VIH et couple sérodifférent

Publié par Fred Lebreton le 04.10.2020
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Sexualitésérodifférence

Quel impact réel a le VIH dans un couple sérodifférent (une personne séropositive en couple avec une personne séronégative) ? On pourrait penser que l’avènement du Tasp comme outil de protection pour empêcher toute transmission du VIH facilite grandement les choses, et ce n’est pas faux. Mais, en réalité, le Tasp n’est pas connu de tous-tes et les représentations autour des personnes vivant avec le VIH ont la peau dure comme le montre une étude australienne consacrée à la question des couples sérodifférents.

Dans cette étude, publiée sur le site d’infos aidsmap, menée par le Dr Steven Philpot et ses collègues de l’Université de New South Wales à Sydney, en Australie, 21 hommes gays ont été interrogés. Neuf en tant qu’individus et le reste en tant que couples, mais pour lesquels chaque partenaire était interrogé seul. Onze participants étaient séronégatifs et dix séropositifs. Leur tranche d’âge allait de 31 ans à 61 ans. Un participant s’est déclaré bisexuel et tous les autres gays. Ils étaient tous blancs (à l’exception d’un homme qui s’est déclaré latino) et d’une catégorie socio professionnelle plutôt élevée. En termes de longévité de couple, 10 couples étaient ensemble depuis 1 à 5 ans, 2 couples étaient ensemble depuis 10 à 15 ans et 3 couples depuis plus de 16 ans. 12 couples vivaient ensemble et 3 chacun chez soi (chaque membre du couple a son propre logement). Le partenaire séropositif a été diagnostiqué avant le début de la relation dans treize des couples et après le début de la relation dans deux couples.

Un des constats les plus frappants de cette étude est le contraste entre la façon de vivre avec le VIH à l’intérieur du foyer et à l’extérieur. Les participants ont déclaré unanimement que le foyer garantissait un espace sécurisant, familial et protecteur où le VIH était presque un non sujet. Le Tasp joue un rôle essentiel dans ce contexte et le fait de pouvoir avoir des rapports sexuels sans préservatif et sans risquer une transmission contribue à rendre cette vie de couple ordinaire. Un des participants a déclaré : « Je ne veux pas que le VIH soit un sujet dans notre couple. Si j’avais de la tension, je prendrais un cachet tous les jours et le traitement serait tout aussi visible. Je prends mon traitement contre le VIH, mon conjoint le sait et cela fait partie de la vie d’un couple ordinaire ». Son conjoint ajoute : « J’ai appris avec le temps qu’il a tendance à être tête en l’air et oublier de prendre certaines choses alors tous les matins je dis : « Chéri, tu as pris tes médicaments ? ».

Paradoxalement, et alors que la notion de Tasp est tout à fait intégrée dans ces couples, la question du sang reste un sujet sensible comme l’explique un des répondants qui est séropositif : « Si je me coupe en cuisine et que je saigne, ça me rend paranoïaque. Je vais préférer jeter la nourriture alors que je sais que le virus est fragile à l’air libre ». Cette peur est d’autant plus irrationnelle que non seulement le virus du VIH ne survit pas à l’air libre et meurt en quelques secondes, mais surtout la personne en question est sous Tasp avec une charge virale indétectable et ne peux donc pas transmettre le VIH.

En dehors de leur foyer, ces couples sérodifférents ont du mal à appréhender la façon dont le VIH est perçu par leur entourage y compris leurs familles et leurs amis-es. 19 des 21 participants ont déclaré que le VIH était encore très stigmatisé dans la société. « J’ai toujours peur que la stigmatisation affecte la vie de mon conjoint, ma vie professionnelle ou familiale. Peur que les gens agissent différemment avec moi à cause du VIH », explique l’un d’eux. Cette stigmatisation a des effets insidieux sur la vie sociale de ces couples sérodifférents. Ils ont tendance à ne pas parler du VIH en public ou de ne partager cette information qu’avec des membres très proches de leur cercle familial et amical : « Quand on est sur le point de partir en voyage, je rappelle souvent à mon conjoint de prendre son traitement mais si quelqu’un est à côté je ne vais pas pouvoir lui dire : « As-tu pensé à prendre tes médocs ? ». La plupart de ces couples ont admis que cette façon différente de gérer la vie avec le VIH à l’extérieur de leur foyer et de leur vie intime était la raison pour laquelle ils ressentaient une différence entre les couples qui vivent avec le VIH et ceux qui ne vivent pas avec.

Les auteurs-ices de cette étude ont précisé que cette dernière avait des limites. Presque tous les participants sont blancs, tous en dessus de 31 ans, avec des revenus élevés, un bon niveau d’éducation et vivent dans un pays, l’Australie, où les traitements et le suivi VIH sont facilement accessibles. Il serait intéressant que les chercheurs-ses conduisent des études similaires chez des publics différents afin de voir si les conclusions de cette étude australienne peuvent être ou non généralisées.

Références : Philpot SP et al. The ‘normality’ of living as a gay serodiscordant couple in Sydney, Australia. Sociology of Health & Illness, online ahead of print, 7 August 2020.

 

Commentaires

Portrait de Élise17

Je n'ajoute qu'un simple commentaire qui se résume ainsi : je suis persuadée de lire, d'échanger et d'être moi-même séro+ depuis 30 ans, que la sérophobie est bien réelle, toujours d'actualité, très présente et qu'elle ne faiblira pas si nous ne l'y obligeons pas, pire qu'elle conduira à une catastrophe sanitaire pour les HIV+ et par répercussion pour les autres,car pendant que l'on nous diabolise encore et toujours, les autres MST IST ne cessent de croitre dangereusement et nous nous continuons d'enregistrer de nouveaux cas de contamination et de morts dans le monde, ce qui ne devrait même plus exister.