VIH et droits : ce qui compte au Canada

Publié par jfl-seronet le 05.01.2012
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A l’occasion de la Journée mondiale du sida, le Réseau juridique canadien VIH/sida, une importante association de lutte contre le VIH/sida au Canada, a souhaité rappeler quelques-uns des enjeux les plus pressants pour les personnes vivant avec le VIH ou le sida et celles qui y sont vulnérables. Comme l’explique le groupe, cette liste n’est pas exhaustive, mais pointe les gros dossiers. Passage en revue.
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Accès aux médicaments partout… et au Canada
Fin 2010, on estimait que sur 15 millions de personnes qui avaient besoin de médicaments antirétroviraux compte tenu de leur état de santé, 9 millions n’en recevaient pas. Un chiffre qui devrait, hélas, augmenter. Une des causes est les pressions que subissent les pays en développement pour "renoncer à des politiques qui rehausseraient l’accès à des médicaments génériques" ; une autre concerne les accords commerciaux en cours de négociation qui "menacent de poser encore plus d’obstacles à cet accès. "Ces pressions s’étendent (dans une moindre mesure) aux pays industrialisés. Dans les négociations d’un accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (UE), les enjeux de propriété intellectuelle demeurent un point de litige. La fuite d’une ébauche de l’accord indique que le Canada et l’UE seraient à la veille de finaliser des propositions qui limiteraient encore plus l’introduction de médicaments génériques abordables sur le marché canadien après l’expiration des brevets, ce qui ferait gonfler indûment les dépenses en soins de santé dans un contexte de pression budgétaire", indique le Réseau juridique canadien VIH/sida.

Drogues, détention et réduction des méfaits
Si la décision, récente, de la Cour suprême du Canada en faveur de l’Insite, le lieu d’injection supervisée de Vancouver, est une "grande victoire pour la science et la raison", il n’en demeure pas moins que pèsent des incertitudes. Ainsi le Réseau juridique canadien VIH/sida se demande si le "gouvernement fédéral respectera cette décision" et s’il "prendra en considération des demandes de lieux d’injection supervisée dans d’autres municipalités". Une des craintes est que le gouvernement fédéral "continue de forcer les fournisseurs de services à recourir chaque fois aux tribunaux, gaspillant l’argent des contribuables par son opposition à des services de santé salvateurs et fondés sur des données probantes, pour des communautés parmi les plus marginalisées et vulnérables au Canada". Un autre facteur inquiète le Réseau, la volonté du gouvernement fédéral (dans son projet de loi sur la criminalité) d’imposer "des peines minimales obligatoires pour des infractions liées à la drogue, même mineures, en dépit des méfaits largement documentés de ces mesures - en termes de fonds publics, de droits humains et bien sûr, de santé publique. Avec le surpeuplement des prisons qu’entraînera l’augmentation des peines d’incarcération, un nombre croissant de personnes seront exposées à des risques liés au VIH et à l’hépatite". Ce risque est d’autant plus fort du fait que le "gouvernement refuse (…) de mettre en œuvre des mesures de prévention élémentaires dans les prisons, comme des programmes d’échange de seringues". Pour le Réseau, il est illusoire de croire que "l’épidémie carcérale" qui pourrait découler de cette politique n’ait aucune répercussion sur "la communauté générale".

Non-divulgation du VIH… toujours un crime
Le Canada connaît une situation atypique en matière de pénalisation du VIH. "Depuis quelques années, la prolifération des poursuites en justice visant des personnes vivant avec le VIH inclut le recours troublant à des accusations parmi les plus graves du Code criminel [l’équivalent de notre code pénal, ndlr], même dans des cas où il n’y avait pas de risque important de transmission du VIH - ce qui équivaut à criminaliser des personnes simplement sur la base de leur séropositivité au VIH. Les reportages sensationnalistes à propos de ces procès, diffusés dans certains médias, exacerbent la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH", indique le Réseau juridique canadien VIH/sida.
Particulièrement en pointe sur les questions juridiques, le Réseau estime que "le manque de clarté, de raison et d’équilibre, dans l’état actuel du droit et/ou de son application, nécessite d’établir des lignes directrices [des recommandations, ndlr] pour les poursuites, afin que les procureurs soient guidés par les meilleures données scientifiques disponibles, dans la détermination de la pertinence de poursuivre des accusations pour non-divulgation du VIH [ne pas faire état de sa séropositivité… même en utilisant des moyens de protection]". Des Etats du Canada travaillent à ces lignes directrices. Le Réseau rappelle que "deux décisions clé de cours d’appel (au Manitoba et au Québec) ont reconnu, comme l’affirme depuis longtemps le Réseau juridique canadien VIH/sida, qu’il doit y avoir des limites au recours au droit criminel et que le droit doit évoluer avec la science du VIH. En entendant l’appel de ces deux affaires au début de l’an prochain (7 février 2012), la Cour suprême du Canada aura l’occasion de réexaminer sa décision initiale de 1998 sur le sujet (affaire Cuerrier) et de clarifier le droit". A cette occasion, le Réseau juridique canadien VIH/sida en collaboration avec une "vaste coalition" compte intervenir pour "exhorter la Cour à affirmer que la divulgation n’est requise qu’en présence d’un "risque important" de transmission du VIH et que cela exclut clairement certaines situations, comme les cas où un condom a été utilisé par la personne séropositive au VIH, ou si la charge virale de celle-ci était indétectable". Une affaire qui sera à suivre.

Le VIH dans les communautés autochtones
Les personnes appartenant aux communautés des peuples premiers, Inuits, Indiens (Algonquins, Mohawks…), etc. sont frappées de façon "significative et disproportionnée" par le VIH/sida. Cet impact est "alimenté par divers facteurs qui nuisent à la santé de ces populations", indique le Réseau juridique canadien VIH/sida. "Environ 3,8% des Canadiens et Candiennes s’identifient comme autochtones, mais en 2008 (année où remontent les plus récentes données de l’Agence de la santé publique du Canada), les personnes autochtones représentaient une proportion estimée à 8% des personnes vivant avec le VIH et environ 12,5% des nouveaux cas d’infection par le VIH", pointe le Réseau. Les cas d’infection surviennent au plus jeune âge et en plus forte proportion parmi les femmes de communautés autochtones que dans la population canadienne". L’expérience vécue par les personnes autochtones séropositives au VIH se situe à l’intersection de nombreux enjeux systémiques, comme la discrimination, un moindre accès à des services de santé (comme l’amorce plus tardive du traitement anti-VIH) et la toxicomanie. L’injection de drogue est la catégorie la plus importante d’exposition au VIH parmi ce groupe.

Lutte contre le VIH : tous les financements stagnent
Le niveau de financement fédéral de la lutte contre le VIH stagne depuis 2007 au Canada. Les associations ne savent d’ailleurs pas "si les financements seront davantage réduits l’année prochaine". "Réductions et retards dans les financements auront de graves répercussions sur les services communautaires de première ligne qui ont une mission de prévention du VIH et de soutien aux personnes vivant avec le VIH. Mais ce sont surtout les personnes qui ont le plus besoin de ces services qui en pâtiront, note le Réseau. Au moment d’écrire ces lignes [le document est sorti le 1er décembre, ndlr], aucun financement fédéral n’avait été confirmé au delà du 31 mars 2012 - ce qui a de sérieuses implications pour les services communautaires de première ligne en matière de prévention et de soutien, mais surtout, pour les personnes qui en ont besoin".
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