VIH : échec 2020 et objectif 2025

Publié par jfl-seronet le 02.12.2020
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Chiffres1er décembre 2020

Chaque année à l’occasion du 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida, l’Onusida et d’autres organismes internationaux, voire européens, publient les données régionales et mondiales concernant l’épidémie de VIH. Cette année, les chiffres indiquent que nous avons collectivement raté l’objectif 90-90-90 (1) pour 2020. Mais l’Onusida ne renonce pas et fixe l’objectif 95-95-95 (2) pour 2025.

Données européennes

On a vu quelle était la situation française concernant le VIH et les IST. Que se passe-t-il donc sur le plan européen ? Les chiffres de la région européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) y répondent. Dans cette région, le nombre de personnes vivant avec le VIH non diagnostiquées est en hausse. Des statistiques publiées le 26 novembre par l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) et l’OMS indiquent que plus de 136 000 personnes ont reçu un diagnostic de séropositivité au VIH en 2019. Quelque 20 % de ces diagnostics ont été posés dans l’Union européenne (UE) ou l’Espace économique européen (EEE) contre 80 % dans la partie orientale de la région européenne de l’OMS. Un diagnostic sur deux est fait à un stade avancé de l’infection.

Au global, le nombre de nouveaux diagnostics pour le VIH a augmenté de 19 % dans la région européenne OMS depuis 2010. Parallèlement, la proportion de nouveaux diagnostics pour le VIH dans les pays de la zone UE et EEE a diminué de 9 % au cours de la même période. Une des sources d’inquiétude réside dans l’augmentation du nombre de personnes qui ignore être séropositif au VIH. « Le nombre de diagnostics de VIH nouvellement notifiés et le nombre estimé de nouvelles infections par le VIH dans l’ensemble [de la région européenne OMS] montrent que le nombre de personnes infectées par le VIH ces dix dernières années est supérieur au nombre de diagnostics de séropositivité. C’est le signe d’une augmentation du nombre de personnes dont la séropositivité n’a pas été diagnostiquée », explique un communiqué de l’ECDC et de l’OMS. En revanche dans l’UE et l’EEE, la tendance contraire est observée : une diminution du nombre de personnes vivant avec un VIH non diagnostiqué. La transmission par voie sexuelle entre hommes est la plus fréquente dans la zone UE/EEE ; celle des hétérosexuels-les et personnes injectrices est la plus fréquente dans la région orientale de la zone Europe de l’OMS.

Dépistages tardifs du VIH en Europe

Les données de 2019 indiquent que le pourcentage des personnes recevant un diagnostic tardif augmente avec l’âge. Ainsi sur l’ensemble de la région OMS, 67 % des diagnostics chez des personnes âgées de 50 ans ou plus ont été posés à un stade tardif de l’infection. Par ailleurs, en 2019, un nouveau cas sur cinq concernait une personne de plus de 50 ans. On dispose de peu d’explications sur ce phénomène : la principale est une sous-estimation du risque d’infection tant par les personnes concernées elles-mêmes, que par les soignants-es qui n’inciteraient pas assez au dépistage au-delà d’un certain âge.

Au niveau mondial

Plus de 1,6 million de personnes ont été infectées l’année dernière et près de 700 000 personnes sont décédées des suites du sida dans le monde. Au total, près de 39 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, dont 12 millions n’ont pas accès actuellement à un traitement. Par ailleurs, 1,7 million d’infections sont imputables « à l’absence d’accès aux services essentiels » pour l’année 2019 ; sous-entendre : ne pas avoir accès aux dépistages, aux traitements préventifs ou curatifs.

Objectifs ratés, tentons 2025 !

