue Out

remarque Monaco les pompes bien ....

  ( Plus çà va ,plus les articles me collent a la peau.,  )  j,ai une combi de plongé .... sexy ! un vrais Dauphins  dedans Kiss

Maintenant avec vos tests  neurocognitifs vous me fouter les jetons ....

ta quoi comme signe ? 

Portrait de Superpoussin

Quand mon état général s'est amélioré j'ai repris des études en cours du soir avec des étudiants de ma génération et j'ai été frappé de constater un fort déclin cognitif: grosse perte de concentration (qui était un de mes points forts), mémoire sur un an catastrophique.

Je précise que mes cours m'intéressaient, que je ne traversais pas alors de période dépressive et dormais tout mon soul. Les facteurs dépression, fatigue et désintérêt pouvaient être écartés. Je me souviens en particulier avoir connu des absences: je posais des questions que j'oubliais aussitôt après les avoir posées. En discutant avec mes camarades étudiants je ne cessais de m'étonner de l'abîme qu'il y avait entre nos niveaux de mémorisation des cours de l'année précédente (en revanche ma mémorisation sur quelques mois ne semblait pas être trop mauvaise).

On m'a alors fait passer des tests de mémoire forcément à court terme qui ont été, à ma grande surprise, excellents.

Malheureusement il aurait fallut faire des tests réguliers pour évaluer une évolution de cette mémoire, chose qui ne m'a pas été proposé.

Malheureusement aussi la forte détérioration de ma mémoire à plus long terme n'a pu être observée par ces tests inadaptés à mon cas.

Si je n'avais pas repris des études je n'aurais certainement pas constaté de problème de ce côté-là, ces problèmes cognitifs n'ayant pas été importants au point de perturber mon quotidien, mais dans le cadre d'études assez exigeantes où le cerveau est fortement sollicité c'était assez flagrant.

Aujourd'hui j'ai l'impression de ressentir des défaillances cognitives aussi dans mon quotidien, et là ça craint vraiment.

Je suis séropositif au VIH depuis 1987, ai connu pendant des années un taux de cd4 inférieur à 10 (d'après cet article cela est peut-être un point important) et n'ai jamais consommé de drogues, licites ou illicites.

J'ai repris des études à deux reprises: la dernière fois est celle que je viens d'évoquer et a eut lieu après des années d'ARV, la première fois en revanche a eu lieu avant 1996.  Je sais que j'avais cartonné les 2 premières années (avant de m'écrouler, terrasser par la maladie), mais quels traitements prenais-je ces années-là? Il me semble que mon immunité était déjà fort basse, ce qui pourrait laisser penser que ce serait certains ARV qui constituraient les raisons principales de mon déclin cognitif.

Je peux dater une chute cognitive en 1995, voir fin 1994, mais j'avais alors touché le fond au niveau immunité mais aussi fatigue, aussi il est délicat de cette expérience en arriver à y voir un argument en faveur de la thèse immunitaire et en défaveur de l'hypothèse antiprotéase (cette famille d'ARV n'arrivant qu'en 1996).

Hum... je me souviens que fin 1995 j'étais parvenu à quelques bons résultats au niveau études alors que j'avais été longuement hospitalisé, mais c'était aussi en concentrant mes efforts sur... une seule matière je crois. Bon je crois me souvenir que j'avais trouvé cette matière "facile" alors que ce n'était pas le cas général, sans doute avais-je alors encore une bonne concentration (du moins pour lire le polycopié d'un cours que je ne pouvais suivre en amphithéâtre), à moins que mon cerveau n'ait été capable de se concentrer que sur une masse d'information limitée.

J'aurais tant aimé que des études sur le sujet des défaillances cognitives possiblement liées au VIH aient lieu avant... Frown

Je crois m'être aussi étalé sur ma petite vie pour témoigner, peut-être nourrir la Recherche d'un témoignage que je pense intéressant,... mais aussi sans doute pour ne pas oublier d'où je viens.

Portrait de Pierre75020

Votre témoignage , très scrupuleux est très intéressant car très détaillé et très bien écrit . Effectivement des études auraient été nécessaires et le sont encore aujourd'hui pour  connaître les effets et du VIH et des traitements sur les déficiences qui affectent notre cerveau: inflammation de cet organe? Action délétère des traitements mal dosés?

