VIH : les antirétroviraux génériques débarquent en France

Publié par Renaud Persiaux le 21.06.2013
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Thérapeutique

Sur le marché depuis quelques semaines, les génériques d’Epivir (lamivudine) et de Combivir (lamivudine/zidovudine), sont rejoints, fin juin, par Viramune (névirapine, dans sa version en deux prises par jour). En novembre, est attendu le générique de Sustiva (éfavirenz). Que faut-il savoir sur l’arrivée de ces médicaments moins chers et efficaces et leurs probables conséquences en matière de prise en charge ?

Avec la tombée des brevets, deux antirétroviraux (ARV) génériques ont été récemment commercialisés : la lamivudine 150 mg et 300 mg (Epivir) en février 2013, et le médicaments deux-en-un lamivudine/zidovudine (Combivir) en avril 2013. Ces deux spécialités sont désormais très peu prescrites : Combivir, car la zidovudine qu’il contient peut provoquer lipoatrophie et anémie et qu’il y a des options bien mieux tolérées (comme Truvada et Kivexa). La lamivudine, car elle est majoritairement utilisée dans des médicaments deux-en-un (comme Kivexa). Le générique de Rétrovir (zidovudine), lui, n’est pas commercialisé en France.

Ces deux premiers ARV génériques sont rejoints, fin juin, par la névirapine 200 mg, version libération immédiate (en deux prises par jour). En novembre, devrait être commercialisé le générique de Sustiva (éfavirenz 600 mg), un des médicaments les plus utilisés.

Les arrivées suivantes sont plus lointaines. Le générique de Kaletra (lopinavir/ritonavir) est attendu en 2015, celui de Kivexa (abacavir/lamivudine) en 2016, celui de Truvada (emtricitabine/ténofovir) en 2017. D’autres d’antirétroviraux plus anciens, désormais très peu prescrits en raison de leurs effets indésirables, comme Zerit, Videx, Crixivan, ne seront pas génériqués.

Un générique, c’est quoi ?

D’abord, rappelons que tout médicament générique a une AMM (autorisation de mise sur le marché) délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Le Code de la Santé publique définit un générique comme ayant "la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées".

Astuces des grandes firmes

Face à l’arrivée de ces génériques, les laboratoires s’organisent. Deux exemples : Boehringer Ingelheim a commercialisé, à l’automne, une nouvelle forme de Viramune (névirapine) à libération prolongée qui autorise son utilisation en une prise par jour. Une arrivée fort opportune, quelques mois seulement avant l’arrivée d'un générique en deux prises par jour. De son côté, Gilead développe une nouvelle version du ténofovir, le TAF, efficace à des doses beaucoup plus faibles et donc supposé moins toxique, qui devrait être disponible juste avant la tombée du brevet de l'actuelle.

Quels prix ?

En pharmacie de ville, depuis 2012, la décote de prix d’un médicament générique est de 60 % par rapport au médicament de marque (dont le prix baisse parfois de 20 %). Selon le site du Comité économique des produits de santé (CEPS, consulté le 15 juin 2011), voici les prix TTC publics :
- Combivir = 295 euros ; lamivudine/zidovudine générique = 160 euros (trois génériqueurs : Teva, Sandoz, Mylan) ;
- Epivir = 181 euros ; lamivudine générique = 84 euros (un génériqueur : Mylan) ;
- Viramune = 280 euros ; névirapine générique = 124 euros (un génériqueur : Mylan).

Substituables par le pharmacien

En pharmacie de ville, les médicaments génériques sont substituables par le pharmacien dès lors que votre médecin n’a pas n’écrit "non substituable" ou "NS" sur l’ordonnance.

Si cette mention "NS" ne figure pas sur l’ordonnance et que vous décidez de vous opposer à la délivrance de génériques, vous ne bénéficiez pas du tiers payant sur le médicament concerné, ni de la transmission électronique de la feuille de soins. Il faudra faire l'avance des frais et le pharmacien établira une feuille de soins papier, à compléter avec les vignettes des médicaments délivrés, et à adresser, accompagnée du double de l'ordonnance, à la Caisse d'assurance maladie pour vous faire rembourser, dans un délai plus long qu’avec les feuilles électroniques (c'est le dispositif "tiers payant contre génériques, plus d'infos sur le site de l’Assurance maladie).

Pour les personnes qui prennent leur médicaments en pharmacie hospitalière, dès lors qu’il existe des génériques, la substitution est systématique.

La casse annoncée des combos ?

On ne peut que se réjouir d’une baisse des prix, ce d'autant que l’efficacité des versions génériques est a priori garantie par l’ANSM. Mais doit-on s’inquiéter d’un futur "cassage" des combos, ces médicaments tout-en-un qui sont un progrès récent (et symbolique) de la lutte contre le sida ? La Société clinique européenne sur le sida (EACS) souhaite, depuis ses recommandations 2011, que l’on ne "casse" pas les combos. 

Première chose à savoir : le pharmacien ne pourra pas prendre l’initiative, de lui-même, de "casser" un combo en ses composants séparés, par exemple, Kivexa (457 euros) en Ziagen + lamivudine.

En revanche, certains médecins pourraient décider de prescrire les composantes séparées pour autoriser la substitution (dans le cas de Kivexa, 87 euros d’économie, pour deux comprimés au lieu d’un). De même pour Atripla (799 euros), qui pourrait se voir "casser", dès novembre 2013, en Viread + éfavirenz générique + lamivudine (dont l’activité est considérée comme équivalente à l’emtricitabine), pour une économie estimée de 217€ par mois, pour trois comprimés au lieu d’un. De même, ils pourraient choisir de prescrire le Viramune en deux prises par jour, moins cher que celui en une prise unique (156 euros d'économie). 

Certaines personnes vivant avec le VIH pourraient vouloir contribuer aux économies, même si cela implique de prendre plus de comprimés. D’autres, qui trouvent les combos trop gros, pourraient préférer les composants séparés (si tant qu’ils le soient moins). Mais d’autres pourraient s’inquiéter voire se mélanger, ne pas vouloir ajouter de nouveaux comprimés à une liste parfois déjà longue (s’il n’y a pas que le VIH à traiter), ou retourner à des schémas en deux prises par jour.

Espérons donc que les médecins français seront à l’écoute des personnes qu’ils suivent et qu’ils leur demanderont leur avis. 

Commentaires

Portrait de aurore

Les médecins ne risquent ils pas d'être pénalisés s'ils ne prescrivent pas trop de génériques?

Portrait de Kio

peut être que le fait qu'il y aie + de concurrence, et l'arrivée des génériques, ça les poussera à investir + dans la recherche ? mais ils scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis... (pas trouver trop vite un remède), sinon ce sera plus aussi rentable.