VIH et Covid-19 : l’impact des inégalités

Publié par jfl-seronet le 24.08.2021
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Depuis des mois, des débats ont cours sur les éventuels liens entre Covid-19 et VIH, notamment sur la survenue de formes graves et la mortalité. Rien n’est définitivement tranché, d’autant que les résultats des études (toutes sérieuses) s’avèrent contradictoires. Certaines pâtissent d’ailleurs d'un manque de données de santé (comorbidités, CD4 et charge virale), un paramètre qui pourrait s’avérer déterminant lorsqu’on entend répondre à cette question : le VIH rend-il la Covid-19 plus dangereuse ? Un récent rapport de l’Onusida, publié mi-juillet, ne clôt toujours pas la question médicale. En revanche, il présente des données qui montrent que les personnes vivant avec le VIH semblent davantage exposées au risque de contracter la Covid-19 sous une forme grave et d'en mourir… mais pas pour les raisons qu'on imagine.

Les preuves

Le rapport mondial actualisé sur le VIH/sida 2021de l’Onusida publié, mi-juillet, en marge de la conférence IAS met en évidence les preuves selon lesquelles les personnes vivant avec le VIH sont plus vulnérables à la Covid-19. Mais de quelles preuves parle-t-on ?

Des études menées en Angleterre et en Afrique du Sud ont révélé que le risque de mourir de la Covid-19 chez les personnes vivant avec le VIH est deux fois supérieur à celui de la population générale, note l’Onusida, mais ce qui est déterminant, c’est le niveau des CD4 et la charge virale. Le rapport, contrairement aux conclusions de celui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) présenté à l’IAS 2021 ne fait pas sienne la thèse que le VIH serait, en lui-même, un facteur de risque de développer une forme grave de la Covid-19, voire d’en décéder. Il donne d’autres explications. L’une est l’accès à la vaccination. En Afrique subsaharienne, qui abrite les deux tiers (67 %) des personnes vivant avec le VIH dans le monde, moins de 3 % avaient reçu au moins une dose de vaccin contre la Covid-19 en juillet 2021. La raison principale est que ces vaccins qui « pourraient sauver des millions de vies dans les pays en voie de développement, sont maintenus hors de leur portée, car les pays riches et les laboratoires verrouillent étroitement le monopole de la production et de la livraison des produits aux seules fins de profit », comme le pointe l’Onusida. Cette situation a des répercussions considérables dans le monde entier, car les systèmes de santé des pays en développement sont dépassés, comme en Ouganda, où les stades de football se transforment en hôpitaux de fortune. Et l’on sent bien l’amertume pointer dans les propos de Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida : « Les pays riches d’Europe se préparent à profiter de l’été, car leur population accède facilement aux vaccins contre la Covid-19, tandis que les pays du Sud traversent une crise partout dans le monde ». Et de tacler l’égoïsme des pays riches : « Nous ne tirons aucun enseignement du VIH, lorsque des millions de personnes se sont vues refuser des médicaments vitaux et sont mortes à cause des inégalités d’accès. C’est totalement inacceptable. »

Une lutte contre le VIH désorganisée

Outre l’absence d’un accès universel aux vaccins anti-Covid, une des causes des problèmes actuels est l’impact de la nouvelle pandémie sur les services de prévention et de soins du VIH. Autrement dit, la nouvelle infection a considérablement désorganisé la réponse mise en place pour le VIH/sida. Le nouveau rapport de l’Onusida montre d’ailleurs comment les confinements et autres restrictions liés à la Covid-19 ont gravement perturbé le dépistage du VIH, ce qui a entraîné dans de nombreux pays des baisses spectaculaires du nombre de diagnostics du VIH, une chute des orientations vers les services de soins et des démarrages de traitements du VIH. L’Onusida cite l'exemple du KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, où le dépistage du VIH a reculé de 48 % après le premier confinement national en avril 2020. Conséquence : le nombre de nouveaux diagnostics du VIH a diminué et le nombre de déclenchements de traitement a fortement régressé. Durant cette même période, 28 000 soignants-es habituellement chargés-es de la prise en charge du VIH et de son dépistage ont été réaffectés-es aux services prenant en charge la Covid-19.

Le rapport, Confronting inequalities, de l’Onusida montre qu’en 2020 : 1,5 million de nouvelles infections au VIH concernaient principalement les populations clés et leurs partenaires sexuels. Les personnes consommatrices de drogues injectables, les femmes trans, les professionnels-les du sexe, les gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, ainsi que les partenaires sexuels de ces populations clés, représentaient 65 % des infections au VIH dans le monde en 2020. Les populations clés représentent 93 % des nouvelles infections au VIH en dehors de l’Afrique subsaharienne et 35 % en Afrique subsaharienne. Très exposées au VIH, elles restent pourtant marginalisées et largement hors de portée des services de lutte contre le VIH dans la plupart des pays.

