VIH : la compétence régionale menacée

Publié par jfl-seronet le 14.04.2010
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La nouvelle réforme française des collectivités territoriales fait l'objet d'âpres débats notamment sur un point : la clause générale de compétence. Ça n'a l'air de rien, mais derrière ce terme technique, il y a des enjeux très importants notamment en matière de lutte contre le sida. Seronet vous dit pourquoi.

Depuis 1982, les régions sont des collectivités territoriales de plein exercice comme le sont communes et départements. Elles ont notamment une autonomie financière. Grâce aux  premières lois de décentralisation (sous François Mitterrand), la clause générale de compétence permet aux régions de financer, sur leurs ressources propres, une politique dans les domaines de la culture, du logement, du social et sanitaire, de la recherche, de l'enseignement supérieur. Dans la réforme actuellement en débat, il est envisagé de supprimer cette clause générale de compétence pour les régions ainsi que pour les départements. C'était d'ailleurs une des recommandations du rapport Balladur (2009) sur la réforme des collectivités. Une recommandation qui avait alors suscité pas mal de critiques y compris à droite.

Mais quel est le problème ? C'est assez simple. Jusqu'à aujourd'hui, la clause dite de compétence générale permet à une collectivité de se saisir de compétences autres que celles strictement définies par la loi du moment qu'elle juge utile de le faire dans l'intérêt de la population locale. La région a certes des obligations comme la formation professionnelle, les lycées, les transports… qui sont imposées par le législateur, mais elle a des compétences volontaires, librement consenties, qu'elle se donne selon l'intérêt de sa population. En gros, cette clause est le feu vert donné aux collectivités "d'intervenir dans tout domaine sur la base de l'intérêt public local, départemental ou régional". Par exemple, dans une région où la population est concernée par le VIH, la région peut décider de financer des structures de lutte contre le sida, un centre d'information ou de prévention, surtout si l'engagement financier de l'Etat n'est pas à la hauteur. Ce qui n'est pas rare. Dans une région où une partie de la population est concernée par la consommation de drogues, elle peut décider de financer une recherche sur l'intérêt d'ouvrir des salles d'injection. C'est, par exemple, ce que la région Ile-de-France a récemment fait. La suppression de la clause générale de compétence empêcherait les régions de financer de telles actions dans le domaine de la santé, du social, du logement, de la culture… Un risque que les milieux culturels ont bien compris, puisque des manifestations ont eu lieu, des pétitions ont été lancées et d'autres initiatives ont déjà été prises. Ainsi, une pétition "La culture en danger", lancée par le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, a atteint plus de 30 000 signatures. Dans d'autres domaines, celui de la lutte contre le sida par exemple, on ne semble pas s'alarmer des conséquences de cette mesure. Pourtant, cette question préoccupe certains politiques. Lors de la campagne des régionales, l'équipe de Jean-Paul Huchon, président réélu de la région Ile-de-France, expliquait que si cette mesure était adoptée, la région pourrait très bien être contrainte de ne plus financer les associations de lutte contre le sida et même une structure comme le CRIPS (centre régional d'information et de prévention du sida). La suppression de cette clause pourrait aussi avoir des conséquences en matière de logement (appartements de coordination thérapeutique), de soutien aux associations de défense des étrangers ou LGBT… et les exemples sont multiples.

D'un côté, cette suppression reviendrait donc à réduire le champ de compétence des régions et leur capacité d'action. C'est d'ailleurs ce qu'avait bien vu l'ancien président du conseil régional d'Alsace Adrien Zeller (aujourd'hui décédé) lorsqu'il expliquait, en 2009, que "la suppression simultanée de la clause générale de compétence pour les deux niveaux [départemental et régional] serait même un appauvrissement grave de la démocratie locale, de la liberté, de la réactivité et de la capacité d'initiative locale". De l'autre, cette suppression aggraverait la situation dans bien des domaines dont celui de la lutte contre le sida, dont on voit bien avec le lancement des agences régionales de santé à quel point il est déjà bien malmené. Le pire est-il à venir ?