Vieillir LGBT : les ambitions de GreyPride

Publié par Rédacteur-seronet le 21.01.2017
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InterviewGreyPride

Militant de la lutte contre le sida, des droits LGBT, Francis Carrier avait lancé, en février 2015, une lettre ouverte à toutes les personnes qui se sentent concernées par le thème : "Vieillir LGBT de nouveaux enjeux communautaires". Seronet avait alors proposé une interview de ce militant. Presque deux ans s’est écoulé depuis  et l’association GreyPride a vu le jour. Son initiateur et président fait le point sur Seronet sur cette initiative qui trouve un bon écho chez les personnes concernées et des associations. Interview.

En février 2015, vous lanciez une "Lettre ouverte à tous ceux qui se sentent concernés" sur le thème "Vieillir LGBT, de nouveaux enjeux communautaires". Que s’est-il passé depuis ?

Francis Carrier : Presque deux ans se sont écoulés et depuis, les choses ont pas mal avancé. Il y a eu la création de l'association GreyPride en novembre 2016 et la mise en place de commissions pour travailler sur les différents sujets concernant les seniors (ligne d'écoute, habitat, convivialité et solidarité, modules de formation des acteurs du secteur médico-social, santé, juridique, réseau associatif et partenariat, vie associative, plaidoyer, mémoire et témoignages, finances & collecte de fonds ). Il y a eu l’ouverture d'une ligne d'écoute en partenariat avec le centre LGBT de Paris Ile-de-France, la présentation de l'exposition "Vieillir sans Tabou" dans plusieurs centres LGBT (Paris, Toulouse, Bayonne, Nantes, Bordeaux, Strasbourg), l’ouverture d'un salon de convivialité dans les locaux de Basiliade (chaque dernier samedi du mois de 16h30 à 19h). On peut ajouter la prise en compte par la Dilcrah (1) des problèmes spécifiques des seniors LGBT, en intégrant dans son champ d'actions plusieurs des propositions de GreyPride. Dans un autre domaine, il y a eu la mise en place d'un projet de cohabitation de seniors dans des appartements de la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP). Nous avons contribué et c’est crucial à l'émergence de ce sujet dans le champ médiatique. Je pourrais citer l’article de "Libération" du 3 janvier dernier sur les seniors LGBT. Nous cherchons bien sûr des militant-e-s pour mener à bien tous ces projets.

Dans une interview accordée à Seronet en février 2015 vous expliquiez que contrairement à d'autres thématiques, le monde LGBT a du mal à se saisir de ce sujet du vieillissement. Le diriez-vous toujours ?

Je pense que cette question commence à émerger. Mes premières interventions, notamment aux Etats généraux des associations LGBT d'Avignon, laissaient mes interlocuteurs un peu étonnés, dubitatifs... Je pense qu'aujourd'hui, même si la prise de conscience n'est pas générale, il y a malgré tout une meilleure compréhension de ce sujet. Il est aussi normal, que cette thématique concerne les plus âgé-e-s d'entre nous. Lorsqu'on est jeune, les sujets de préoccupation ne manquent pas (organiser sa vie, trouver un travail, réaliser ses projets...) et la vision de la vieillesse est quelque chose de lointain, de difficile à imaginer...

Ceux qu'il faut avant tout convaincre c'est la génération des 55-70 ans, qui doivent comprendre que rester dans le déni de sa propre vieillesse et ne pas être solidaire des plus âgé-e-s est une erreur grave, car cela signifie que l'on est prêt à accepter de vieillir dans de mauvais conditions et à subir des situations d'isolement, d'irrespect et parfois même de rejet et de maltraitance. Récemment l'article de Libération, que je mentionnais, sur ce sujet titrait : "Seniors LGBT: le tabou jusqu'à la maison de retraite".

Comment est reçue l’initiative GreyPride ? Quelles sont les personnes et structures intéressées et qui vous soutiennent ?

Mon premier travail a été de faire le tour des associations LGBT. Plusieurs d'entre elles sont entrées comme membre de notre conseil d'administration : David & Jonathan, AIDES, Basiliade, Acceptess-T. D'autres se sont aussi inscrites comme membres de GreyPride : Act Up-Paris, Le Kiosque Info Sida, DiverSenior, Les Bascos, Les Gais Retraités et le Centre LGBT de Paris Ile-de-France. Je pense que d'ici quelques mois, de nouvelles associations nous rejoindront. Les associations de province commencent aussi à se mobiliser en présentant l'exposition "Vieillir sans tabou" et en initiant un débat auprès de leurs membres sur ce sujet. Le réseau santé ACsanté 93, m'a demandé de faire une intervention auprès de ses membres, l'espace éthique de Cochin m'a invité lors d'un séminaire, la Dilcrah a intégré des actions proposées par GreyPRIDE et la mairie de Paris (délégation au logement) soutient nos projets concernant l'habitat.