Par ailleurs, votre courage et vos efforts pour reprendre des études en dépit d'une pathologie lourde sont un exemple de résilience dont je tiens à vous féliciter ici.

Très bonne journée.

Pierre.

Portrait de jl06

Désolé si je ne manie pas la plume correctement ....mon passé intélo ma survolé , 

Après  ma vie  n,est  pas la même  que vous ,ils aura fallu que j,ai 67ans  (2014) pour être HIV  , pourtemps depuis mon adolescence , coté sexe je me suis jamais rien refusé ....surement du à ma bi ....

alors quand je vous vois paniqué par des oublies  ,des vides , de mémoires , je peut comprendre que cela vous gênes ,

Mais de ma vie ,j,ai eu des passages de créations zéro .... plus rien ne sortez de moi , je me copié , j,allé au plus facile ,des redifs, dans mon ex métiér sa ne pardonne pas ,chaque année je devais sortir des nouveautés, et bien  non !

A un moment le vide complet ,et la pas questions de VIH ....juste moi en pause ! 

j,ai du attendre ,.... mon tour pour revenir ,les bases avez changer l,époque aussi , après tout pourquoi  toujours être   obligé  de se maintenir au top de sa forme , que tu  soit intelo ,ou artiste ,ou autre , se que je crois aussi et que le corps à besoins de pause !

Aprés qu,il y est une peur de dénégérence ,oui surement .ils  navigues à vue ( les toubibs)... ça j,avais bien compris ,

j,ai jamais  fait de  test ...  encore moins un phsy....je prend tout sur moi , (je charge la mule ) , 

Que les ARV ne me gêne pas se serait mentir , bien sur que oui ,des trucs que je  n,avez jamais eu auparavent ....sommeil ,démangeaisont etc ...je gére ....pour le moment ,

bonne journée 

jl

Portrait de elisa750

Séropositive depuis 1995 avec un traitement sur le tard j'ai en effet des oublis qui m'ont un moment fait douter (73 ans)

A l'hôpital de la Roche sur Yon où je suis suivie depuis 10 ans j'ai expliqué mon cas et  on m'a fait rencontrer une neuropsychologue (que je vois tous les ans)elle a eu vite fait de voir le problème....je m'en doutais un peu....manque de concentration....je mène ma petite vie tranquille et je ne me prends pas la tête, pas grand chose m'intéresse et de là pas grand chose vient vers moiTongue Out Enfin elle m'a rassurée ...rien de grave à moi d'être attentive ce que je n'arrive pas à faire..la vie continue piano piano.....Undecided

Portrait de Superpoussin

Le vieillissement?

Depuis combien d'années prenez-vous des ARV? Etes-vous descendu bas au niveau immunitaire? Avez-vous connu une longue période avec une charge virale élevée?

Pour ma part il est évident quand je me compare avec des personnes de ma génération que ce n'est pas qu'une histoire de vieillissement. J'avais une concentration sensiblement supérieure à mes petits camarades quand j'étais jeune, aujourd'hui c'est l'inverse à âges égaux.

Portrait de Apo

Merci pour ton témoignage, Superpoussin. 

Le mien sera moins précis, peut être plus parlant ! :  au moment présent je suis très intéressée par le sujet mais trouver les mots pour m'exprimer est au delà de mes forces.

En bref, je ne peux qu'être d'accord avec Pierre : des études restent nécessaires, et avec Superpoussin : pourquoi n'ont elles pas été effectuées avant ? Thierry, merci pour le tuyau, passer un test neurocognitif c'est bien pour savoir où on en est ( j'espère ne pas OUBLIER de le demander lors de mon prochain rv : /) 

Les oublis, le manque de concentration sont très handicapant et difficiles à accepter lorsqu'on a envie d'apprendre/d'entreprendre. 

 Juste une avant dernière chose : je suis toujours aussi étonnée de constater que la plupart des gens pensent que le ViH et ses traitements n'ont aucune incidence et que "bah ouais tu vis comme tout le monde, quoi"... 

.... Ben non, je vis au ralenti. 

Et juste une dernière chose : mes problèmes de cognition se sont considérablement fait ressentir après le traitement INCIVO / COPEGUS /PEGASYS ( qui a tout de même réussi à éradiquer cette sale souche d'hépatite C,  bismillah :-D) 

 Salut à tous.  

 

P. S :j'ai 45 ans.