Des progrès qui cachent mal les lacunes

La désorganisation liée à la Covid-19 vient chambouler un paysage contrasté de la réponse au VIH, comme le montre le rapport Confronting inequalities. Côté progrès, on note que le dépistage et le traitement du VIH ont fortement augmenté au cours des 20 dernières années. Ainsi, ce sont 27,4 millions des 37,7 millions de personnes vivant avec le VIH, qui suivaient un traitement, contre seulement 7,8 millions en 2010. Cependant, les lacunes dans la prestation de services prennent des proportions démesurées chez les enfants. En 2020, environ 800 000 enfants âgés-es de 0 à 14 ans vivant avec le VIH ne suivaient aucun traitement de lutte contre le VIH. La couverture thérapeutique était de 74 % chez les adultes, mais seulement de 54 % chez les enfants en 2020. Beaucoup d’enfants n’ont pas été dépistés-es pour le VIH à la naissance et ne connaissent pas leur statut sérologique vis-à-vis du VIH. « Le leur faire savoir et les faire prendre en charge reste un défi majeur », avance le rapport.

Les femmes et filles… trop exposées

Celui-ci montre également que les femmes et les filles en Afrique subsaharienne continuent d’être exposées à un risque plus élevé d’infection au VIH, du fait des inégalités entre les sexes et de la violence sexiste toujours prégnantes. Les inégalités entre les sexes et les violences fondées sur le genre privent les femmes et les filles de leurs droits humains fondamentaux, y compris le droit à l’éducation, à la santé et aux opportunités économiques. « Elles augmentent leur risque d’infection au VIH et entravent leur accès aux services », souligne l’Onusida. En Afrique subsaharienne, les adolescentes et les jeunes femmes représentent 25 % de toutes les nouvelles infections au VIH, alors même qu'elles ne représentent que 10 % de la population. La pauvreté et le manque d’éducation constituent également d’énormes obstacles pour délivrer les prestations de santé et de lutte contre le VIH. La pauvreté est également un moteur de migration, qui a des conséquences graves sur l’accès aux services de lutte contre le VIH et met des vies en danger, car la population migrante fuit les conflits et la pauvreté dans l’espoir de trouver protection et sécurité économique.

Plus de droits pour plus d'effets

Les inégalités, y compris en santé, ne surviennent pas naturellement. Elles sont le fruit d’actions politiques et programmatiques, qui divisent plus qu'elles ne rassemblent, estime le rapport. Les populations clés sont ainsi marginalisées et criminalisées au nom de leur identité et de l'expression de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leurs pratiques et de leurs moyens de subsistance. Une nouvelle analyse intégrée au rapport Confronting inequalities démontre la « corrélation positive » entre de meilleurs résultats en matière de VIH et l’adoption de lois qui font reculer les discriminations. Ainsi, une étude menée en Afrique subsaharienne a révélé que la prévalence du VIH chez les travailleurs-ses du sexe était de 39 % dans les pays qui criminalisaient le travail du sexe, contre 12 % dans les pays où il était toléré, voire partiellement légalisé.

« Voilà maintenant 40 ans que nous luttons contre le VIH. Les succès et les échecs nous ont appris que nous ne pouvions pas nous préparer à une pandémie ni la vaincre, sans dissoudre les inégalités, promouvoir des approches centrées sur les personnes et fondées sur les droits et sans travailler avec les communautés pour atteindre toutes celles et tous ceux qui en ont besoin », a conclu Winnie Byanyima, dans la présentation du rapport. Une nouvelle feuille de route qui concerne aussi bien le VIH que la Covid-19 ; et surtout un rapport dont les données montrent bien que derrière le débat médical (non tranché, à ce jour), ce sont bien des éléments structurels qui valident l’hypothèse d’une dangerosité particulière de la Covid-19 pour les personnes vivant avec le VIH.

 

Commentaires

Portrait de X-ite

On globalise peut être trop vite les faits  : 

"En revanche, il présente des données qui montrent que les personnes vivant avec le VIH semblent davantage exposées au risque de contracter la Covid-19 sous une forme grave et d'en mourir"

Ceci est vrai pour des personnes qui ont en effet des CD4 bas et une charge virale haute, c'est le cas de séropositifs nouvellement contaminés, c'est aussi le cas comme le décrit l'articles de personnes séropositives vivant en Afrique et qui n'ont pas accès aux trithérapies d'ou l'intéret d'aider aux mieux ces populations. 

Et pour les autres, ceux sous traitement, ceux avec des CD4 au dessus de 500 et une charge virale indétectacle. En cas d'infection,du Covid, il est aussi possible qu'ils mettent plus de temps à se soigner, car d'une manière générale les séropositifs, même sous traitement, ont un peu moins de CD4 que la population générale...Mais peut être pas non plus au point d'en développer une forme grave et d'en mourir. On sait de sûre que les personnes les plus exposées, sont aujourd'hui les personnes âgées, les personnes en surpoids, les personnes diabétiques. En cas d'infection du covid, chez un patient séropositif sous traitement, en bonne santé autre, sans autre cormorbidité, il ne semble pas avoir d'études à ce jour suffisamment riches pour prétendre que l'on est plus à risque d'en mourir.