Concrètement que propose aujourd’hui GreyPride comme actions, services ?

Notre ligne d'écoute (01 44 93 74 03 ) est ouverte deux fois par semaine le mardi et le jeudi de 16h à 18h ; mais cela va demander du temps avant que ce numéro soit connu des personnes concernées. Le Salon GreyPride, lieu d'échange et de convivialité est ouvert aussi chaque dernier samedi du mois de 16h30 à 19h dans les locaux de Basiliade. Les seniors LGBT très âgé-e-s sont d'une génération pour laquelle l'orientation sexuelle et l'identité de genre étaient de l'ordre de l'intime. L’homosexualité était répréhensible du point de vue de la loi et inscrite au registre des maladies mentales. Il ne faut pas s'étonner que les milliers de personnes concernées aient pris l'habitude de se cacher, de s'isoler pour éviter d'être confrontées en fin de vie à du harcèlement ou de l'incompréhension. C'est ma génération — la génération de ceux qui ont vécu la libération sexuelle des années 70, de la dépénalisation, de la lutte pour l'égalité des droits — qui va demander à rester visible et qui n'acceptera pas de revenir dans le placard. Ce que nous devons faire en priorité, c'est faire évoluer les mentalités, proposer des formations aux acteurs de la filière gérontologique, communiquer sur le respect des minorités sexuelles et culturelles, préparer des formes d'habitat qui soient respectueuses des choix des individus.

Je milite sur le concept de l'"affinitaire" : vieillir avec des personnes qui se respectent, se choisissent et qui ont envie de partager une vie commune. Mais, le maintien à domicile dans des conditions de bonne qualité de vie est aussi un point important de notre lutte. On s'aperçoit que nous débordons vite du domaine du LGBT pur : nous touchons des problèmes de société et d'organisation de la filière gérontologique dans son ensemble. Notre rôle est sans doute de participer à une réforme sociétale tout en faisant respecter les particularités des seniors LGBT.

Par les contacts et les échanges que vous avez, quelles sont les priorités des personnes LGBT qui s’intéressent aux enjeux du vieillissement ? Sur quoi vous demandent-elles d’agir et quels services mettre en place ?

D'abord, je pense que vous posez mal la question. Je ne suis pas le représentant des seniors LGBT. Je pense que c'est une lutte que l'on ne délègue pas, mais que l'on doit prendre en charge individuellement, comme à l'époque de la lutte contre le sida. Il faut que chacun d'entre nous se pose la question : "Comment, moi, j'ai envie de vieillir ? Avec qui ? Dans quel environnement ?" Et par la suite, agir collectivement pour trouver les solutions qui nous concernent. GreyPride est une association militante qui a pour objectif de faire bouger les lignes et proposer de nouvelles approches. Je pense que nous sommes tous concerné-e-s. Comme je le dis souvent : "GreyPride est promis a un grand avenir, car vous finirez tous et toutes par y venir ; du moins, je vous le souhaite !"

Dans le cadre de GreyPride quelle place occupe la santé ? Et sur quels axes en matière de santé, travaillez-vous ?

La santé lorsqu'on est vieux/vieille doit plutôt se décliner sur le concept de qualité de vie. En vieillissant, différentes pathologies peuvent apparaître et en parler séparément n'a pas beaucoup de sens. Il y a bien sûr des spécificités liées au sida et à la nécessité de former le personnel soignant/aidant à cette pathologie ; la méconnaissance de cette pathologie auprès des salariés de l'aide à domicile et des maisons de retraite risque de provoquer les mêmes phénomènes de peur et de rejet que nous avons connus au début de la pandémie. Mais globalement la santé des seniors doit se décliner en parlant de conditions de vie et de respect des individus ; la plupart du temps les personnes âgées sont peu à peu considérées comme des objets que l'on lave, nourrit et soigne.

Le concept de santé, c'est avant tout humaniser la vieillesse et maintenir le désir de vivre. Nous sommes des êtres sexués, faits d'une histoire, de désirs jusqu'au dernier jour de notre vie. Bien se nourrir, avoir des relations amicales et amoureuses, pouvoir vivre dans un environnement que l'on aime sont les meilleurs garants d'une bonne santé.

Mais, par exemple, en dehors des pathologies lourdes (cancer, diabète, arthrose, VIH...) les personnes âgées souffrent très souvent de trois problèmes qui sont très mal traités et qui limitent leur confort de vie : les dents, la vision, l'audition. Prendre un rendez-vous chez un dentiste ou un ophtalmo, commander un véhicule, sortir et rentrer chez soi, aller dans une boutique spécialisée, tout cela ne peut pas se faire sans une aide extérieure. La dégradation de la dentition ou des appareils dentaires provoque pourtant des problèmes de mal nutrition et d'infections. Les problèmes auditifs et visuels, et leurs évolutions, empêchent la communication avec l'entourage. Tout ceci, ne nécessite pas une hospitalisation, mais la plupart du temps ces aspects médicaux mineurs ne sont pas pris en charge par manque d'une aide extérieure. Nous devons imaginer des solutions pour résoudre ces problèmes récurrents.

