VIH aux antipodes : l’Australie face aux nouveaux enjeux

Publié par Mathieu Brancourt le 23.07.2014
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Conférencesaids 2014

Alors que l’Océanie accueille la Conférence mondiale sur le sida à Melbourne, braquons l’objectif sur cette immensité faisant rarement l’actualité de l’épidémie. Territoire peu peuplé, mais pourvu d’un tissu activiste dense et mobilisé, l’Australie doit néanmoins s’adapter et répondre aux enjeux auxquels elle fait face.

Melbourne, capitale mondiale de la recherche et de la mobilisation sur le sida. Depuis le 20 juillet et pour cinq jours, la province de Victoria devient l’épicentre de l’actualité scientifique et associative concernant le VIH. Endeuillée avant même son ouverture par le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines et la disparition d’éminents chercheurs et activistes, cette conférence aux antipodes est l’occasion de s’arrêter sur la situation propre aux australiens face à l’épidémie.

Peu mais vulnérables

D’après les chiffres officiels, 26 000 personnes vivent avec le VIH sur le continent. Un chiffre peu élevé comparé à la population générale (22 millions d’habitants), grâce à un accès généralisé aux traitements et grâce à de nouvelles législations protectrices. Berceau de nombreuses réflexions sur la sexualité, c’est aussi ici que la notion de "sécurité négociée" au sein d’un couple sérodifférent a été théorisée. Mais cette faible incidence ne peut cacher la dynamique de l’épidémie ou les inégalités d’accès aux soins ou à la prévention parmi certaines communautés. "Le nombre de personnes nouvellement diagnostiquées continue d’augmenter et l’année 2012 a vu la plus forte hausse depuis 20 ans", explique Alex Mindel, responsable de la communication à la National Association of People With HIV Australia (NAPWHA), la plus grande association australienne de personnes concernées. Cela révèle "les limites des méthodes actuelles de prévention et souligne le besoin d’apprendre de la sagesse des événements passés", ajoute l’activiste, lui-même membre de la NAPWHA.

Apprendre du passé en Australie passe notablement par la fin des discriminations des populations les plus vulnérables. Les Aborigènes, minorité longtemps stigmatisée, sont encore éloignés des structures de santé. Héritage douloureux d’un racisme colonial, les conséquences sur l’épidémie demeurent flagrantes. Malgré la mise en place de réseaux de pairs éducateurs en prévention sexuelle comme pour la consommation de drogues auprès des communautés Aborigènes et des "Islanders", la prévalence du VIH reste largement plus élevée. Pire, les taux des infections sexuellement transmissibles demeurent 64 fois plus hauts que pour la population dite "non-indigène". Chez les gays, les IST font un pic et les nouveaux outils, comme la PrEP, tardent à être valorisés ou rendus accessibles. Alors que la science continue ses progrès et permet de prédire une fin de l’épidémie (si les financements suivent) d’ici 2030, la riposte passe par la société civile et, en tout premier lieu, les personnes séropositives. "Les stratégies du futur doivent impliquer et amplifier la parole des communautés touchées par le virus, avec le déploiement d’une "voix positive" au centre de la réponse anti-sida", développe Alex Mindel, avant d’évoquer le lancement d’un nouveau mouvement au sein de la NAPWHA.

Activisme pilote

Un mouvement neuf et radical, réclamant un leadership des personnes séropositives dans le combat contre le sida : voilà le credo de "PozAction". "Nous sommes un groupe, fruit de l’alliance de militants issus de la NAPWHA et des quatre principales organisations de la société civile sur le sujet. En favorisant l’implication des séropositifs, nous souhaitons promouvoir la collaboration, le partage des bonnes pratiques et l’engagement sur des projets nationaux sur des enjeux commun, comme le problème de la criminalisation judiciaire du VIH, l’accès étendu au dépistage et aux traitements pour tous" décrit Alex Mindel. L’expérience de vie comme socle de la mobilisation et du soin pour briser les barrières et les freins légaux et sociaux, c’est l’enjeu de ce collectif qui compte peser durant la conférence… et au-delà.

Aussi, hors de question de ne pas bénéficier des progrès scientifiques validés par des études présentées lors de la conférence. A l’occasion du grand raout de Melbourne, l’association francophone Warning met en avant des projets pilotes de traitement pré-exposition (PrEP) à destination d’homosexuels ou d’hétérosexuels à haut risque d’infection, mis en œuvre dans différentes provinces australiennes et soutenus par les associations locales de lutte contre le sida. Selon Warning, près de 450 personnes seraient parties prenantes de ces projets et la Fédération australienne des organismes de lutte contre le sida (AFO) en réclame l’élargissement, via une autorisation officielle de l’Etat Fédéral. Quatre ans après l’autorisation du Truvada (traitement de référence des essais de PrEP, ndlr) par l’Agence du médicament américaine et quelques jours seulement après les nouvelles recommandations de l’OMS, défendant le recours à la PrEP pour les gays à risque élevé d’infection par le VIH, il tarde à certains d’activistes de voir le gouvernement australien ouvrir davantage l’accès à la prophylaxie pré-exposition, en dehors des essais actuellement menés. "Fondamentalement, la prévention du VIH, c’est utiliser les meilleurs outils pour le bon contexte", rappelle Robe Lake, directeur de l’AFO cité dans le communiqué de Warning. Alors que l’Australie va revoir son Plan fédéral contre le sida et vient d’annoncer l’autorisation des autotests au VIH, la question du coût de la prévention, des traitements et de la prise en charge risque de peser dans la balance. Une problématique financière, qui traverse de nombreux pays rétifs à soutenir l’effort mondial pour le dépistage et les antirétroviraux pour tous.

Sans financement, la lutte n’est rien

"Inverser la tendance" de l’épidémie, comme le plaidait Michel Sidibé, le directeur exécutif de l’Onusida, un espoir qui ne résistera pas à la baisse des financements internationaux pour des traitements au Sud, ni sans la promotion des meilleurs traitements et outils de prévention, en Australie comme ailleurs. Et Alex Mindel de rappeler une phrase du président de NAPWHA, Robert Mitchell : "Nous avons tous les outils à notre disposition, accessibles maintenant. Nous arrivons à ce moment fugace où la perspective d’une fin du sida n’est pas seulement rhétorique, mais possible. Nous avons ce pouvoir et avec assez d’engagement, l’Australie peut montrer la voie".

Commentaires

Portrait de kapcod

Bonjour,

Mais qu'elles sont les conséquences sur le corps humain de la prise de ces drogues ?

Je pense au foie, l'estomac, le pancréa, les muscles, la peau etc.....

Truvada, j'en prends depuis 10 ans et malgré une hygiène de vie quasiment irréprochable ( je suis même devenu végétarien), il y  a un prix à payer, moindre que la séropositivité ou le sida j'en conviens.

La seule chose importante sera l'éradication du virus dans le corps et la guérison totale. Certaines analyses me laissent septique, mais c'est juste mon opinion.