VIH, hépatite B : le long "Parcours" des migrants

Publié par Emy-seronet le 23.09.2012
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En France, plus d'un quart des nouveaux cas de VIH sont découverts chez des personnes originaires d'Afrique subsaharienne. Ces personnes sont aussi huit fois plus touchées par l'hépatite B que le reste de la population. Cette hépatite, à l'évolution variable, fait l'objet de dépistages tardifs. La faute au parcours migratoire, aux programmes de prévention, aux obstacles administratifs ? C'est ce que tente d'élucider une nouvelle étude de l'ANRS.
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"Parcours" est une étude inédite et très récente. Ce projet d'analyse comparative, qui a démarré le 30 janvier 2012, vise à évaluer l'impact des difficultés liées au parcours migratoire sur la santé des personnes originaires d'Afrique subsaharienne vivant en Ile-de-France et à améliorer la prévention et la prise en charge globale de ces personnes. "Nous savons que le succès d'un traitement dépend de la relation soignant-soigné, des conditions de vie du soigné, de sa capacité à subvenir à ses besoins financiers...", explique Joseph Situ, responsable des actions Migrants à AIDES. "Qu'en est-il des difficultés administratives qui viennent s'ajouter à la situation socio-économique fragile des migrants ? Le problème du titre de séjour, de l'accès aux droits, du logement, de l'emploi... Est-ce que le fait d'être en migration fragilise la capacité à prendre soin de soi ?"
 
Car ces difficultés sont de taille. A commencer par les nuits entières qu'il faut passer devant la porte des préfectures pour espérer obtenir ou renouveler le titre de séjour indispensable à l'accès aux droits sociaux. Le titre de séjour pour raison médicale destiné aux personnes atteintes d'une maladie grave ? De plus en plus difficile à obtenir. La couverture maladie universelle (CMU) ? L'Aide médicale d'Etat (AME) ? Ces deux dispositifs, pourtant destinés aux personnes démunies de ressources financières stables et/ou d'origine étrangère, sont refusés par un nombre important de praticiens. "Dans le cas de l'hépatite B, comme pour le VIH, on observe une absence de prise en charge médicale", indique Joseph. "De plus, l'hépatite B est un virus passif qui peut guérir, évoluer très vite ou rester endormi pendant plusieurs années et se réveiller brutalement. On attend qu'il soit chronique pour comprendre que c'est grave et la majorité des migrants entrent dans le système de soins à un stade avancé de la maladie, voire de cancer ou de cirrhose".

Elise Bourgeois-Fisson, de la Mission Innovation, Recherche, Expérimentation (MIRE) de AIDES le rejoint : "L'évolution très variable de l'hépatite B la rend très difficile à recenser. C'est aussi pour cela qu'on manque cruellement de données. C'est le cas dans les études de l'Institut nationale de veille sanitaire (InVS), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi dans les enquêtes déclaratives, comme celles de la MIRE, où les personnes peuvent répondre par la négative, persuadées qu'elles n'ont pas d'hépatite alors qu'elles en ont une". Les personnes qui ignorent leur statut n'ont pas les moyens de protéger leur entourage et ce virus très virulent se transmet souvent entre membres d'une même famille (salive, brosse à dents, etc.). D'après les premiers résultats de "Parcours", les répondants témoignent d'ailleurs de connaissances lacunaires sur cette maladie, ses traitements, ses modes de transmission et nombre de leurs interrogations restent sans réponse. Les services de prise en charge de l'hépatite B sont perçus comme des lieux de soins "uniquement" avec le médecin pour unique interlocuteur, et ne pouvant répondre aux questions sociales, administratives ou intimes alors que les attentes sont fortes dans ces différents domaines.

Ces premiers résultats permettent déjà de dégager une piste de réflexion : l'organisation de la prise en charge du VIH permet de répondre aux besoins médicaux, sociaux, psychologiques des répondants, et elle pourrait servir de modèle à la prise en charge de l'hépatite B. "On était partis pour recruter 1 000 participants dans chaque groupe ; on en a eu plus de 1 500 dans le groupe VIH, 1 600 dans le groupe généraliste et seulement 300 dans celui dédié aux hépatites. Les hépatologues ne sont pas habitués à collaborer avec des associatifs, beaucoup de leurs patients sont "perdus de vue" car ils ne sont pas revenus après le premier rendez-vous... Il y a un vrai besoin d'accompagnement des personnes dans ces services", constate Joseph Situ. Elise Bourgeois-Fisson déplore le manque de soignants, de services médicaux, de moyens financiers accordés aux hépatites de manière générale : "L’enquête "Parcours" s'intéresse à des populations qui n'étaient peut-être pas au cœur des préoccupations des autorités de santé jusqu'à aujourd'hui, mais ces populations commencent à gagner en visibilité. Ce qui est édifiant c'est que, même si on arrivait à dépister toutes les personnes qui vivent avec une hépatite en France, on ne saurait pas où les mettre".

"Parcours", c’est quoi ?
"Parcours" est mené par les équipes du CEPED sous la direction d’Annabel Desgrées du Loû en collaboration avec l’Inserm et l’Inpes, avec le soutien de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS). Ce projet a pour partenaires associatifs AIDES, SOS Hépatites, le RAAC-sida, le Comède et le FORIM. Il cherche à identifier les conditions sociales, économiques et administratives qui augmentent le risque de contracter le VIH et le VHB (hépatite B) par voie sexuelle, retardent le dépistage et l’entrée dans le système de soins, et compliquent la vie avec la maladie dans le but de mieux comprendre comment la maladie et les problèmes de santé influencent le parcours de ces personnes. 

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Portrait de sonia

Addendum A l'Institut Pasteur Le laboratoire de Pathogenèse des virus de l’hépatite B (Institut Pasteur/Inserm 845), dirigé par Marie-Louise Michel, étudie la réponse immunitaire aux différentes protéines du virus chez des sujets infectés. Les chercheurs ont conçu un candidat-vaccin thérapeutique pour les porteurs chroniques du virus, actuellement en cours d’essai clinique sous l’égide de l’ANRS (phase II, vaccin ADN combiné aux anti-viraux). Un autre axe de recherche de l'équipe porte sur les mécanismes d'inflammation et de régénération du foie dans des modèles animaux. Muriel Vray, au sein de l’Unité d’Épidémiologie des Maladies Émergentes, coordonne une étude sur la couverture vaccinale des enfants de moins de 5 ans au Sénégal et en République Centrafricaine

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