Mais je veux revenir sur le cas des personnes vivant avec le VIH et parler de mon cas personnel. Je suis gay, séropositif depuis plus de 30 ans ; 30 ans pendant lesquels j'ai vécu les annonces successives concernant les traitements, 30 ans pendant lesquels j'ai voulu continuer à vivre comme tout le monde malgré la disparition de mes amis, 30 ans pendant lesquels je me suis engagé pour lutter contre les préjugés et aujourd'hui je ne suis pas prêt à abandonner. Je n'ai pas envie que toutes ces années de lutte disparaissent parce que j'ai plus de 60 ans. Je n'ai pas envie que toute mon histoire disparaisse dans l'anonymat d'une maison de retraite dans laquelle je deviendrai un simple numéro dans une chambre anonyme (voir notre communiqué de presse du 1er décembre 2016).

En 2017, il y aura deux grandes échéances électorales (élections présidentielles et législatives), que comptez-vous faire dans ce contexte pour faire avancer les revendications portées par GreyPride ? Quelles sont vos priorités ?

Nous réfléchissons à la possibilité d'écrire un manifeste sur les nécessaires évolutions de la prise en compte des seniors dans notre société et sur le respect des minorités sexuelles, auprès des différents candidats. A ma connaissance, seul Vincent Peillon a écrit un chapitre sur un nouveau service public des maisons de retraite. Il faut savoir que dans un proche avenir les plus de 60 ans représenteront un tiers de la population et auront une espérance de vie de l'ordre de 30 ans. Aujourd'hui, il y a 1,2 million de personnes dépendantes, dans quelques années, nous en compterons 2 millions. La population des seniors LGBT représente au minimum 800 000 personnes, 50 000 personnes vivant avec le VIH arrivent à l'âge de la retraite. Ces chiffres montrent que le vieillissement de la population est un enjeu primordial de notre société. A cela s'ajoute le retrait de l'Etat et la main mise du privé dans la Silver Economy. La mise en place de contre-pouvoirs est essentielle pour ne pas devenir l'otage de financiers pour lesquels le seul souci sera le retour sur investissement. Bien que l'origine de GreyPride soit issue du constat de l'auto-exclusion des seniors LGBT et de l'absence de prise en compte de leurs besoins, nous devons nous positionner auprès des politiques, des acteurs médico-sociaux et proposer de nouveaux modèles, économiquement réalistes et respectueux du choix des personnes. Je pense que, nos politiques sous-estiment largement les enjeux qui nous attendent. Ce projet est difficile et ambitieux, mais ne rien faire, c'est accepter le pire !

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

(1) : La Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et l’homophobie


Commentaires

Portrait de Khammi

J'ai 76 ans je connais ma seropositivité depuis 2013 Je vis à Rennes  j'ai fait ma carrière à L'EN dans un labo de recherche à L'insa de Rennes .Je suis toujours très autonome .Je voyage Beaucoup. J'avais un fils à Johannesburg  et un antre en Malaisie Prèsentement je suis au Cameroun chez une amie . Mes craintes c'est l'autonomie, car je veux rester chez moi continuer à voyager à brocanter rencontrer des amies faire une rencontre avec des sentiments êtres amoureux et c'est dificile .j'ai peur de perdre mon autonomis . je souhaites participer à vos travaux et voir ce qui pourrai être fait sur Rennes je rentres de Douala le 23 févrrer ou le 23 mars je veux demander une prolongation de mon visa de 1 mois . Rester chez moi et pour moi de bien vieillire ,de m'assumer ,de ne pas dépendre des autres . C'est une liberté mais tellement importantequ j'ai parfois des craites de la perte .nous devons créer une solidaritée s'épaulé donné de l'information oui  il faut avoir accés pour tous à des prothèses auditive venant d'en avoir c'est très cher 1700 euros il faut avoir une bonne mutuelle mais une bonne mutuelle c'est très cher.   il y a beaucoup à faire mais je suis disposé de donner de mon temps j'aurai peut besion d'une formation mais je suis disponible

Amicalements Michel

Portrait de jl06

Tout fait d,accord avec toi Khammi , j,ajoute , quand l,heure de la déchéance sera venu je compte pas trainé sur le planché des vaches ....

amicalements

Portrait de Khammi

Je te comprends Je suis comme toi grbatère dans une maison de retraiite complétement désumaniser tres peu pour moi la vie doit toujousse prendre en charges s'assumer après autant se faire cramer la vie c'est du passer

Portrait de jl06

oui mais le plus tard possible ...je viens de me faire 15km en montagne trop beau .....

Portrait de Khammi

après un demi tour du monde début 2016 Johannesburg le Cap Caracas Panama  Colombie Paris Rennes Je suis chez une amie au Cameroun c'est la vie