VIH : Inégalités d’accès au soin pour les Noirs-es

Publié par Fred Lebreton le 19.12.2020
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Thérapeutiqueaccès au soin

L’accès à la santé et aux soins est un droit fondamental et universel ou plutôt il devrait l’être. Les grandes épidémies de notre époque, comme le VIH, nous ont montré que, selon son genre, son origine ethnique, sa nationalité ou son orientation sexuelle, nous n’avons pas tous-tes le même accès à la santé. Une nouvelle étude britannique vient confirmer l’existence d’inégalités envers les personnes noires hétérosexuelles vivant avec le VIH au Royaume-Uni.

Cette étude a été présentée le 22 novembre par la Dre Rageshri Dhairyawan lors de la conférence virtuelle de la British HIV Association (Bhiva) (1) et reprise sur le site d’infos aidsmap. Le but de cette étude était de savoir si l’origine ethnique des personnes jouait un rôle dans le parcours de soin. L’analyse a porté sur les données concernant 12 302 personnes hétérosexuelles suivies dans 25 cliniques qui faisaient partie d’une cohorte britannique de suivi des personnes vivant avec le VIH (UK Chic) entre 2000 et 2017.

La majorité des participants-es étaient originaires d’Afrique subsaharienne (7 919 personnes), le second plus gros groupe était constitué de personnes blanches (2 345), puis afro-caribéennes (773), noires d’une autre origine (449), asiatiques (401) et autres origines/personnes métisses (415). Près de 48 % des participants-es étaient des hommes. Au début de l’étude, le taux moyen de CD4 était de 276 copies/mm3 (plus élevé chez les personnes blanches et plus bas chez les personnes asiatiques) et l’âge moyen des personnes était de 37 ans. Quatre critères cliniques étaient comparés chez les différents groupes ethniques avec pour chacun des ajustements sur des facteurs qui auraient pu influencer les résultats comme l’âge, le genre, le fait d’avoir contracté les hépatites B et C, le taux de CD4, la charge virale ou le fait d’avoir été en stade sida. La base de données n’enregistrait pas les facteurs socioéconomiques qui n’ont donc pas été pris en compte.

Le niveau d’accès aux soins était mesuré à l’aide d’un algorithme nommé Reach qui permet de déterminer, chaque mois, si une personne est « dans le soin » ou « en dehors du soin ». Il est fondé sur la situation clinique de chaque personne et la date prévue de son prochain rendez-vous de suivi médical. Une personne avec une charge virale indétectable devait faire son suivi tous les six mois pour être considérée « dans le soin », tandis qu’une personne avec une charge virale non contrôlée devait faire un suivi plus rapproché, tous les deux mois.

Après des ajustements et en comparaison avec les personnes blanches suivies dans cette étude, les personnes noires d’origine africaine avaient 30 % de probabilité en moins de rester dans le soin. Ce taux était de 26 % chez personnes afro-caribéennes et 22 % chez les personnes métisses. Malgré cet accès inégal au soin, l’étude n’a pas observé de différences dans le taux de mise sous traitement selon le groupe ethnique et 79 % des personnes suivies étaient en charge virale indétectable (moins de 50 copies/mm3 selon le seuil en vigueur au Royaume-Uni), sans variation selon l’origine ethnique des personnes.

Cependant après avoir atteint ce seuil de charge virale indétectable, 22 % des personnes ont connu à un moment donné des rebonds (deux résultats consécutifs de charge virale à plus de 50 copies/mm3) et tous les groupes de personnes noires avaient plus de probabilité de connaître un rebond de la charge virale comparé aux personnes blanches (85 % de probabilité en plus chez les personnes noires africaines et 73 % chez les personnes afro caribéennes).

Dans sa conclusion, la Dre Rageshri Dhairyawan a déclaré que ces résultats montraient que les personnes issues de minorités ethniques et notamment les personnes noires vivant avec le VIH devraient pouvoir bénéficier d’un soutien supplémentaire pour rester dans le soin et conserver une bonne adhérence aux traitements. Les cliniques devraient être plus proactives afin de guider ces personnes vers des services d’aide sociale et communautaires pour les aider à avancer sur des sujets qui les préoccupe, tels que le logement ou encore l’ouverture des droits sociaux. La barrière de la langue peut également constituer un frein. Les cliniques devraient donc pouvoir proposer des interprètes aux personnes migrantes afin de les informer de leur droit à pouvoir se soigner dans le cadre de la NHS (équivalent de la Sécurité Sociale au Royaume-Uni).

Références : Dhairyawan R et al. Antiretroviral treatment uptake and outcomes in heterosexual people living with HIV in the United Kingdom according to ethnic group. British HIV Association conference, abstract O1, November 2020.

(1) : La British HIV Association est une organisation de professionnels-les de la santé intéressés-es par le traitement et les soins des personnes vivant avec le VIH. La présidente actuelle de Bhiva est la Dre Laura Waters.