Comme chaque année, l’Onusida publie son rapport sur la situation mondiale. L’édition 2020, intitulée Prevailing against pandemics by putting people at the centre en appelle à la mobilisation des États, tout particulièrement à investir davantage dans la lutte contre le sida. Les objectifs 90-90-90 pour 2020 ont été ratés. Le rapport de l’Onusida détaille ainsi la cascade au niveau mondial. Nous en sommes à 81 % au lieu de 90 pour les personnes vivant avec le VIH diagnostiquées ; 67 % au lieu de 90 pour le nombre de personnes diagnostiquées sous traitement et 59 % sur 90 pour les personnes traitées ayant une charge virale indétectable. L’Onusida fixe donc de nouveaux objectifs qu’elle qualifie « d’audacieux, d’ambitieux, mais réalisables ». Comment rebondir suite à cet échec ? D’abord en fixant une nouvelle échéance à 2025 avec de nouveaux objectifs. Ils sont très largement détaillés par l’Onusida. Ces objectifs pour 2025 reposent en particulier sur les personnes les plus exposées à un risque d’infection et les plus marginalisées (les populations clefs). Il s’agit des jeunes femmes et filles, les adolescents-es, les travailleurs-ses du sexe, les personnes transgenres, les consommateurs-rices de drogues injectables et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Ils sont plus ambitieux que les objectifs retenus en 2016 et qui devaient être atteints en 2020 et il y en a plus. « Sont aussi prévus notamment que 95 % des personnes à risque aient accès à des options de prévention appropriées (préservatifs, médicaments…), que 95 % des femmes séropositives enceintes ou allaitantes aient une charge virale sanguine indétectable grâce au traitement et que 95 % des enfants exposés au VIH soient testés d’ici 2025 », détaille le rapport de l’Onusida. Sur le plan social, ce programme implique des « objectifs anti-discrimination afin que moins de 10 % des pays aient des lois et des politiques punitives, moins de 10 % des personnes vivant avec et affectées par le VIH subissent stigmatisation et discrimination et moins de 10 % soient victimes d’inégalités entre les sexes et de violences ». L’Onusida pense aussi santé globale puis qu’elle demande « l’accès d’au moins 90 % des séropositifs-ves et des personnes à risque accru d’infection par le VIH à des services de prise en charge d’autres maladies transmissibles (par exemple la tuberculose) ou non transmissibles (diabète, maladies cardiovasculaires, etc.) ». S’ils sont atteints, « le monde sera à nouveau en mesure de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030 ».

L’épée de Damoclès de la Covid-19

Même si les objectifs fixés pour 2020 n’ont pas été atteints, il n’en demeure pas moins que des progrès ont malgré tout été accomplis ces vingt dernières années dans la lutte contre le sida. Mais l’échec montre bien qu’ils restent insuffisants. Des avancées qui d’ailleurs se trouvent aujourd’hui menacées par la Covid-19 et ses conséquences en matière d’accès aux services de prévention et de soins. « La lutte mondiale contre le sida était mal engagée avant que la pandémie de Covid-19 ne frappe, mais la propagation rapide du coronavirus a créé des revers supplémentaires », indique d’ailleurs l’Onusida. Globalement, malgré la réaction des États, moins de personnes ont été dépistées, donc moins de personnes diagnostiquées et moins de soins ont été donnés. L’Onusida a fait réaliser une modélisation des effets de la crise de la Covid-19 sur le VIH : il pourrait y avoir entre 123 000 et 293 000 nouvelles infections supplémentaires par le VIH entre 2020 et 2022. De plus, la Covid-19 « pourrait être responsable cette année et les deux suivantes de 69 000 à 148 000 décès supplémentaires liés au sida ». Ces chiffres viennent télescoper les objectifs affichés sur plusieurs années tendant à faire baisser les nouveaux cas et les nouveaux décès de 500 000 chacun d’ici la fin de l’année 2020. D’ailleurs, le rapport mondial de l’Onusida indique que le « nombre d’infections est supérieur de 3, 5 millions et celui des décès de centaines de milliers par rapport à ce qui était escompté ». Reste que les travaux de l’Onusida n’énoncent pas que des mauvaises nouvelles. Ainsi, 26 millions de personnes étaient sous traitement contre le VIH en juin 2020, soit une hausse (modeste) de 2,4 % par rapport à la fin de 2019. En comparaison, la couverture du traitement avait augmenté d’environ 4,8 % entre janvier et juin 2019, mais la Covid-19 ne sévissait pas alors. Quatre millions de personnes supplémentaires devraient avoir accès au traitement pour atteindre l’objectif de 30 millions de personnes traitées fin 2020.

(1) : À l’horizon 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique ; 90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable ;  90 % des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée.
(2) : À l’horizon 2025, 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique ; 95 % de toutes les personnes vivant avec le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable ;  95 % des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée.

 

Données de santé : les trois visages de l’Europe
Les données de santé portent sur trois « dimensions » géographiques et populationnelles de l’Europe. La zone Europe de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comprend 53 pays. Cela va de l’Albanie à l’Ouzbékistan, d’Israël au Royaume-Uni, de la Russie à Monaco, etc. Elle couvre une vaste région géographique s’étendant de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. L’Union européenne (UE) compte 27 États membres. Elle représente une population de plus de 443 millions d'habitants-es. Quant à l'Espace économique européen (EEE), il s’agit d’une union économique rassemblant 30 États européens : les 27 États membres de l’union européenne et trois membres de l’Association européenne de libre-échange : l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein.