VIH : dire ou ne pas dire ?

Publié par Fred Lebreton le 16.04.2021
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SexualitédicibilitéDisance

L’annonce du statut sérologique à son partenaire est toujours un enjeu majeur pour les personnes vivant avec le VIH. Une étude s’est intéressée à la façon dont cette annonce était vécue par des femmes vivant avec le VIH en Afrique du Sud. Les données publiées dans la revue médicale féminine Women’s Health ont été reprises sur le site  Aidsmap.

Les messages de santé publique autour de l’annonce du statut sérologique tournent souvent autour de la prévention et du Tasp (Indétectable = Intransmissible), en particulier dans les couples sérodifférents. Mais ce n’est pas toujours la raison qui motive les personnes vivant avec le VIH à révéler, ou non, leur statut sérologique. Le Dr Lario Viljoen et son équipe de l’université de Stellenbosch (Afrique du Sud) se sont penchés sur la question de l’annonce chez les femmes séropositives dans le cadre de l’étude PopArt (HPTN 071) menée au Cap-Occidental, une province située dans le sud-ouest de l'Afrique du Sud. Des visites bimensuelles à domicile ont eu lieu dans neuf communautés de cette province entre 2016 et 2018, avec des entretiens individuels et des focus groupes en lien avec différents aspects de la vie des participantes dont la vie affective, amoureuse et sexuelle. Sur cette thématique particulière, une analyse qualitative a été faite des témoignages de quinze femmes cisgenres vivant avec le VIH.

L’annonce qui renforce l’intimité

Pour plusieurs femmes interrogées dans le cadre de cette étude, l’annonce de leur séropositivité à leur partenaire était perçue comme un moyen de renforcer l’intimité dans le couple. Ces femmes pensaient qu’ « être honnête » avec leurs partenaires les rapprocheraient. Leurs témoignages montraient des signes initiaux de vulnérabilité et un besoin de soutien pour gérer le poids d’un diagnostic VIH. Pour pallier ce manque de confiance, certaines participantes ont eu recours à des moyens détournés pour annoncer leur statut sérologique comme faire un dépistage du VIH avec leur partenaire alors qu’elles connaissaient déjà leur séropositivité afin de se servir de cette opportunité pour révéler leur statut. Pour d’autres ce moment de « vérité » était vécu comme un moment « quitte ou double » dans leur relation. Un test pour savoir si, oui ou non, elles seraient acceptées en tant que femme séropositive. Parfois, l’annonce de la part des femmes avait pour conséquence une annonce de leur partenaire qui était, lui aussi, séropositif. D’autre fois, l’annonce était l’occasion d’engager une discussion sur le Tasp, même si les auteurs-rices de l’étude insistent sur le fait que dans la plupart des témoignages recueillis, la prévention de la transmission n’était pas un des points mis en avant, mais plutôt des questions de confiance et d’intimité renforcée.

L’annonce liée à un sentiment de trahison

Bien sûr, la façon dont les femmes de cette étude ont contracté le VIH influe beaucoup sur la façon de gérer l’annonce. Pour celles qui ont connu des histoires personnelles douloureuses avec des partenaires qui ont eu des relations sexuelles extraconjugales cachées et qui leur ont transmis le VIH, la colère et un sentiment de trahison prédominaient. Dans ces situations, l’annonce se faisait souvent dans une atmosphère de confrontation. Durant ces conversations, le partenaire masculin était obligé de confirmer qu’il était séropositif. Cela montrait bien toute la complexité de l’annonce du statut sérologique, y compris pour les partenaires masculins qui avaient des difficultés à l’annoncer à leurs compagnes et se retrouvaient dans une situation bien plus difficile après que les femmes aient découvert leur séropositivité.

Se taire pour se préserver

Certaines femmes interrogées dans cette étude ont choisi de ne pas annoncer leur séropositivité par crainte de conséquences à la fois affectives (que leur partenaire les quitte) ou matérielles (qu’elles soient mises à la porte du domicile conjugal). D’autres ne voyaient pas la nécessité de l’annoncer car elles utilisaient des préservatifs de façon systématique ou qu’elles avaient installé le préservatif comme outil de contraception dans leur couple.

Il est intéressant de noter qu’aucune des femmes interrogées dans cette étude n’a cité le Tasp comme raison d’annoncer ou de ne pas annoncer leur séropositivité à leurs partenaires. Il semble que la notion I = I (Indétectable = Intransmissible) n’ait pas eu d’impact significatif sur cette décision au moment de cette étude menée entre 2016 et 2018.

« Nous avons montré que l’annonce de la séropositivité au VIH a lieu dans un contexte de tensions et de priorités qui se chevauchent, telles que les dynamiques de relations de couples et de confiance », expliquent les auteurs-rices de l’étude. Et de conclure : « Une aide psychologique efficace serait la clé pour faciliter le processus d’annonce du statut sérologique, à la fois pour accompagner les couples dans leur relation intime et les aider à s’emparer de l’enjeu des traitements ARV que ce soit en matière de bénéfice personnel et de santé publique ».

Références : Viljoen L et al. The act of telling: South African women’s narratives of HIV status disclosure to intimate partners in the HPTN 071 (PopART) HIV prevention trial. Women's Health 17: 1-12. 2021 (open access).